"Il faut avoir la politesse de rire de ses chagrins": de passage à Villeneuve-Loubet, Stéphane Guillon nous a parlé de sa philosophie et de ses projets

Quand on retrouve Stéphane Guillon, il débarque tout juste de Lumio, le village de Haute-Corse où il a élu domicile, dans une demeure au panorama splendide. On se dit que là-bas, avec cette vue mer incroyable, il doit se sentir en vacances en permanence. Pas vraiment, en fait.
"J’ai le même problème que ma mère: je suis hyperactif. Je ne m’assois jamais et je m’arrête juste le soir, quand je vais me coucher. Ces derniers mois, j’ai bossé sur l’écriture d’un film. Je viens de finir. Et à côté de ça, je m’occupe beaucoup de ma maison. 5.000mètres carrés de terrain dans le maquis, c’est chaud patate. Quand je suis arrivé, ce n’était que de la ronce et du tuff, un mélange de terre et de sable", assure le comédien, avant d’évoquer avec un certain délice les restanques qu’il a construites.
"Redonner l’essence du texte, sa force, sa vibration"Après cette entrée en matière architecturale et géologique, on est entré dans le vif du sujet: sa venue au Rouret pour le Festival des mots, vendredi dernier. Face au public de cet événement gratuit proposé par le Conseil départemental, Stéphane Guillon avait choisi, en concertation avec l’organisateur, Frédéric Garnier, de faire lecture d’Avant que la mémoire s’efface. Quelques propos maritimes, le livre du charismatique navigateur Olivier de Kersauson (2024, Cherche Midi).
"J’avais en tête la verve et la gouaille de Kersauson quand il parle de la vie en général, et de la mer en particulier. Et je me suis dit que ça pouvait coller avec mon esprit. La difficulté, c’est de composer avec ce genre de personnage au phrasé particulier. J’avais connu la même chose en préparant Il a la côte Devos! avec Daniel Benoin [le directeur du théâtre Anthéa, à Antibes, ndlr]. Pour l’un comme l’autre, il ne faut pas être dans l’imitation, il faut essayer de redonner l’essence du texte, sa force, sa vibration."
L’art difficile du détachementEn se plongeant dans le bouquin du marin, Stéphane Guillon y a trouvé quelques passages qui ont résonné chez lui. "Il écrit qu’il faut pouvoir se foutre de ce que les gens disent de vous et avancer. Il y aura toujours des grincheux. Surtout aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, c’est impossible de plaire à tout le monde. Et puis à partir du moment où vous êtes connus, vous êtes suspect."
Lui a-t-il fallu beaucoup de temps pour apprendre à faire le dos rond? Affirmatif. "J’ai fait beaucoup d’erreurs, j’ai répondu de façon frontale, j’ai parfois pris la mouche, il faut beaucoup de temps pour arriver à se détacher. Je pense que c’est la force de Kersauson, c’est justement qu’il a une sorte de surplomb, une nonchalance, qui est peut-être due au fait qu’il a navigué au large."
Mougins, son éternel refugeEn publiant Fini de rire (2024, Albin Michel), notre homme ne semble pas s’être embarrassé du qu’en-dira-t-on. Il y racontait comment il avait quitté sa compagne, Muriel Cousin, leur famille recomposée de sept enfants (trois chacun et un ensemble) pour commencer une histoire avec une femme plus jeune que lui de 28 ans, qui a fini par le plaquer par mail.
"Il faut toujours avoir la politesse de rire de ses chagrins, me semble-t-il. C’était nécessaire, ça m’a beaucoup aidé. J’ai aussi essayé de faire quelque chose de drôle, je crois que ça l’est."
Ce texte cathartique, il a pris forme du côté de Mougins, dans une autre maison incroyable, appartenant à sa famille de longue date. "C’est un endroit hors du temps, préservé. Il y a plus d’un hectare d’oliviers et une ferme. Quand j’y suis, ça me ramène en enfance, quand je pêchais des oursins sur l’île de Lérins avec une fourchette ou quand on cueillait des asperges sauvages avec ma mère, dans l’arrière-pays."
Ardisson et lui: "On avait beaucoup de points communs"Puisqu’on le voyait quatre jours après la disparition de Thierry Ardisson, il a forcément été question de l’homme en noir. Stéphane Guillon avait collaboré une dizaine d’années avec lui dans Salut les terriens!.
"Il y a eu une cassure à un moment, mais je le considère comme mon grand frère. On avait beaucoup de points communs. On est deux hypersensibles qui aiment castagner, qui ne supportent pas se faire castagner. On s’était retrouvés à la marche contre l’antisémitisme. Il m’a alpagué: ‘‘ça va ma poule?’’. On s’est fait la bise et c’était reparti. On a compris qu’il y avait des choses plus importantes."
Après avoir connu une belle réussite au Théâtre Antoine, à Paris, avec Inconnu à cette adresse, Stéphane Guillon partira en tournée en compagnie de Jean-Pierre Darroussin. Avec cette pièce réunissant un Allemand et un Juif américain, à l’heure de la montée du nazisme, on les verra notamment le 9 novembre à Cannes, au Palais des Festivals.
Prochainement, Stéphane Guillon sera aussi dans la peau du patron d’Elf dans Eldorado, une série Arte sur l’affaire des avions renifleurs, avec Patrick Chesnais, Jérémie Rénier ou encore Karim Leklou.
Var-Matin