Comment la présidente du Mexique a négocié avec Trump


Claudia Sheinbaum (à gauche) et Donald Trump.
Un mélange de tact et de persuasion: la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a réussi à convaincre son homologue américain Donald Trump d’accorder à son pays un sursis avant d’augmenter les droits de douane, mais sans dissiper les incertitudes économiques.
Les deux présidents sont connus pour arriver à s’entendre en dépit de leur opposition sur l’échiquier politique. Au moins à trois reprises maintenant, le président américain a accordé à Mexico un allègement douanier et Donald Trump a qualifié la présidente de «femme merveilleuse», loin des relations parfois tendues entretenues avec certains autres dirigeants mondiaux.
Une nouvelle fois jeudi, le républicain a annoncé s’être entendu avec elle pour ne pas relever dans l’immédiat les droits de douane sur les produits mexicains, alors qu’il menaçait de porter la surtaxe à 30%. Mexico, partenaire commercial le plus important des Etats-Unis après l’Union européenne prise dans son ensemble, obtient ainsi un sursis de 90 jours. Cela revient à maintenir à 25% les droits de douane sur les produits entrant aux Etats-Unis en dehors de l’accord de libre-échange nord-américain (ACEUM).
Un résultat obtenu au bout de la neuvième conversation téléphonique entre les deux présidents depuis le retour au pouvoir de Donald Trump en janvier, qui menaçait alors de sanctionner les exportations du Mexique en raison de la tolérance présumée de ce dernier à l’égard du trafic de fentanyl vers les États-Unis.
Comment a-t-elle fait? «En gardant la tête froide», a expliqué la présidente elle-même à des journalistes vendredi. La physicienne âgée de 63 ans et militante de gauche engagée a ajouté qu’elle évitait «la confrontation» avec le milliardaire.
Selon Claudia Sheinbaum, les Mexicains ne «devraient jamais courber l’échine» et Donald Trump a reconnu son courage déclarant au cours d’une de leur discussion: «vous êtes dure», selon le New York Times. «Mexico représente beaucoup pour les Etats Unis (...) ils le savent», a expliqué Claudia Sheinbaum.
Grâce au traité de libre-échange entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada, près de 85% des exportations mexicaines ont été exonérées de droits douanes. Si le Mexique a réussi à échapper pour l’instant aux droits de douane généraux de 30% sur ses exportations, son secteur automobile sera soumis à des droits de douane de 25% alors qu’en mai il avait obtenu que Washington les réduise à 15%. Ses secteurs de l’acier et de l’aluminium, comme pour d’autres pays, sont soumis à des droits douaniers de 50%.
Le gouvernement mexicain considère cependant le report récent de l’application des droits de douane comme une victoire. «Sans aucune flagornerie, je peux vous dire que la façon dont notre présidente mène ses discussions, son approche, la fermeté avec laquelle elle défend les intérêts du Mexique, sa capacité à convaincre le président Trump, sont très importants», a estimé le ministre mexicain de l’Économie Marcelo Ebrard, qui dirige les négociations sur les surtaxes douanières.
Claudia Sheinbaum semble également avoir adopté une attitude «donnant-donnant», en déployant des milliers de soldats à la frontière avec les Etats-Unis face aux inquiétudes du président Trump sur l’afflux de migrants et le trafic de drogue. La présidente insiste pour sa part sur le fait qu’elle n’a «pas donné quoi que ce soit» dans les négociations avec Donald Trump et les discussions se poursuivent entre les deux voisins pour des accords de sécurité pour régler les problèmes de trafic de fentanyl et de drogue. Claudia Sheinbaum a aussi mis en avant la possibilité de plus d’importations de produits américains pour rééquilibrer la balance commerciale.
Certains redoutent que la présidente mexicaine ne cherche tout simplement à gagner du temps. Le report de l’application des droits de douane «ne règle pas le problème de l’incertitude, nous revenons au point de départ», a estimé un expert en échanges commerciaux du Centre des études stratégiques et internationales de Washington, interrogé par l’AFP.
20 Minutes