40 milliards d’euros d’économies : « année blanche », réforme de l’assurance-chômage… Les pistes sur la table avant les annonces de Bayrou

Le Premier ministre François Bayrou après une conférence de presse à Matignon, le 26 juin 2025. THOMAS SAMSON / AFP
« Himalaya budgétaire », « piège mortel »… Depuis plusieurs mois le gouvernement redouble de formules pour convaincre les Français sur la nécessité absolue de réduire les dépenses. Car la dette a atteint 114 % du PIB tandis que le déficit public s’élève à 5,8 %. L’objectif du gouvernement : ramener le déficit sous les 3 % d’ici à 2029.
A lire aussi
Entretien 40 milliards d’euros d’économies : « Le gouvernement part d’un mauvais constat et arrive à de mauvaises solutions »
Mais alors, comment le gouvernement de François Bayrou compte trouver 40 milliards d’euros pour faire des économies en 2026 ? De nombreuses pistes ont été évoquées sans certitudes pour l’instant. « Bayrou il prend tout, mais personne ne sait ce qu’il va retenir », confiait l’un de ses interlocuteurs, samedi à l’AFP.
En attendant les réponses du Premier ministre, qui s’exprimera mardi 15 juillet, voici les principales pistes sur la table.
• Décréter une « année blanche »C’est l’hypothèse la plus probable, celle qui revient avec insistance. Décréter une « année blanche » consisterait à reconduire à l’identique certaines dépenses entre 2025 et 2026, sans augmentation avec l’avantage de ne pas être trop drastique. Mais les ressources espérées de ce gisement d’économies varient significativement selon le périmètre retenu.
D’après la commission des Finances du Sénat, le gel entre 2025 et 2026 des dépenses de l’Etat sur ses missions budgétaires (hormis la défense, la contribution au budget de l’UE et la charge de la dette) pourrait rapporter 10 milliards d’euros.
Pour l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et l’Institut des politiques publiques (IPP), une année blanche pourrait permettre d’économiser entre 5,7 et 6 milliards d’euros.
• Désindexer les retraitesLa piste d’une désindexation des pensions de retraite par rapport à l’inflation gagne du terrain, renforcée par une proposition en ce sens du Comité de suivi des retraites (CSR), et appuyée par plusieurs parlementaires du camp gouvernemental.
Dans le cadre d’une « année blanche », s’abstenir d’indexer les pensions de retraites sur l’inflation rapporterait 3,7 milliards d’euros, selon les chiffres de l’OFCE.
A lire aussi
Chronique Comment réduire le budget de 40 milliards d’euros sans se faire trop d’ennemis ?
Dans cette équation en 2026, près de 10 millions de ménages dont « la personne de référence est retraitée » verraient leur revenu disponible réduit de plusieurs centaines d’euros, toujours d’après l’OFCE.
• Réduire la protection socialePlusieurs pistes ont été avancées ces derniers mois pour réduire le déficit de la protection sociale (Sécurité sociale, assurance chômage, retraites complémentaires), notamment par l’Assurance maladie qui devrait connaître un trou de 16 milliards d’euros en 2025.
Elle a proposé fin juin d’économiser 3,9 milliards d’euros en 2026 en améliorant la pertinence des soins, luttant contre les fraudes, régulant les prix, renforçant la prévention et réformant les indemnités journalières.
Côté assurance vieillesse, dont le déficit est plus faible (environ 6 milliards d’euros en 2025), de nombreux acteurs ont appelé à une mise à contribution des retraités, soit par la désindexation des pensions, soit par une hausse de la CSG, qui pourrait le cas échéant épargner les retraités les plus modestes.
Selon « Les Echos », le gouvernement envisage également un nouveau durcissement des règles de l’assurance chômage. « Dans le viseur, les conditions d’affiliation, c’est-à-dire les conditions minimales pour percevoir une allocation chômage », indique le quotidien économique.
• Geler le barème de l’impôt sur le revenuCela consisterait à ne pas réévaluer les seuils des différentes tranches qui habituellement sont ajustés automatiquement chaque année pour neutraliser les effets de l’inflation. Sans ajustement, des ménages jusque-là non imposables seront soumis à l’impôt et d’autres verront leur niveau d’imposition augmenter, un chiffon rouge agité par plusieurs partis politiques.
