Un nouveau fonds forestier vise à rendre la conservation plus lucrative que l'exploitation forestière.

Les forêts tropicales humides sont vitales : elles sont riches en biodiversité, assurent les précipitations, régulent le climat et stockent d’énormes quantités de dioxyde de carbone. Malgré cela, leur destruction est largement acceptée.
La vaste forêt amazonienne est surexploitée. En 2022, année record de déforestation, une superficie de 7 x 7 kilomètres disparaissait chaque jour. La raison : l’espace nécessaire à l’élevage et à la culture du soja, principalement pour la production mondiale d’aliments pour animaux.
Plusieurs accords internationaux et lois environnementales n'ont jusqu'à présent permis qu'un ralentissement partiel de la destruction des forêts. Une nouvelle initiative vise à changer la donne : elle évalue financièrement la conservation des forêts et récompense les pays, les régions et les populations locales pour leurs efforts.
Comment fonctionne la nouvelle initiative de protection des forêts ?Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a présenté le fonds à Belém. Il s'appellera « Facilité pour la préservation des forêts tropicales éternelles (TFFF) ».
L’objectif est de lever 25 milliards de dollars américains (21,7 milliards d’euros) auprès des États contributeurs et 100 milliards supplémentaires auprès d’investisseurs privés.
Les fonds seront investis dans des obligations à haut rendement. Les investisseurs percevront un rendement annuel fixe sur un bénéfice attendu d'environ 4 milliards de dollars américains. Le reste sera distribué aux pays en développement qui protègent ou restaurent leurs forêts tropicales.
Ces paiements, effectués par hectare de forêt, pourraient presque tripler le financement actuel de la protection des forêts. Dans certains pays, ils dépassent même le budget total des ministères de l'Environnement.
Les engagements nationaux en faveur du TFFF seront recueillis lors du Sommet des Nations Unies sur le climat à Belém.
« Les forêts tropicales sont essentielles au climat. Elles stockent le carbone et assurent le cycle de l'eau », explique André Aquino, conseiller au ministère brésilien de l'Environnement. Plus de 80 % de la biodiversité mondiale se trouve dans ces forêts.
Aquino souligne que ce fonds permet d'assurer des paiements stables pour les services écosystémiques essentiels, indépendamment des changements politiques.
La ministre brésilienne de l'Environnement, Marina Silva, a déclaré : « Le fonds verse une indemnité par hectare de forêt protégée, que ce soit au Brésil, au Congo, en Indonésie ou en Malaisie. »
Afin de protéger les forêts en voie de disparition, Lula da Silva a proposé pour la première fois le mécanisme de financement TFFF lors de la conférence sur le climat de 2023 à Dubaï. Le Brésil s'est déjà engagé à verser un milliard de dollars américains.
« Le Brésil montrera l’exemple », a déclaré Lula en septembre. Si le financement est assuré lors de la prochaine COP30 , ce fonds pourrait devenir l’un des plus importants fonds multilatéraux de conservation au monde.
Les forêts existantes se voient attribuer une valeur financièrePlus de 70 pays possédant des forêts tropicales peuvent bénéficier de ce fonds, notamment le Brésil, la Colombie, le Ghana, la République démocratique du Congo, l'Indonésie et la Malaisie. Parmi les pays investisseurs figurent l'Allemagne , la France, la Norvège, le Royaume-Uni, la Chine et les Émirats arabes unis.
« Nous attribuons enfin un prix et une valeur aux forêts existantes », déclare Claudio Angelo de l’Observatoire du climat, un réseau de 77 ONG au Brésil. Cela pourrait fondamentalement changer notre perception des forêts.

Natalie Unterstell, du think tank Talanoa basé à Rio de Janeiro et spécialisé dans les politiques climatiques, souligne : le TFFF ne promeut ni la compensation carbone ni le reboisement pour compenser les émissions. Les mesures de protection des forêts ne doivent pas inciter les pays à émettre des gaz à effet de serre ailleurs. Il s’agit uniquement de « protéger l’environnement », précise-t-elle.
Unterstell espère que les pays s’engageront en faveur du TFFF lors de la conférence sur le climat (COP30) « afin que l’objectif de 25 milliards de dollars soit atteint le plus rapidement possible ».
Les communautés autochtones jouent un rôle clé dans la conservation de la nature.Les gouvernements des pays forestiers reçoivent la majeure partie des fonds du programme. Cependant, 20 % sont directement versés aux communautés autochtones et locales.
Les peuples autochtones sont considérés comme les « meilleurs gardiens » des forêts. Leurs territoires subissent moins de déforestation et enregistrent moins d'émissions de CO₂. C'est ce que révèle un rapport de 2021 de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Fonds pour le développement des peuples autochtones (FIDA). Selon ce rapport, la déforestation dans les régions autochtones du Brésil est 2,5 fois moins importante qu'ailleurs.
Dario Durigan, vice-ministre brésilien des Finances, confirme : « Au moins 20 % des fonds "devraient" être versés directement aux communautés locales. »
Greenpeace qualifie cette initiative de potentielle « avancée majeure pour la protection des forêts ». Cependant, l'organisation exige également que les fonds soient utilisés pour des mesures de protection efficaces et que le déboisement et la destruction des forêts en cours fassent l'objet d'un suivi professionnel.
Durigan souligne que des pays comme le Brésil, le Congo, l'Indonésie, le Pérou et la Colombie ne recevront d'argent que s'ils démontrent des « résultats concrets » en matière de protection des forêts.
Syahrul Fitra, de Greenpeace Indonésie, croit au succès de cette initiative, à condition qu'elle évite les erreurs des programmes précédents. Entre 2023 et 2024, la déforestation mondiale a doublé, principalement en raison des feux de forêt tropicaux destinés à l'agriculture.
Entre 2023 et 2024, la déforestation mondiale a doublé, principalement à cause des incendies déclenchés pour défricher les forêts tropicales en vue de l'agriculture.
Le TFFF est une nouveauté, explique Durigan. Contrairement aux subventions nationales précédentes, il s'agit d'un « instrument permanent » fondé sur la coopération multilatérale et un « investissement commun dans l'avenir de nos pays ».
Collaboration : Louise Osborne et Beatrice Christofaro. Adaptation de l’anglais par Gero Rueter.
Rédactrice : Tamsin Walker
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