Arnaud Montebourg chez Upsa : « Il nous faudrait presque un Trump européen »

L‘ex-ministre du Redressement productif, aujourd’hui entrepreneur et porte-étendard du made in France, était à Upsa, ce mardi 27 mai. Il a fait passer quelques messages
Pourquoi venir à Upsa ?
C’est une usine que je voulais visiter depuis longtemps, parce que c’est l’usine pharmaceutique du made in France, où le paracétamol est à 100 % façonné ici. En cela, Upsa est un des fleurons français de la pharmacie nationale. On fait face, en outre, à des résultats exceptionnels : 30 % de croissance en trois ans, 300 embauches en trois ans et une ambition portée par 1 800 salariés. Ce n’est pas une petite affaire. Dans un contexte compliqué par le Covid, Upsa a réussi à faire une usine solide, robuste, pleine d’avenir et profitable. Le made in France, ça marche.
Cela marche, mais c’est rarement protégé par les pouvoirs publics. Depuis le Covid où Upsa a été en première ligne, on a le sentiment que les leçons concernant la souveraineté en matière de médicaments n’ont pas été retenues. Aujourd’hui, on fait face à une pénurie de psychotropes produits par la Chine…
Vous avez parfaitement raison de dire que cinq ans après, les projets de relocalisation qui ont été décidés au plus haut niveau de l’État tardent à sortir. La relocalisation de la production du principe actif de paracétamol à Roussillon, en Isère, est désormais reportée à 2027… Mais cela dépasse le paracétamol : il y a 400 médicaments critiques dont il faudrait organiser la relocalisation. Nous importons 10 milliards d’euros de médicaments alcaloïdes, plusieurs milliards d’euros d’antibiotiques que nous pourrions fabriquer en France. Vous imaginez le nombre d’usines que nous pourrions ouvrir, ne serait-ce que pour satisfaire nos propres besoins ? Ce travail-là n’a pas été engagé.
Je note aussi que l’Agence du médicament, qui est un État dans l’État mais qui devrait relever du ministère et donc de l’autorité politique, interdit de faire figurer sur les boîtes le « made in France ». Ce qui est absolument inadmissible. C’est une des raisons pour lesquelles je suis venu ici apporter mon soutien à cette entreprise. Et je ne manquerai pas de le faire savoir, au moment où le Doliprane est passé entre des mains peu patriotiques.
L’actuel débat sur la loi Duplomb, avec des producteurs français pénalisés par des normes qu’on n’exige pas sur des produits importés, en est l’illustration…
Vous prenez l’exemple de l’agriculture à juste titre. On demande aux agriculteurs de produire selon des règles qu’on n’applique pas aux produits d’importation. En conséquence de quoi, ils sont en situation difficile. Et donc le vrai courage politique, ce serait d’interdire les importations ou d’infliger les mêmes règles qui pèsent sur les productions françaises. C’est le principe de Trump. On dit de Trump qu’« il est fou », mais il n’est pas si fou l’animal. Pourquoi ? Parce que lui, il a décidé, pour régler les problèmes de l’Amérique, de taxer les autres. Il dit : « Moi, je ne vais pas taxer les Américains sur les deux déficits. » Et on a les mêmes. Déficit commercial, déficit des finances publiques. Donc lui, il taxe les autres. Que font les Européens pendant ce temps-là ? L’Europe taxe les Européens mais ne taxe pas les autres. Elle inflige des règles et des contraintes aux Européens, mais ne les inflige pas aux autres. Donc, nous allons être le méga dindon de la farce. Et si les autorités européennes et nationales ne se réveillent pas, que ce soit dans l’automobile, l’agriculture, dans tous les sujets, nous allons entrer dans une grande période d’appauvrissement. Il nous faudrait presque un Trump européen.
Qu’est-ce qui a changé par rapport au temps où vous étiez aux manettes ?
Mais rien ! Enfin, pas tout à fait : on a donné le pouvoir à l’administration, encore plus qu’avant. C’est l’administration qui décide de notre vie, de notre activité, de ce qui est bien ou mal et donc, on a perdu en quelque sorte le contrôle. Il y a une rébellion en cours, qui n’est pas terminée.
Faut-il donc un minimum de protectionnisme ?
Mais on n’a pas le choix. Comment voulez-vous faire ? Tous les autres se protègent et nous, on est les plus ouverts du monde. On va finir en liquette. Nous allons être obligés, maintenant que la technologie est chinoise, que nous sommes une colonie numérique des États-Unis, et alors que nous allons être le déversoir sacrificiel des excédents chinois, qui ne peuvent plus être vendus aux États-Unis. Nous n’avons pas d’autre choix que d’organiser une protection urgente.
SudOuest