Près de deux ans après avoir été ravagée par la tempête Aline, la Madone d’Utelle connaît ses premiers travaux... qui s’annoncent plus long que prévu

La Madone veille sur les Hommes depuis plus d’un millénaire. Au tour des Hommes de veiller sur elle. Enfin. Un an et neuf mois après la matricide tempête Aline ayant déchiqueté sa toiture sur 600m2, le sanctuaire d’Utelle – surplombant à 1.200mètres d’altitude les vallées du haut-pays niçois – commence à cicatriser sous des tuiles fraîchement scellées. À pied d’œuvre depuis la mi-juillet, trois ouvriers recouvrent par de larges plaques de fibrociment l’édifice appartenant à la mairie et rattaché au diocèse de Nice. L’étanchéité est alors doublée d’une rangée de teùle qui seront toutes emboîtées d’ici la fin août. Mais il est encore trop tôt pour se rire des orages d’été. Alors qu’ils noircissent les massifs chaque après-midi, une mauvaise surprise assombrit elle aussi le chantier: l’ancienne toiture ne reposait pas sur une charpente mais directement sur la voûte... à la longévité miraculeuse au vu des matériaux utilisés.
Voûte trop vétusteÉrigée en 1802 (1) avec un mortier pauvre, l’humble maçonnerie n’a plus la force de tenir tête aux vents. Bourreaux de la Madone, ces bourrasques atteignaient les 140km/h, il y a une semaine encore. "Pour résister à cette aspiration, il faut que la toiture soit très lourde", indique Antoine Madolénat. Lors d’une visite de travaux, ce jeudi 31 juillet 2025, l’architecte préconise ainsi la pose d’une dalle en béton armé, recouverte à terme d’une plaque et de tuiles. Un lestage d’une quinzaine de tonnes.
De quoi tenir tête aux tempêtes. Mais quid des séismes? Une telle charge ne risque-t-elle pas d’accentuer l’inertie du bâtiment s’il est en proie à des secousses? "C’est vrai que dans la région on cumule les risques naturels", rit jaune Jérémie Ramoin. À la tête de Nice Charpente, l’entreprise en charge des travaux, le trentenaire se montre rassurant: "Selon le bureau d’études, la proposition est dans les clous. À mon sens, c’est cohérent, car nous avons enlevé 35 tonnes de matériaux et nous allons en remettre à peu près pour le même poids."
"On ne se laisse pas décourager"Si cette solution technique s’avère peut-être salvatrice pour le sanctuaire, elle rallonge les délais et alourdit l’ardoise. "C’est le propre des imprévus, mais on ne se laisse pas décourager", rétorque le maire, Yves Gili (sans étiquette). "La nouvelle étude, la dalle, la facture de l’entreprise... tout ça entraîne pas mal d’incertitudes. Et dire que j’espérais que le chantier soit bouclé avant la fin de l’été." L’édile se console donc en regardant par-delà les cols, plus loin dans la Vésubie. "À la Madone de Fenestre, ça fait bientôt cinq ans qu’il n’y a plus de piste à cause de la tempête Alex. Ici, en moins de deux ans, le sanctuaire aura été mis hors d’eau." Mieux vaut tard que jamais.
Les dates et les prix
20 octobre 2023: la tempête Aline détruit une grande partie de la toiture
Hiver 2023: les bâches posées en urgence sont à leur tour arrachées
Mai 2024: après des mois exposé aux intempéries, le sanctuaire est partiellement désamianté puis bâché pour 41.000 euros. Tous les mois, la vérification de l’installation coûte 1.600 euros.
Été 2025: après des mois d’appel à projet, le groupe Ramoin est retenu pour un désamiantage total en juin, suivi d’une pose de plaques et de tuiles entre mi-juillet et fin août.
Le coût provisoire est fixé à 315.000 euros TTC réparti entre le Département (104.000 euros), les assurances (129.000 euros) et la Ville (73.000 euros)... qui peut compter sur une solide réserve: la Fondation du Patrimoine a récolté 98.504 euros.
1. Un oratoire primitif aurait été érigé en 850 par des marins espagnols croyant avoir été sauvés du naufrage par la Vierge Marie. Détruit sous la Révolution, le sanctuaire est rebâti en 1802.
Marbre et moisissure se disputent violemment les entrailles humides du sanctuaire, fermé au public jusqu’à nouvel ordre. Étant restées tout un hiver exposées aux intempéries, les coursives et la chapelle de la Madone d’Utelle sont devenues une champignonnière géante. Ex-voto, étendards, tableaux, l’orgue… tout est imbibé. "Quelle catastrophe", siffle Gérard Biongioanni, entre ses dents serrées. Maire d’Utelle entre 1977 et 1989, il fustige "les lenteurs administratives qui empêchent une réaction efficace". Mais c’est en tant qu’économe paroissial qu’il s’apitoie sur "l’abandon des lieux". Il rappelle "qu’aucune estimation exacte des dégâts intérieurs ne sera faite avant la mise hors d’eau. Après, il faudra répartir les dépenses entre la commune, propriétaire des murs, et le Diocèse, propriétaire de certains mobiliers et décors". À l’approche du pèlerinage marial du 15 août, il regrette que la messe doive une fois encore se tenir à l’extérieur. "L’air est trop vicié", renifle-t-il avant d’ouvrir une porte, "histoire d’aérer. Pour l’instant, c’est la seule chose qu’on puisse faire".
Nice Matin