Assurance chômage : le gouvernement veut économiser 2 à 2,5 milliards d’euros par an

Le gouvernement a adressé aux partenaires sociaux la « lettre de cadrage » sur l’assurance chômage, feuille de route fixant le cadre de la négociation d’une nouvelle réforme, avec l’objectif d’atteindre « 2 à 2,5 milliards d’euros » d’économies par an de 2026 à 2029, selon le document consulté samedi 9 août par l’AFP.
S’ils acceptent d’ouvrir une négociation sur l’assurance chômage, patronat et syndicats sont invités à s’accorder d’ici le 15 novembre et à dégager entre « 2 milliards d’euros et 2,5 milliards d’euros » d’économies par an en moyenne au cours des quatre prochaines années, « avec une montée en charge progressive » pour atteindre « a minima 4 milliards d’euros d’économies en régime de croisière à partir de 2030 », selon ce document.
Afin de « favoriser le retour rapide à l’emploi », le document de cadrage ajoute qu’il faudra « modifier la durée minimale d’emploi et la période de référence nécessaire à l’ouverture d’un droit au chômage qui détermine la durée maximale d’indemnisation ».
Aujourd’hui, un salarié doit avoir travaillé au moins 6 mois sur les 24 derniers mois pour prétendre à son indemnité chômage, qui lui est versée durant dix-huit mois maximum. Jugeant ce système trop peu incitatif, l’exécutif souhaite le rapprocher de l’Allemagne, où les salariés doivent travailler 12 mois sur les 30 derniers et touchent une indemnité pendant un an maximum.
« La situation financière du régime de l’assurance chômage et la nécessité de travailler plus nombreux rendent nécessaire une évolution des règles de l’assurance chômage », écrit le Premier ministre, François Bayrou, dans sa lettre aux partenaires sociaux accompagnant le document de cadrage.
La France est « l’un des pays de l’Union européenne où les conditions d’indemnisation sont parmi les plus favorables et présente une durée maximale d’indemnisation plus élevée que la moyenne européenne », assure le Premier ministre.
Plaidant qu’« il faut travailler plus », François Bayrou avait souhaité le 15 juillet que les partenaires sociaux ouvrent de telles négociations sur l’assurance chômage pour participer à l’effort budgétaire, qui vise à économiser 43,8 milliards d’euros dans le budget 2026.
Il y est d’autant plus incité que malgré la faible croissance, le taux de chômage en France est resté stable à 7,5% au deuxième trimestre, a rapporté l’Insee vendredi 8 août. Le chômage dans la population active demeure ainsi « légèrement supérieur » aux 7,1% de fin 2022, début 2023, son point le plus bas depuis 1982, et inférieur de trois points à son pic de mi-2015.
Cet indicateur montre aujourd’hui « une forme de résilience du marché du travail », avec notamment un taux d’emploi qui continue d’augmenter, tiré notamment par le recul de l’âge de départ en retraite, relève Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’OFCE.
Dans le même objectif d’accélérer le retour sur le marché du travail, le document précise qu’il sera nécessaire de « renforcer les incitations » envers les personnes ayant conclu une rupture conventionnelle et d’« examiner l’opportunité d’adapter » les incitations de retour à l’emploi selon le niveau de rémunération et le montant de l’allocation .Le chef du gouvernement ajoute qu’il faudra en outre « intensifier l’effort réalisé pour le retour à l’emploi des seniors».
« C’est un saccage totalement inadmissible », a réagi le représentant de la CGT Denis Gravouil auprès de l’AFP. Le syndicaliste a dénoncé « un plan d’économies violent » qui touchera « les plus précaires, en allongeant la durée de travail nécessaire pour prétendre à l’ouverture des droits au chômage », mais aussi « les personnes en CDI qui ont perdu leur emploi en raison de la réduction de la durée d’indemnisation annoncée ». « Nous allons tout faire pour faire capoter ce projet, si ce gouvernement se maintient », a prévenu le cadre syndical.
Lors de l’annonce de ce nouveau tour de vis sur l’assurance chômage, la numéro un de la CFDT, Marylise Léon, avait également qualifié ces pistes budgétaires de « carnage total pour les demandeurs d’emploi ».
Cette nouvelle réforme intervient alors que les partenaires sociaux ont conclu un accord en novembre 2024, avec de nouvelles règles pour quatre ans, entrées en vigueur pour la plupart au 1er avril de cette année. Avant une réunion en intersyndicale le 1er septembre pour étudier les suites à donner aux annonces du Premier ministre, FO a déjà appelé à la « mobilisation et à la grève » et déposé un préavis du 1er septembre au 30 novembre.
Les syndicats ont aussi lancé collectivement une pétition pour dire « non au budget Bayrou », signée par plus de 300.000 personnes, et une plateforme de « décodage » des mesures annoncées, qui sur l’assurance chômage dénonce une « nouvelle baisse drastique » des droits.
Reste donc à savoir si ces négociations aboutiront, ou même si elles auront lieu. Faute de quoi le gouvernement reprendra la main et imposera ses règles.
En juin 2024, une réforme portée par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, rejetée par les syndicats, prévoyait elle aussi de durcir les conditions d’accès et les règles d’indemnisation. Elle avait toutefois été suspendue en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale.
La Croıx