Abandonnée depuis 2021, la liaison de train touristique reliant Carnoules à Brignoles renaît de ses cendres

Picasso, vous connaissez ? Non, pas le célèbre peintre espagnol, ce serait trop simple. On parle plutôt de l’autorail Picasso. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la SNCF sortait ce wagon capable de se déplacer de manière autonome sur les rails. De son nom officiel X-3800, l’engin est vite surnommé "Picasso" par les cheminots. La raison? Une utilisation originale et un profil qui ferait penser aux dessins du maître.
Ce Picasso-là, enfin, un cousin (X-3976), on peut le voir à Carnoules. Fierté de l’Association du train touristique du centre Var (ATTCV), le wagon roulait encore il y a peu sur les rails de la région. Jusqu’à l’arrêt un peu brutal de l’exploitation de la ligne touristique Carnoules-Brignoles, en 2021. Si depuis, l’ATTCV fonctionne un peu au ralenti, du moins sur les chemins de fer du Var, les choses pourraient bien évoluer. Et l’espoir de voir renaître la ligne touristique qui relie les deux communes apparaît aujourd’hui bien réel.
Tous les partenaires entrent en gare!Aux commandes de cette possible résurrection, Véronique Baccino, conseillère départementale particulièrement engagée dans le dossier, mais aussi, et surtout, les collectivités partenaires. À savoir: la Région, le Département, la communauté d’agglomération Provence verte et la communauté de communes Cœur du Var. "Les planètes sont alignées pour que nous travaillions tous ensemble", juge Christophe Cortes, maire de Carnoules, en charge de la question pour Cœur du Var.
Enfin!Depuis 2021, l’ATTCV fait tout pour que la ligne soit de nouveau exploitée. Mais les coûts d’entretien des lignes deviennent insurmontables. D’abord en raison de la crise Covid, qui met à l’arrêt l’activité, mais aussi parce que l’Armée coupe sa participation en même temps qu’elle cesse d’utiliser le tracé.
Résultat: quatre années de rien, ou presque. "On continue de faire voyager les touristes, sur certains parcours exceptionnels, en région Paca essentiellement", détaille Robert Berti, pour l’ATTCV. Hautes-Alpes, Drôme, Sète… Les wagons historiques de l’association continuent de rouler. Mais loin de cette fameuse ligne Carnoules-Brignoles, celle qui était sans doute, jusqu’à l’aube des années 2020, la plus fréquemment proposée.
Tourisme et économieRetour en 2025. Coup sur coup, les deux Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) que sont Provence verte et Cœur du Var votent une délibération favorable à l’étude d’un retour de l’exploitation. Encouragés par le conseil régional et départemental, qui proposent déjà de mettre la main au pot pour accompagner le projet, les deux EPCI avancent donc. "Avec prudence", tempère Jean-Claude Félix, maire de Rocbaron, en charge du dossier pour Provence verte.
Avec son homologue carnoulais, et au nom de leur président respectif (Didier Brémond, maire de Brignoles, et Yannick Simon, maire de Cabasse), les deux hommes montrent tout de même suffisamment d’envie pour donner l’espoir d’un retour des trains d’ici quelques mois. Cette volonté sera nécessaire: les deux EPCI doivent récupérer la responsabilité de la ligne, et donc de son éventuelle exploitation.
"C’est un projet qui allie tourisme et économie", disent en chœur les deux maires. "On ne fera pas n’importe quoi, précise le maire de Rocbaron. Mais on a envie que ça fonctionne. Il faudra être attentifs à deux points: le cahier des charges donné au délégataire, et la répartition des coûts."
Sur cette dernière question, on sait que les collectivités se sont mises d’accord pour un fonctionnement à parts égales. Il s’agira peut-être ensuite d’aller trouver d’autres sources de financement (Europe?). Reste que "cette délibération marque un tournant", aux yeux de Jean-Claude Félix. Enthousiasme partagé avec Christophe Cortes: "On a un vrai beau projet de territoire à écrire, avec cette ligne dont la réputation n’est plus à faire."
S’il est encore trop tôt pour évoquer un calendrier, Véronique Baccino estime que les premières autorisations de débroussaillement pourraient faire avancer le projet, avant que les budgets 2026 des collectivités ne finissent de rendre possible l’exploitation. Sous quelle forme, avec quelle association partenaire? Les détails restent encore à définir. Mais le projet est à quai, ce serait dommage qu’il y reste!
L’ATTCV dans les starting-blocksAu départ, c’est une quinzaine de passionnés. L’Association du train touristique du centre Var (ATTCV), c’est l’histoire de ces bénévoles qui ont voulu faire perdurer l’histoire ferroviaire de la ligne Carnoules-Gardanne, à la suite de la fermeture de la ligne en 1992. Depuis, l’ATTCV "récupère", dans son antre situé à la sortie nord de Carnoules, du matériel, des autorails, wagons, voiture-couchettes, draisine… "La SNCF nous les confie pour entretien, réparation, rénovation. Et on fait rouler."
Un savoir-faire, un amour pour le rail, une expérience dans l’organisation: l’ATTCV est le candidat idéal pour reprendre la ligne Carnoules-Brignoles. Mais on n’en est pas encore là. Pourtant, l’association ne manque pas d’idées: sorties scolaires, déjeuners ou dîners, spectacles dans les wagons, mise à disposition du matériel pour des tournages… "Depuis qu’on constate que le retour de l’exploitation est possible, c’est un nouvel élan pour les bénévoles", confie Robert Berti, en charge des relations extérieures pour l’ATTCV.
Tout sera toutefois bien cadré par les collectivités. Adhésion à la charte de l’Union des exploitants de chemins de fer et touristiques et de musées (Unecto), déclassement de la ligne pour permettre un changement de normes d’utilisation, moins contraignantes… Ça s’agite en coulisse, avant un éventuel appel à candidatures pour la gestion de la circulation. Un appel auquel l’ATTCV sera sans doute prêt à répondre.
Var-Matin