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Sam Peckinpah, l’anti-héros de cinéma: rencontre avec Gérard Camy, président de Cannes Cinéma et auteur de sa biographie

Sam Peckinpah, l’anti-héros de cinéma: rencontre avec Gérard Camy, président de Cannes Cinéma et auteur de sa biographie

Sa biographie ultime sur "Sam Peckinpah, le rebelle mélancolique" a des allures de bible aux plus de 700 pages sur la vie et l’œuvre de ce grand cinéaste américain (La Horde Sauvage, Guet-apens, Pat Garrett et Billy le Kid...), même si Gérard Camy n’a pas hésité à sortir aussi le Colt pour dézinguer les travers de l’homme, parfois violent, dépressif et accro à l’alcool et la cocaïne. Avant une conférence pour Cannes Université le 2 octobre prochain et en séance de dédicace cesamedi à 16h à la Fnac de Nice, le président de Cannes Cinéma va encore clamer tout son amour et son admiration pour cet artiste hors normes lors de la projection de Croix de fer ce soir au cinéma Olympia.

Pourquoi Sam Peckinpah?

Je le fréquente cinématographiquement depuis longtemps. Je l’ai découvert à 19 ans avec La horde sauvage, en me disant qu’il se passait un truc qu’on n’avait jamais vu sur grand écran. En 1996, j’ai écrit un premier livre sur son œuvre où j’analysais ses films, sans trop connaître sa vie. Mais à partir de là, j’ai rencontré plein de gens peckinpahiens, notamment lors d’un hommage en 2000 avec James Coburn, Ali MacGraw ou la sœur de Peckinpah avec laquelle je suis resté en contact Tout comme avec des écrivains américains spécialistes. Bref, je suis entré dans "la famille Peckinpah" et il y a quatre ans, Thierry Frémaux (N.D.L.R.: délégué général du Festival de Cannes et directeur de l’institut Lumière) m’a demandé d’écrire cette biographie exhaustive pour la collection Acte Sud-Institut Lumière. J’ai pu accéder à énormément de sources pour évoquer ce destin extraordinaire.

Le western fut son genre de prédilection mais ce vendredi soir, c’est à travers un film de guerre que vous lui rendez hommage...

Croix de fer est un film hallucinant qui traite de la débâcle allemande sur le front russe dans le Sud, à travers l’affrontement de deux officiers. Orson Welles disait lui-même que c’était le plus grand film anti-guerre. Et le 2 octobre pour Cannes Université, c’est avec le thriller Guet-apens qu’on évoquera Sam Peckinpah.

La violence est souvent au cœur de son œuvre, entre fascination et répulsion?

Il entretenait une ambiguïté énorme vis-à-vis de la violence, qui caractérise ses films. Lui-même était parfois violent lorsqu’il avait trop bu ou consommé de la drogue, mais il détestait ça et avait été profondément choqué par les assassinats de son temps, Martin Luther King, JFK, Sharon Tate… Il a été accusé de complaisance parce qu’il a utilisé des techniques innovantes pour mettre en scène la violence, mais pour moi, c’est un faux procès. Et la complaisance est plutôt du côté de Stanley Kubrick avec Orange mécanique.

Avec ses westerns, Peckinpah a aussi démonté le mythe américain?

Oui, il appartient à ce groupe de metteurs en scène américains tel Arthur Penn, Robert Altman, Anthony Mann… qui ont rendu une certaine vérité à la conquête de l’Ouest, dans ses aspects les plus sombres. C’est ambivalent car Peckinpah a lui même vécu dans l’Ouest américain où son grand-père tenait un gros ranch, et il avait été fasciné par ces cow-boys saouls qui racontaient des blagues salaces le soir au coin du feu. Lui-même est resté un chasseur dont les parties se finissaient souvent au bordel, en contradiction avec son éducation stricte et religieuse.

Sam Peckinpah, qui s’est heurté aux studios hollywoodiens tout en étant l’une de leurs icônes dans les années 1960-70, est à l’image de ses antihéros?

Oui, les héros de ses films sont des loosers magnifiques qui sont devenus inadaptés à leur monde. En fin de cycle, ils décident d’accomplir un baroud d’honneur, comme dans La horde sauvage.

Steve McQueen, James Coburn, Dustin Hoffmann, Charlton Heston les ont incarnés. Lequel est le plus Peckinpahien?

Celui dont il était le plus proche, c’est James Coburn, son ami absolu qui l’a tout le temps défendu. Sur Le convoi, Coburn, engagé comme réalisateur de la deuxième équipe, porte tout le film sur ses épaules, sur les indications d’un Peckinpah affaibli par la maladie.

Vous le qualifiez de rebelle?

Oui, surtout par rapport au système hollywoodien car il était en conflit perpétuel avec les producteurs. Mais entre 1969 et 1973, Peckinpah était aussi ce réalisateur que tous les grands studios voulaient, avant d’en être bannis. Aujourd’hui, c’est un cinéaste un peu oublié du grand public, mais mon livre raconte le roman d’une vie extraordinaire. Et Peckinpah conserve une immense aura auprès des cinéastes d’aujourd’hui, de Jean-Pierre Améris qui ne fait pas du tout le même cinéma, en passant par Scorsese qui a orchestré la restauration de La horde sauvage, John Woo ou Tarantino qui a rédigé plus de trente pages sur Guet-apens dans son livre.

Vous le qualifiez également de mélancolique?

Sam Peckinpah disait lui-même: "Moi, je ne suis bien qu’avec une caméra. Sinon, je suis un mec qui n’est pas apte au bonheur."

Au fond, il a connu à peu près dix ans de joie avec sa première femme et leurs trois filles, mais sa vie sentimentale s’est dégradée à partir de l’incendie de sa maison. Son attirance pour les bordels, son addiction à l’alcool et à la cocaïne ont fini par le miner…

C’est aussi un des premiers à passer par la télé avant de se faire un nom au cinéma?

Oui, il a eu une vraie carrière de dix ans pour le petit écran en plein essor, notamment avec la série extraordinaire The Westerner qui préfigure tout son cinéma. Même s’il était contraint par les codes de la télé, c’était néanmoins son laboratoire et le directeur de la NBC en était heurté: il a fait arrêter la série après treize épisodes alors que c’était un franc succès.

Une scène culte?

Dans Pat Garrett et Billy le Kid, lorsqu’un vieux shérif, touché, meurt doucement au bord de l’eau tandis que sa compagne le pleure.

Nice Matin

Nice Matin

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