Percée après des décennies d'hostilité : en présence de Trump, l'Azerbaïdjan et l'Arménie signent un accord


Le président américain Donald Trump n'a pas obtenu le succès escompté en tant que médiateur de paix, ni dans la guerre de Gaza ni en Ukraine. Mais il a réalisé une percée dans un domaine inattendu. En présence de Trump, les dirigeants des deux ennemis jurés du Caucase du Sud, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, Nikol Pachinian et Ilham Aliyev, ont signé vendredi à la Maison Blanche une déclaration commune sur un accord de paix.
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🚨 BREAKING : Le président Trump accueille le président azerbaïdjanais Aliyev et le Premier ministre arménien Pashinyan à la Maison Blanche — les trois dirigeants signent des accords de paix et économiques historiques. pic.twitter.com/KecTO44iCB
— Le Bark News (@LeBarkNews) 8 août 2025
Le texte et les autres documents signés ne sont pas encore disponibles, mais ses grandes lignes ont fuité. Selon cet accord, les deux États, qui se sont livrés des guerres acharnées de 1988 à 1994, puis de nouveau en 2020 dans le contexte des troubles liés à la dissolution de l'Union soviétique, reconnaissent leur intégrité territoriale respective. La nouveauté la plus importante est la création d'un corridor de transport traversant le sud de l'Arménie. Il s'agit d'une demande de longue date de l'Azerbaïdjan, qui ne dispose pas d'une liaison terrestre fonctionnelle avec son enclave du Nakhitchevan.
Ces dernières années, Bakou avait réclamé un corridor extraterritorial traversant la province arménienne de Syunik, dans le sud du pays. Le long de ce tracé, la souveraineté des autorités d'Erevan aurait été sévèrement restreinte. Le régime d'Aliyev a ouvertement menacé de guerre les Arméniens qui s'y opposaient. Le contrôle de ce corridor par les troupes russes a également été évoqué. Cependant, cette solution n'était plus acceptable pour l'Arménie, les relations avec son ancienne puissance protectrice, Moscou, s'étant refroidies. Aujourd'hui, les médiateurs américains ont trouvé une solution salomonique, du moins sur le papier.
Une rue Trump comme issueAucune troupe étrangère ne sera déployée le long de cet itinéraire, et la souveraineté de l'Arménie restera intacte. Cependant, les États-Unis interviendront en tant que nouvelle puissance garante. Ils recevront les droits exclusifs sur le développement du corridor de transport. Le projet sera baptisé Tripp (Route Trump pour la paix et la prospérité internationales) en l'honneur de Donald Trump. Apparemment, il était nécessaire d'exploiter la vanité du président pour susciter son intérêt pour le projet.
Un haut diplomate américain a récemment résumé l'idée de base de Tripp ainsi : « D'accord, nous prenons le contrôle. Donnez-nous 32 kilomètres de route à louer pour 100 ans, et vous pourrez tous l'utiliser. » Ce nombre de kilomètres ne doit pas être pris au pied de la lettre, mais en réalité, ces dimensions sont ridiculement petites du point de vue d'une grande puissance : à son point le plus étroit, le sud de l'Arménie ne mesure que 25 kilomètres de large, et l'Azerbaïdjan pourrait facilement être relié à l'enclave du Nakhitchevan par deux routes existantes, de 45 et 90 kilomètres chacune.
Le plan Tripp a des conséquences géopolitiques importantes : l’Amérique jouera un rôle clé dans le Caucase du Sud, la Russie sera tenue à distance et la Turquie, alliée de l’Azerbaïdjan, bénéficiera pour la première fois d’une liaison terrestre directe avec la mer Caspienne via le Nakhitchevan. Cependant, le déblocage des frontières de la région ne serait complet que si la Turquie rouvrait également sa frontière avec l’Arménie, fermée depuis des décennies. Le gouvernement d’Erevan espère que cet accord de paix aura des conséquences positives.
La Russie, de son côté, doit reconnaître une nouvelle perte d'influence dans son ancien territoire. Elle n'est plus la bienvenue comme médiateur de paix. Vendredi, les États-Unis, l'Azerbaïdjan et l'Arménie ont annoncé la dissolution du Groupe de médiation de Minsk : la Russie, aux côtés des États-Unis et de la France, occupait le rôle principal au sein de cet organisme, créé en 1992.
La question se pose de savoir pourquoi la paix se rapproche à l'heure actuelle. Des raisons plus profondes et des facteurs conjoncturels convergent. Un tournant s'est produit en septembre 2023, paradoxalement sous la forme d'une catastrophe. À cette époque, l'Azerbaïdjan s'est emparé de la région du Haut-Karabakh, à population arménienne, qui défendait son indépendance en tant que petit État non reconnu internationalement depuis la fin de l'ère soviétique. L'ensemble de la population arménienne a été expulsée. Pour l'Arménie, ce fut une débâcle. Mais dans le même temps, le principal obstacle à une solution de paix a disparu, et en Arménie, les partisans d'une Grande Arménie se sont retrouvés politiquement désemparés.
Pas encore tout à fait làCela a renforcé le pragmatisme du Premier ministre Pashinyan, qui avait auparavant appelé à des compromis douloureux. Bien que l'opposition l'ait présenté comme un échec après la chute du Karabakh, elle n'a pas réussi à le renverser. En mars, les deux pays voisins ont annoncé avoir conclu un accord-cadre de paix. Mais seule la médiation des États-Unis a permis de lever des obstacles, comme le corridor de transport.
Plusieurs questions restent en suspens, notamment la modification de la constitution arménienne exigée par l'Azerbaïdjan, la libération des prisonniers arméniens, un accord sur le tracé précis de la frontière et la ratification du traité de paix par les deux parties. Cependant, Trump estime avoir déjà atteint son objectif et s'en félicite sur son réseau social Truth Social : de nombreux responsables politiques ont déjà tenté de résoudre ce conflit, « sans succès jusqu'à présent, grâce à Trump ».
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