Début 2025, les seuils des différentes tranches avaient été réévalués, ce qui avait permis à 600 000 contribuables de ne pas devenir imposables.
A lire aussi
Une suppression de la « flat tax » pourrait rapporter jusqu’à 9 milliards d’euros par an
En 2026, l’OFCE calcule qu’un gel du barème de l’IR pourrait rapporter 1,2 milliard d’euros, avec une hypothèse d’inflation à 1,1 %.
• Réformer agences et opérateursLe Sénat a estimé que réformer le fonctionnement de « l’archipel » d’opérateurs et d’agences de l’Etat, soit 434 opérateurs, 317 organismes consultatifs et 1 153 organismes publics nationaux (comme l’Ademe - pour la transition écologique -, l’Agence Bio, l’Agence nationale du sport, etc.), permettrait d’économiser 540 millions d’euros sur plusieurs années.
Mais le gouvernement voit plus grand, visant 2 à 3 milliards d’euros d’économies. Certaines agences pourraient être fusionnées et certaines missions rognées.
• Limiter les dépenses de la fonction publiqueMatignon a exhorté fin avril à maîtriser l’augmentation des dépenses concernant la masse salariale de la fonction publique. Une circulaire soulignait que la rémunération des 5,8 millions d’agents publics coûtait 107 milliards d’euros en 2024, en hausse de 6,7 %.
Certaines mesures dites « catégorielles » (concernant certaines catégories de fonctionnaires) ont à elles seules contribué à gonfler la masse salariale de 3,7 milliards d’euros en 2024.
Le gouvernement pourrait aussi actionner le levier des réductions d’emploi. Le ministre de l’Economie Eric Lombard disait début juin vouloir engager la « baisse du nombre de fonctionnaires », tout en se gardant d’en préciser le nombre.
Le Sénat préconise de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d’Etat (l’une des trois branches, à côté de l’hospitalière et de la territoriale, NDLR), avec 500 millions espérés à la clé.
En 2025, après l’abandon de la suppression de 4 000 postes dans l’Education nationale, le projet de budget amendé par le Sénat prévoyait la création de 3 076 emplois pour l’Etat et la suppression de 812 postes au sein des opérateurs.
• Augmenter les impôtsLe gouvernement ne cesse de rassurer : il n’y aura pas d’augmentation des impôts. Mais cette piste n’est tout de même pas totalement écartée. « Il peut y avoir ici ou là des efforts particuliers », a glissé François Bayrou jeudi. « Nous n’augmenterons pas les impôts des classes moyennes et populaires » a assuré la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin.
Finalement, « les contribuables les plus aisés » pourraient faire les frais du budget, avance le président du Cercle des fiscalistes, Philippe Bruneau, auprès de l’AFP. Ceux gagnant plus de 250 000 euros par an doivent actuellement payer une contribution qui garantit un niveau minimum d’imposition de 20 % (CRDH). Mais la gauche souhaite obtenir une « taxe Zucman » – du nom de l’économiste français Gabriel Zucman – sur les 1 800 contribuables « ultra-riches » ayant plus de 100 millions d’euros de patrimoine, en prélevant 2 % par an de celui-ci, pour un rendement annuel de 20 milliards d’euros.
La taxe Zucman a été adoptée à l’Assemblée, puis rejetée au Sénat en juin. Le ministre de l’Économie Eric Lombard est contre mais assure travailler sur un nouveau mécanisme de « lutte contre la suroptimisation » fiscale.
« Les très riches sont mobiles », prévient Philippe Bruneau, et peuvent s’expatrier « face à de fortes hausses d’impôts ». Finalement, les CSP + – cadres supérieurs, professions libérales, etc. – aisés sans être riches, pourraient alors être les principales victimes du couperet fiscal.
• Raboter les niches fiscalesAutre levier avancé à de nombreuses reprises par Amélie de Montchalin : s’attaquer aux niches fiscales qui coûtent près de 80 milliards d’euros chaque année. D’après « Les Echos », « Matignon étudierait un rabot général de 10 % sur l’ensemble des niches ».
Par Service Actu (avec AFP)
Le Nouvel Observateur