Acheter des produits contrefaits, "c'est soutenir tous les crimes que l'on condamne", alerte l'Union des fabricants dans un rapport

La contrefaçon "offre au crime organisé des gains colossaux, avec peu d’investissement, un risque limité, et des marges parfois supérieures à celles du trafic de drogue", estime un rapport de l'Union des fabricants publié lundi, et que France Inter a pu consulter.
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Dans un rapport publié lundi 16 juin et que France Inter a pu consulter, l'Union des fabricants (Unifab, regroupant quelque 200 entreprises) alerte une nouvelle fois sur les liens entre la contrefaçon et le crime organisé. "Acheter de la contrefaçon, c'est soutenir tous les crimes que l'on condamne", soutiennent les auteurs de ce rapport. Il s'agit pour l'Unifab de faire pression sur les pouvoirs publics afin de réclamer à nouveau des moyens de répression accrus et des sanctions plus sévères.
On estime que jusqu’à 6% des biens importés en Europe sont issus de la contrefaçon. Cette dernière "offre au crime organisé des gains colossaux, avec peu d’investissement, un risque limité, et des marges parfois supérieures à celles du trafic de drogue", estime ce rapport. Un logiciel contrefait, "par exemple, coûte à peine 0,20 euro à produire et peut se revendre 45 euros". Selon un rapport de l’Office américain des brevets datant de 2018, "la contrefaçon est devenue l’activité criminelle la plus rentable au monde, générant entre 1 700 et 4 500 milliards de dollars par an, à l’échelle nationale et internationale". Ce secteur de la contrefaçon est donc largement investi par les réseaux criminels.
"L'usage des cryptomonnaies a encore facilité ces activités, en offrant anonymat et faible traçabilité."
L'Unifabdans son rapport
Selon ce rapport, "tous les secteurs de l’économie sont désormais concernés, des biens de consommation courante, aux produits de luxe, en passant par l’agroalimentaire, la santé, les transports ou l’industrie", liste cette étude. Les réseaux criminels transnationaux ont fait de la contrefaçon "un pilier structuré, discret et extrêmement rentable de l’économie illicite mondiale".
Dans son rapport d’avril 2024, Europol "identifie 31 organisations criminelles majeures impliquées activement dans la contrefaçon, dont 13 pour qui cette activité est devenue la principale source de revenus". Cette situation n'est pas totalement nouvelle, mais le rapport a le mérite de réunir de nombreux exemples. Ainsi des opérations récentes "ont permis de démanteler des sites illégaux de fabrication de cigarettes et de cosmétiques en France, tandis qu’en février 2025, la police espagnole a neutralisé un réseau spécialisé dans le reconditionnement de vin falsifié à destination de l’Asie de l’Est", détaille le rapport.
Dans le catalogue de la contrefaçon, on trouve des vêtements, des jouets, des médicaments mais aussi des pièces détachées pour des voitures, des avions ou même des éoliennes. Les produits s’écoulent encore sur des marchés physiques, comme les puces de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, près de Paris. Ils se vendent beaucoup en ligne et s’infiltrent même dans les circuits de distribution légaux, comme le marché de l’occasion pour les smartphones. Les produits contrefaits "mettent directement en péril la santé et la vie humaine", quand cela concerne "les médicaments périmés, des pilules sans principe actif ou contenant des substances toxiques".
Par exemple, "les antipaludiques" issus de la contrefaçon "causent environ 270 000 décès par an en Afrique subsaharienne". Les réseaux criminels arrivent à s’adapter pour contourner les contrôles. Six usines clandestines de cigarettes ont été démantelées en France. Les faux parfums sont parfois assemblés par des travailleurs sans papiers à partir de liquides venus d’Europe de l’Est et de flacons chinois. Si l’importation est souvent aux mains de groupes criminels organisés, la distribution peut s’appuyer sur de petits groupes locaux, voire des autoentrepreneurs. Le rapport souligne que la chaîne logistique et le blanchiment de l’argent empruntent les mêmes circuits que la drogue ou la prostitution.
Contrairement "au trafic de drogue ou d’armes, qui font l’objet de sanctions sévères, la contrefaçon évolue dans un cadre juridique encore trop laxiste, laissant aux criminels une marge d’action considérable", dénonce l'Unifab. La contrefaçon "renforce un système criminel structuré qui finance le blanchiment d’argent, le narcotrafic, le trafic d’êtres humains et même les activités terroristes". L'Unifab avance plusieurs recommandations pour lutter contre la contrefaçon, notamment, "sensibiliser et responsabiliser les consommateurs, renforcer la coopération internationale et le cadre juridique, moderniser les outils de traçabilité et de détection ou encore renforcer les moyens des forces de l'ordre".
"21,47 millions de produits contrefaits ont été interceptés en 2024 par les douanes françaises, pour une valeur estimée à 645,2 millions d’euros", ce qui représente "une cinquième année consécutive de hausse". Par ailleurs, "5,76 millions de jouets contrefaits ont été saisis en 2024, représentant 26,8% des saisies douanières françaises". La contrefaçon "coûte 6,7 milliards d’euros de pertes de ventes directes à l’État français, avec 38 000 emplois supprimés chaque année".
Francetvinfo