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"Vous êtes la Beyoncé des rosés": une délégation du CIVP est allée prendre le pouls des vins de Provence aux États-Unis (et ils ont la cote)

"Vous êtes la Beyoncé des rosés": une délégation du CIVP est allée prendre le pouls des vins de Provence aux États-Unis (et ils ont la cote)

Philippe Zamari ([email protected]) Publié le 05/06/2025 à 12:15, mis à jour le 05/06/2025 à 12:15

"On parle de 20 millions de bouteilles par an, et d’un marché valorisé, car les Américains ont plus de moyens que les Européens" Photo DR

Ragaillardis, mais bien conscients aussi d’être attendus au tournant! À l’initiative du CIVP (Conseil interprofessionnel des vins de Provence) une délégation représentant les vins de Provence revient d’un séjour aux États-Unis, pour sonder leur premier marché d’exportation, et de loin. "Les États-Unis, c’est incontournable pour nous: 38% de nos exportations, soit 17% de nos ventes totales. On parle de 20 millions de bouteilles par an, et d’un marché valorisé, car les Américains ont plus de moyens que les Européens… Les États-Unis, c’est une de nos grandes réussites de ces vingt dernières années!", expliquent Eric Pastorino et Brice Eymard, respectivement président et directeur du CIVP.

Aurélie Bertin, propriétaire du château Sainte Roseline mais aussi vice-présidente du CIVP, et Carole Guinchard, directrice marketing et communication au sein de la structure, étaient elles aussi du voyage de douze jours, du Texas à New York en passant par la Floride. "C’était très intense, on a ainsi pu rencontrer une cinquantaine de prescripteurs - acheteurs, sommeliers, journalistes spécialisés… -, visité 25 points de vente, un vignoble, donné une master class, et tenu un stand au salon Vinexpo de Miami", résume le président Eric Pastorino.

Pas là pour faire du tourisme, la "team" du CIVP a été "très agréablement surprise par la perception américaine des rosés de Provence. Ils sont très cash là-bas, surtout pour le business. Et pour eux, aucun doute, dès qu’on parle de rosés, la Provence c’est "The best!" Le célèbre sommelier André Mack, à New York, nous a même lancés: 'Vous, en Provence, vous êtes la Beyoncé des rosés!'", s’amuse le président du CIVP.

"Vous vivez dans un paradis!"

Surprise, la délégation l’a également été par le crédit accordé par leurs interlocuteurs. "Nous avions lancé beaucoup d’invitations, sans vraiment savoir qui répondrait à l’appel. Mais on a été reçu par des interlocuteurs de très haut niveau: sommeliers célèbres et influents, gros médias nationaux, et des patrons de grandes chaînes de distribution qui nous ont surpris, par leur disponibilité mais aussi pour leur intérêt véritable pour nos produits… Nous savons que nous faisons les meilleurs rosés du monde, mais l’entendre dire par des clients exigeants et connaisseurs, ça réconforte, nous en sommes revenus flattés et ragaillardis!" "Mais surtout, nous avons compris une chose très importante: aux États-Unis, pas de fausse modestie. Là-bas, la réussite, ça compte! Quand on est leader, il faut avoir un comportement de leader, le démontrer, le revendiquer. Nous allons davantage communiquer en ce sens. Et là-bas, pas de loi Evin…"

Aurélie Bertin, Carole Guinchard, Eric Pastorino et Brice Eymard sont revenus des USA avec un dernier enseignement précieux: "Beaucoup de gens nous ont dit: 'Vous vivez dans un paradis!' La réputation de notre territoire chez eux n’est plus à faire, comme celle de nos vins. C’est un discours qui vient aussi complètement valider les choix stratégiques du développement de l’œnotourisme en Provence."

André Mack, sommelier renommé aux États-Unis, a comparé les vins de Provence à… Beyoncé: une vraie "success story! Photo DR /CIVP.

Eric Pastorino et la délégation provençale ont aussi profité de leur "very good trip" outre-Atlantique pour sonder les marchés de différents états, "car évidemment le marché n’est pas homogène dans tout le pays. D’un état à l’autre, les différences sont importantes".

Ainsi, un potentiel certain a été décelé au Texas, "où nous sommes très peu présents pour l’heure. Tous les prescripteurs nous l’ont confirmé, la population y est très ouverte à la consommation de rosé". D’autres caractéristiques, comme un climat chaud et un pouvoir d’achat important peuvent aussi laisser présager un joli succès de l’or rose au pays de l’or noir.

En Floride, la délégation a vu "des similitudes avec le Var: une terre de tourisme, la chaleur, la mer. Pour nous, c’est un marché mature, le premier état consommateur de nos vins", note Brice Eymard. "Même nous, nous avons été épatés d’en trouver à la carte de tous les restaurants!"

