“Once Upon a Time in Gaza”, un film émouvant et “complexe” sur le “prix de la survie”

“Once Upon a Time in Gaza est loin d’être une fiction criminelle comme les autres : c’est une réflexion complexe, riche et introspective sur l’identité, la résistance et le prix de la survie”, loue le quotidien émirati The National. Auréolé du Prix de la mise en scène dans la section Un certain regard au dernier Festival de Cannes, le troisième long-métrage des frères Arab et Tarzan Nasser joue avec les codes du western spaghetti pour mettre en scène les personnages de Yahya (Nader Abd Alhay), un étudiant, et d’Osama (Majd Eid), un dealer au grand cœur. Le premier finit par travailler dans le magasin de falafels du second, et un policier véreux, Abu Sami (Ramzi Maqdisi), vient leur chercher des noises – esquissant alors un trio façon Le Bon, la Brute et le Truand.
Avec poésie et un humour parfois noir, les deux cinéastes gazaouis déroulent une comédie attachante, qui donne à voir en creux la réalité du quotidien des Gazaouis. Tarzan Nasser a déclaré au quotidien panarabe Asharq Al-Awsat que la décision de débuter l’intrigue en 2007 “n’était pas arbitraire”, car cela place l’action au lendemain de l’élection du Hamas aux législatives de 2006. La population de l’enclave, qui compte de nombreux descendants de déplacés palestiniens de la Nakba (1948), se voit alors sanctionner par Israël, qui impose un blocus terrestre et aérien sans précédent, avec de lourdes conséquences.
Piégés à Gaza, devenue une prison à ciel ouvert, Yahya et Ousama tentent de survivre alors que le quotidien se détériore rapidement à tous les niveaux – Yahya se voit par exemple refuser par les autorités israéliennes, sans explication, une autorisation de sortie du territoire pour se rendre au mariage de sa sœur à Jérusalem. Et le duo vivote en vendant des pilules, entre autres cachées dans des sandwichs de falafels.
“Les personnages représentés à l’écran ne demandent qu’à vivre leur vie dignement. Ils voudraient réaliser leurs rêves mais se heurtent à la dure réalité qui les en empêche. Cependant, ils ne se résignent jamais à attendre la mort et continueront d’avancer malgré tous les obstacles qui se trouvent sur leur chemin”, explique The National. Et ce bien qu’ils soient “confinés dans des recoins suffocants, sombres et crasseux” tout au long du film, ajoute Al-Araby Al-Jadid, un autre quotidien panarabe, qui applaudit un film “émouvant et passionnant”.

Nés en 1988 à Gaza, les deux réalisateurs, jumeaux, ont quitté en 2012 le territoire pour poursuivre leur carrière en Jordanie et en France, car le blocus israélien et le Hamas rendaient la production cinématographique très difficile. Leur famille, elle, se trouve toujours actuellement à Gaza, sous les violents bombardements qu’Israël mène de nouveau après avoir rompu un fragile cessez-le-feu en mars 2025.
Pour ce troisième long-métrage, les frères Nasser ont récréé en Jordanie des ruelles de Gaza, qui dans la réalité sont aujourd’hui pour la plupart détruites, pour donner vie à leurs deux héros, dont le “périple se transforme en confrontation avec la corruption, dans un récit mêlant amertume et sarcasme”, lorsque Osama se voit menacer par Abu Sami, détaille Al-Jazeera.
Le film excelle en jouant sur les registres d’images. À l’intrigue principale se superposent des images d’actualité des lourds bombardements israéliens, tout comme le discours de Donald Trump, qui a assuré en février dernier qu’il allait faire de Gaza “la Riviera du Moyen-Orient”. Un discours dont le cynisme est mis en exergue à travers d’autres scènes du film.
Cette comédie-thriller prend un tournant lorsque Yahya se voit recruté pour le tournage d’un film d’action produit par le ministère de la Culture du Hamas à la gloire d’un “martyr”. Selon The National, ce film dans le film s’inspirerait d’une vraie production que le Hamas a cofinancée et dont il a assuré une projection en 2009 dans l’enclave : Imad Aqel, du nom d’un combattant du Hamas tué par des soldats israéliens en 1993. Les frères Nasser s’approprient ce film pour livrer une critique portant sur l’instrumentalisation des images et du cinéma. Ainsi “une histoire apparemment simple se transforme en quelque chose de résolument plus complexe”, souligne le quotidien émirati.
Et Once Upon a Time in Gaza, notamment à travers le personnage du policier, “jette un regard sévère sur la corruption et les tueurs vénaux qui accèdent au pouvoir. Même lorsque ces pouvoirs se soucient de la culture, c’est uniquement à des fins de propagande, pour assurer leur survie” et leurs propres intérêts, estime Al-Araby Al-Jadid.
Et si les scènes de cortèges funéraires de “martyrs” se répètent sans cesse, les frères Nasser ne manquent jamais de donner à voir la résilience et la résistance de leur peuple.
“Si le film examine sans détour les failles au sein du commandement du Hamas de l’époque, il ne laisse jamais les spectateurs oublier la menace qu’Israël fait peser [sur l’enclave] à chaque instant, et leur rappelle que la façon dont l’État hébreu traite Gaza est à l’origine de tous les problèmes”, commente The National.
Courrier international est partenaire de ce film.
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