Ari Aster, réalisateur d’« Eddington » : « Nous avons perdu la conscience d’un monde plus grand que notre petit moi »

Portrait Avec « Eddington », brillante fable horrifique dont il a le secret, le réalisateur de 38 ans triture avec drôlerie les angoisses de la crise du Covid et les névroses de l’Amérique de Trump.
Ari Aster à la première d’« Eddington », le 26 juin 2025, à Los Angeles. CHRIS PIZZELLO/AP/SIPA
Le mal, grand sujet d’Ari Aster, est d’abord une affaire de famille. Avant le bien nommé « Hérédité », brillante variation autour de « l’Exorciste » qui l’a lancé dans la cour des grands en 2018, son court-métrage de fin d’études, « The Strange Thing about the Johnsons », comédie horrifique tricotant son malaise autour d’un inceste, jetait les bases d’une obsession. Non seulement ses personnages d’antihéros poursuivis par la scoumoune – de Dani, l’étudiante martyre de « Midsommar » (formidable huis clos horrifique admiré par Martin Scorsese), au rôle-titre du névrotique « Beau Is Afraid » – ne se débarrassent jamais de leur enfance traumatique, mais ils finissent inexorablement dévorés jusque dans leur chair par un atavisme démoniaque. Dans son dernier-né « Eddington », Joe Cross (Joaquin Phoenix), nanti d’une femme dépressive et d’une belle-mère complotiste, n’est pas en reste, shérif torturé d’une petite ville du Nouveau-Mexique au bord de l’autodestruction, rongée par la folie furieuse des réseaux sociaux et la psychose du Covid.
A Cannes, où nous avons rencontré Ari Aster, la tentation est grande de jouer les psys de comptoir avec ce trentenaire new-yorkais loquace et affable, manifestement ravi par notre enthousiasme quant à son film (il sait qu’« Eddington » a divisé la presse), néanmoins bigrement évasif au moment d’évoquer son propre nœud gordien. Oui, reconnaît-il, son goût pour les mécaniques perverses du clan et les lois de la fatalité trouve aussi bien ses racin…

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Le Nouvel Observateur