Canicule : peut-on venir au travail en short quand les températures grimpent ?

Short, jupe courte, nus-pieds… En période de forte chaleur, choisir une tenue vestimentaire pour aller travailler peut devenir un véritable casse-tête. Les salariés ignorent parfois ce qui leur est réellement permis de porter, et cette incertitude s’explique facilement : le Code du travail, lui-même, reste relativement vague sur le sujet.
En principe, chacun est libre de s’habiller comme il le souhaite au travail, aucune loi n’interdit donc le port du short ou des tongs au bureau. Les choix vestimentaires relèvent ainsi de la « liberté individuelle, une forme de liberté d’expression », rappelle Me Eric Rocheblave, avocat spécialisé dans le droit du travail et de la Sécurité sociale.
Cette liberté n’est toutefois pas absolue. L’employeur peut imposer certaines restrictions vestimentaires, à condition qu’elles soient clairement exprimées dans le contrat de travail ou le règlement intérieur de l’entreprise. Ces règles doivent également être « justifiées par la nature de la tâche à accomplir » et « proportionnées au but recherché », comme précisé dans l’article L1321-3 du Code du travail.
Parmi les motifs les plus couramment invoqués pour encadrer la tenue des salariés figurent l’hygiène, la sécurité, les nécessités professionnelles, comme l’image de l’entreprise ou le contact avec la clientèle. Ces raisons peuvent légitimement justifier l’instauration de restrictions vestimentaires par l’employeur.
Ainsi, quelques cas de sanctions pour non-respect des consignes vestimentaires existent. Dans un arrêt rendu en 2003, la Cour de cassation a validé le licenciement d’un salarié ayant persisté à porter un bermuda, en dépit de multiples avertissements oraux et écrits de ses supérieurs. La juridiction s’est appuyée sur la nature de ses fonctions et sur l’obligation du port d’une tenue de travail inscrite dans le règlement intérieur.
La liberté vestimentaire n’est donc pas considérée comme une liberté fondamentale : elle ne bénéficie pas du même niveau de protection juridique que la liberté syndicale ou la liberté religieuse, par exemple.
Toutefois, depuis le 1er juillet, les employeurs ont certaines obligations en cas de fortes chaleurs. L’article R4463-3 du Code du travail prévoit entre autres que « le choix d’équipements de travail appropriés [permette], compte tenu du travail à accomplir, de maintenir une température corporelle stable ».
Si la notion de tenue vestimentaire en général, et le port du short en particulier, n’est pas explicitement mentionnée, une certaine souplesse à ce sujet peut être envisagée pour préserver la santé des salariés en période de canicule. « Dans le cas où un employeur ne prend pas de mesures et qu’il a un accident avec un de ses salariés, comme un malaise ou un coup de chaud, il sera tenu responsable et pourrait s’exposer à de lourdes condamnations », détaille Me Eric Rocheblave.
Comme la loi reste floue sur la question, la jurisprudence évolue au rythme des mœurs. En 2008, la cour d’appel de Paris avait ainsi condamné un employeur qui avait licencié une ingénieure qui s’était présentée auprès d’un client… en jean. Le tribunal avait statué qu’une « telle tenue » ne pouvait plus « de nos jours, et dans un tel contexte » être considérée « incongrue ou déplacée ».
La Croıx