Internet : la navigation privée garantit-elle l’anonymat ?

La navigation privée permet d’éviter que quelqu’un d’autre ayant accès à votre ordinateur voie vos activités en ligne a posteriori. C’est utile, par exemple, sur un ordinateur public ou partagé, pour ne pas laisser d’identifiants enregistrés ni d’historique compromettant.
Cependant, il est important de comprendre que cette confidentialité est avant tout locale (sur votre appareil). Le mode privé n’implique pas de naviguer de façon anonyme sur le réseau Internet lui-même. Il ne s’agit pas d’un « bouclier d’invisibilité » vis-à-vis des sites web visités, de votre fournisseur d’accès à Internet (FAI), ou de votre employeur.
Comme l’indique la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), même en mode privé, les sites peuvent collecter des informations via des cookies (des petits fichiers qui enregistrent vos préférences et activités en ligne) ou des techniques de fingerprinting, qui permettent d’identifier un utilisateur de façon unique en analysant les caractéristiques techniques de son navigateur.
Des études confirment les limites techniques du mode privé. Des traces subsistent malgré la fermeture de la session, en contradiction avec ce qu’affirme la documentation du navigateur. Une analyse sur Android a révélé que la mémoire vive conserve des données sensibles : mots-clés, identifiants, cookies, récupérables même après redémarrage.
Le mode privé ne bloque pas les cookies publicitaires, il les supprime simplement en fin de session. Lorsqu’on revient sur un site dans une nouvelle session privée, celui-ci ne « se souvient » pas des choix précédents : il faut donc souvent redéfinir ses préférences (accepter ou refuser les cookies). Les bannières de consentement aux cookies, bien connues des internautes européens depuis l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la directive ePrivacy, réapparaissent donc systématiquement. La fatigue du consentement pousse de nombreux internautes à tout accepter sans lire.
En France, 65 % des internautes acceptent systématiquement les cookies, malgré une meilleure information sur le sujet ces dernières années. Pourtant, les internautes sont conscients des risques liés à leur vie privée en ligne, mais n’agissent pas systématiquement, souvent par manque de connaissances ou de confiance dans les outils disponibles. Certains sites dissimulent même l’option « Refuser » pour vous influencer : un panneau bien conçu peut réduire de moitié les acceptations.
Le mode privé ne suffit pas à garantir l’anonymat en ligne. Pour mieux protéger sa vie privée, il faut combiner plusieurs outils.
Un VPN (virtual private network ou réseau privé virtuel, en français) crée un tunnel sécurisé entre votre appareil et Internet, permettant de naviguer de façon plus confidentielle en chiffrant vos données et en masquant votre adresse IP. En 2024, 19 % des utilisateurs de VPN français souhaitent avant tout cacher leur activité, et 15 % protéger leurs communications.
Un navigateur comme Tor va plus loin : il rebondit vos requêtes via plusieurs relais pour masquer totalement votre identité. C’est l’outil préféré des journalistes ou militants, mais sa lenteur peut décourager un usage quotidien. Des alternatives comme Brave ou Firefox Focus proposent des modes renforcés contre les traqueurs, tandis que des extensions comme uBlock Origin ou Privacy Badger bloquent efficacement pubs et trackers. Ces extensions sont compatibles avec les principaux navigateurs comme Chrome, Firefox, Edge, Opera et Brave.
Il est aussi essentiel d’adopter une hygiène numérique : gérer les cookies, limiter les autorisations, préférer des moteurs comme DuckDuckGo, qui ne stockent pas vos recherches, ne vous profile pas et bloque automatiquement de nombreux traqueurs, et éviter de centraliser ses données sur un seul compte. En ligne, la vraie confidentialité repose sur une approche globale, proactive et éclairée.
SudOuest