Un tunnel découvert à Ciudad Juárez servait au trafic d'êtres humains

Le silence matinal qui régnait sur l'avenue Rafael Pérez Serna fut rompu par le bruit métallique d'une plaque d'égout. Des soldats de l'armée mexicaine et de la Garde nationale, déployés dans le secteur dans le cadre d'une opération de surveillance, observèrent une dizaine de personnes émerger de l'ombre du système d'égouts, face à l'imposante Plaza de la Mexicanidad. C'était le premier signe d'un projet plus important : un tunnel qui traversait discrètement l'avenue en direction du Rio Grande.
L'alerte fut immédiatement donnée. Des membres de l'armée mexicaine (Sedena) se rendirent à l'endroit indiqué et découvrirent une structure improvisée mais efficace : une échelle métallique, des vêtements abandonnés, des chaussures éparpillées et un passage souterrain. Le tunnel ne menait pas directement à El Paso, au Texas, mais il atteignait le Rio Grande, juste devant la porte 28 du mur frontalier. De là, le passage en territoire américain n'était plus qu'à quelques pas.
Cette découverte a suscité l'inquiétude des autorités fédérales et locales. Selon les premiers éléments de l'enquête, le tunnel mesurait plusieurs dizaines de mètres et était doté d'un système de ventilation rudimentaire. Malgré sa précarité, il permettait à des groupes de migrants de passer sans être repérés par les caméras ni par les agents frontaliers.
Le site a été sécurisé par des membres de l'armée mexicaine (Sedena), des agents de l'Institut national des migrations (INM) et du personnel de la Commission internationale des frontières et des eaux (CIBE). L'inspection se poursuivra dans les prochains jours, compte tenu des soupçons d'existence d'autres tunnels similaires reliés au système de drainage de Ciudad Juárez.
Un autre tunnel vient d'être découvert près du « X » à Ciudad Juárez. Des agents fédéraux ont mis au jour ce tunnel inachevé à quelques mètres seulement du grand « X » rouge du parc Chamizal. On ignore pour l'instant s'il était destiné à rejoindre les États-Unis, mais il y a quelques mois, les autorités avaient déjà découvert un tunnel similaire… pic.twitter.com/FVSHc1Jhp2
– Katarina Szulc (@KatarinaSzulc) 6 novembre 2025
Le phénomène n'est pas nouveau, mais il a pris une nouvelle ampleur. Au cours de l'année écoulée, des réseaux de trafic d'êtres humains ont utilisé des plateformes comme TikTok pour promouvoir les passages illégaux vers les États-Unis. Dans des vidéos qui cumulent des milliers de vues, ils promettent des « routes sûres » à travers des tunnels et facturent jusqu'à 10 000 dollars par personne.
Ce type de publicité numérique a entravé le travail des autorités, car il crée une fausse impression de facilité et de sécurité chez les migrants qui tentent de rejoindre les États-Unis. Or, nombre d'entre eux finissent par être victimes d'extorsion, de maltraitance ou d'abandon dans le désert ou sous terre.
Le tunnel découvert ce mois-ci n'est pas le premier dans la région. En janvier, les autorités mexicaines et américaines ont localisé un autre passage de 300 mètres reliant Ciudad Juárez à El Paso. Haut de 1,8 mètre et large de 1,2 mètre, il était renforcé par des poutres en bois et doté d'un système de ventilation rudimentaire. Son entrée était également dissimulée dans un égout situé au-dessus de l'avenue Rafael Pérez Serna.
En juin, une opération similaire à Tijuana a permis de découvrir un autre tunnel reliant la Basse-Californie à San Diego, en Californie. Ces découvertes confirment que les organisations criminelles continuent de s'adapter, tirant parti des infrastructures urbaines et des systèmes de drainage pour échapper à la surveillance.
Les autorités mexicaines ont renforcé leur coordination avec les agences américaines afin de détecter et de sceller les points d'accès souterrains qui mettent en danger la sécurité nationale et la vie des migrants. L'armée mexicaine et la Garde nationale maintiennent une présence dans des zones clés le long de la frontière, tandis que la Commission internationale des frontières et des eaux (CIFE) analyse les cartes souterraines du réseau de drainage frontalier.
La découverte à Ciudad Juárez pourrait n'être que la partie émergée de l'iceberg d'un réseau bien plus vaste utilisant le trafic clandestin comme voie migratoire. Parallèlement, la frontière demeure le théâtre de contrastes saisissants : d'un côté, le rêve américain ; de l'autre, le désespoir nécessaire pour l'atteindre, quitte à passer par la clandestinité.
La Verdad Yucatán





