On a rencontré Jamie Cullum à Jazz à Juan: le pianiste britannique évoque ses souvenirs azuréens, son amour pour musique et ses projets à venir

On s’y est pris à plusieurs fois pour être certain que le soleil n’avait pas tapé trop fort sur notre caboche. Mais c’est bien ça: Jamie Cullum est né le 20 août 1979 à Rochford, dans le comté de l’Essex. Dans un mois, le Britannique aura donc 46 ans, et on lui en donnerait bien 15 ou 20 ans de moins.
Une fois la soirée de vendredi soir terminée à Jazz à Juan, le constat était encore plus frappant. Ce gars-là a de la dynamite dans les doigts et dans les jambes. Parfois timoré lors de certaines soirées, le public a succombé à son charme, en se laissant entraîner par sa bonne humeur et son talent. Tout sauf une surprise si vous l’avez déjà vu à l’œuvre, du côté du Nice Jazz Festival, dont il a été le parrain en 2015, de Monte-Carlo, où le regretté Jean-René Palacio l’invitait dès qu’il pouvait. Et aussi, surtout, dans cette Pinède Gould où il se produisait pour la sixième fois de sa carrière.
2006: dans le grand bain, avant le bain de minuitUne heure et demie avant de retrouver Juan, où il n’avait plus mis les pieds depuis 2017, le pianiste et chanteur a pris le temps de revenir avec nous sur son parcours et ses envies actuelles, le tout avec un naturel déconcertant. Très vite, il a été question de sa première fois ici, de cet été 2006 où il avait scotché la foule sans prévenir, grimpant sur son piano comme un Zébulon intenable.
"Je m’en souviens très bien. D’abord parce que je n’arrivais pas à croire que la scène était juste devant la plage. Et puis parce que j’avais en tête la liste de tous les grands qui avaient joué ici. Count Basie, Duke Ellington, Miles Davis... J’étais très excité de voir ce que je pouvais apporter à ce festival."
Histoire de fêter cette première éclatante, lui et ses potes s’étaient offert un plongeon dans la Méditerranée, nus comme des vers. "Comment vous savez ça? (Il éclate de rire) C’est une nuit de folie. On était allés à la jam-session après le concert, puis on a eu envie d’aller se baigner. Voilà!"
"Si Herbie Hancock te dit ça..."À partir de là, Jamie Cullum, à qui l’on doit notamment une reprise d’Everlasting Love sur la bande originale de Bridget Jones: L’Âge de raison ou Gran Torino, sublime ballade pour le film de Clint Eastwood du même nom, n’a cessé d’aller de l’avant, tout en faisant valser les carcans des gardiens du temple. Facile? Oui... et non.
"J’ai un background dans le jazz, mais aussi dans la pop et le rock. J’ai grandi avec toutes ces musiques et je pensais que je devais être moi-même. Mais parfois, quand je me retrouvais sur les mêmes affiches que Sonny Rollins ou Diana Krall, je me demandais ce que je faisais là, j’étais un peu nerveux."
L’apaisement, puis le sentiment d’être dans le vrai, viendront au gré de ses rencontres. "Herbie Hancock m’avait conseillé d’amener mon propre talent artistique, de ne pas imiter celui des autres. Si Herbie Hancock te dit ça..."
"Le jazz rend humble"L’auteur-compositeur-interprète a aussi été conforté dans son cheminement par le chanteur américain José James, de la même génération que lui. "Il a grandi en écoutant à la fois du hip-hop et du Nirvana. Nous avons un langage similaire, c’est quelqu’un avec qui j’ai ressenti une vraie affinité."
Aujourd’hui, celui qui fait partie de la poignée d’artistes estampillés jazz connus d’un plus large public, avec Gregory Porter, Melody Gardot ou Norah Jones, est marié, père de deux filles (Lyra, 14 ans, et Margot, 12 ans). Et sa manière de gérer sa carrière a évolué.
"Je crois que je dois refuser 80 ou 90% des dates qu’on me propose. Je ne sais pas si ce sera toujours comme ça, mais ça semble être le bon choix pour mener ma vie."
Avant de le voir en action, et donc d’avoir notre réponse, on se demandait si Super Jamie avait toujours l’œil du tigre.
"Je n’ai pas perdu mon enthousiasme pour la musique, c’est sûr. C’est juste que la jeunesse m’apportait un pouvoir différent. Aujourd’hui, j’estime être un meilleur musicien, un meilleur chanteur. Parce que je reste un étudiant, j’ai beaucoup travaillé."
Alors que Dianne Reeves, attendue juste avant lui sur scène, apparaît dans notre champ de vision, Jamie Cullum précise son propos. "Quand vous voyez des gens comme elle ou Reuben Rogers [le bassiste qui accompagnait la chanteuse à Juan], ça vous rend humble. Le jazz rend humble."
Le dernier disque de Jamie Cullum remonte à 2020, et il s’agissait de chansons de Noël (The Pianoman at Christmas). Le précédent, Taller, datait de 2019. Le voilà prêt à écrire un nouveau chapitre, avec un dixième album studio que l’on devrait découvrir "l’année prochaine".
"Les morceaux sont prêts, il ne me reste plus qu’à les enregistrer. Ce sera certainement en septembre ou en octobre", nous indique le Britannique. "Je dirais que la direction principale est plutôt jazz."
Lui qui cite la chanteuse Olivia Dean, la rappeuse Doechii ou encore la Londonienne Greentea Peng, qu’il a découverte lors du festival Glastonbury, « un peu dans la lignée de Finley Quaye ou Damian Marley », a-t-il prévu de convoquer des invités emballants lors de ses prochaines sessions ? "Je peux juste vous dire que j’aurais une très belle collaboration, avec une femme."
Var-Matin