Un passage par New York, "incontournable", enfin. "Un gros marché aussi, bien stabilisé. On y a surtout retenu des enseignements importants: depuis la Covid, de nombreux foyers ont quitté la ville qui ne dort jamais - littéralement, c’est vrai - pour les états alentour, en emportant avec eux leurs modes de consommation. Nous pourrions donc essayer de viser les marchés du New Jersey, du Delaware, de la Caroline du Sud, du Massachusetts, de la Pennsylvanie…"

Brice Eymard et Eric Pastorino sont revenus des États-Unis avec de nouvelles pistes de développement. Photo A.B.-J..

Les représentants du CIVP le disent tout de go: "Ce voyage n’est pas une conséquence de la menace d’une hausse des droits de douane par Donald Trump! Il était programmé de longs mois avant son élection déjà. Notre objectif était de mieux comprendre un monde qui change, se rappeler au bon souvenir de nos prescripteurs, et voir comment nous pouvons conforter nos positions…"

À ce sujet, "nous avons fait le choix de ne pas aborder directement ces droits de douane. Nous sommes apolitiques! Nos interlocuteurs ont d’ailleurs apprécié cette démarche. Et plusieurs d’entre eux nous ont dit être persuadés que cette menace, alors de 20% ne serait pas appliquée: le mantra de l’administration Trump, c’est le business, et cette taxe nuirait à la fois au pouvoir d’achat des Américains, mais aussi au business en général… Et 'business is business', comme ils répètent souvent!"

Depuis, c’est une taxe de 50% qui menace l’Europe"J’espère que l’Europe se montrera vigilante en négociation, il ne faudrait pas mettre de l’huile sur le feu sur les importations de bourbons et whiskys américains, qui ne représentent que de petits volumes… Alors que les exportations de la viticulture européenne aux États-Unis pèsent 3 à 4 milliards d’euros ! Les conséquences ne sont pas comparables."

Si les délais de négociation de 90 jours s’achèvent en juillet, et malgré le caractère parfois surprenant des positions de la Maison-Blanche, les défenseurs des vins de Provence se veulent optimistes. "Je suis un éternel optimiste, j’espère que les négociations aboutiront", pointe le président du CIVP. "Si cela se termine avec une taxe à 10%, ce ne sera pas catastrophique pour nous, et le président Trump aura eu ses droits de douane…"

Lors du premier mandat Trump, suite au conflit commercial entre Boeing et Airbus, une taxe de 25% avait spécifiquement touché les vins français. "On a pas trop mal résisté, et souvent contourné la taxe en faisant la mise en bouteille sur place là-bas, mais cela nous a tout de même fait perdre six points de part de marché", rappelle Brice Eymard.

Bien évidemment, l’interprofession ne lorgne pas que vers les "States" pour commercialiser les vins de Provence. "Nous sommes à ce jour plutôt épargnés par la crise de la viticulture. Si l’on se compare à d’autres régions viticoles de France, on s’en sort bien, on n’a pas eu besoin d’arracher des vignes en Provence", observe Brice Eymard. "Mais nous sommes quand même impactés, on sent qu’un certain âge d’or est derrière nous, et l’avenir est incertain…" Dans ce contexte, le CIVP, c’est sa culture, se veut combatif. "Notre stratégie consiste d’abord à conforter nos positions: la grande distribution, qui représente 25% de nos ventes, et la vente locale, que ce soit aux touristes comme aux habitants", note le directeur. "Il s’agit aussi de conforter nos plus gros marchés: la France bien sûr, puis les États-Unis et la Grande-Bretagne. Et enfin, à moyen voire à long terme, il faut conquérir de nouveaux marchés. En Europe d’abord, où on progresse bien aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Suisse. La dynamique est bonne aussi en Australie ou au Canada par exemple."

Enfin, à plus long terme, leurs regards se tournent vers l’Asie, "qui pour l’heure ne consomme pas de rosé. Il y a des marchés émergents, comme la Thaïlande, le Vietnam, Bali ou d’autres, qui ont du potentiel, notamment en raison de leur attractivité touristique." Le CIVP, et une dizaine de vignerons varois, seront d’ailleurs à Singapour en cette fin mai, au salon Vinexpo Asia.

D’autres marchés, comme l’Inde ou le Brésil, semblent plus difficiles, "en raison de barrières tarifaires importantes. Pour nous, par exemple, la signature du Mercosur serait un avantage, mais on sait bien que cela serait par ailleurs nocif à d’autres filières agricoles françaises, comme l’élevage…"

Qu’on se le dise, les rosés de Provence et du Var n’ont pas fini de conquérir le monde…

Var-Matin

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