Contrôles sanitaires sur les plages varoises: comment la baignade est-elle autorisée ou interdite? On vous explique tout sur ces tests

Se baigner dans une eau saine et claire. Et en être informé. Au cœur de la saison estivale, comment connaître la qualité de l’eau, sur sa plage favorite, lorsqu’on prend sa serviette de bain, prêt à s’installer sur le sable?
Dans aucun autre département français, il y a autant de sites de baignade. Avec près de 180 plages répertoriées, le Var est un champion dans l’art de se mettre à l’eau. Parce que le tourisme s’est historiquement développé sur le littoral. Parce que ses paysages somptueux le valent bien. Mais la qualité des eaux est-elle à la hauteur de la carte postale?
Rencontrée sur la plage de Pipady à Toulon, Patricia y est sensible. "J’ai regardé sur internet pour la qualité de l’eau. Je viens ici parce que c’est proche de chez moi, mais aussi parce que l’eau y est plus propre qu’au Mourillon." Dans les faits, la plage est classée "excellente", mais ses voisines le sont aussi, sauf une classée un cran en dessous, niveau "bon".
La première tour de contrôle de la qualité des eaux de baignade est l’échelon local, le plus souvent la commune. "Partout en Europe, les responsables de baignade déclarent et surveillent leur baignade, présente Christelle Bonnans, à l’agence régionale de santé (ARS). Ils sont responsables de la qualité de leurs eaux."
Il y a une logique. Les pollutions en mer viennent de la terre – presque toujours. Localement, la collectivité est la mieux placée pour connaître "le profil de vulnérabilité de sa baignade", c’est même une obligation européenne, "en identifiant les sources éventuelles de pollution", souligne la responsable du service santé environnement à la délégation varoise de l’ARS. S’il y a contamination, "c’est qu’on a loupé un truc, réagit Christelle Bonnans. Cela veut dire qu’une source de pollution n’a pas été identifiée, ou bien que les mesures de gestion mises en place n’ont pas été aussi efficaces que prévu".
En été, le plus souvent, un prélèvement par semaineÀ côté de l’auto-surveillance locale, il existe un second étage à la tour de contrôle – et là, c’est l’État qui prend la main.
"La fréquence minimale [fixée par] la directive européenne dit qu’il faut au moins deux prélèvements par mois, illustre Christelle Bonnans. Dans le Var, pour la majorité des plages, on est plutôt sur vingt prélèvements pendant la saison estivale" – donc au rythme de quatre par mois. Sur les plages toulonnaises, la ville a commandé à l’Agence régionale de santé un prélèvement hebdomadaire, de mi-mai à mi-octobre 2024.
Les résultats de ces prélèvements sont accessibles, depuis un site internet officiel sur la qualité des eaux de baignades (1).
Données mises en ligneLe classement de l’ARS est symbolisé par un nageur surmonté d’étoiles de couleur – "site dont l’eau est d’excellente qualité" (bleu), "de bonne qualité" (vert), "de qualité suffisante" (orange), ou "de qualité insuffisante" (rouge).
Cette note globale est calculée à partir des analyses des quatre années précédentes. Pourquoi cette période? "Les contrôles sanitaires de l’ARS ont une portée statistique. Prendre quatre années en référence donne une idée plus robuste de la garantie de qualité de l’eau de baignade", commente l’experte.
Sur ce même site internet, une information plus récente est accessible, puisque les analyses sanitaires y sont publiées tout au long de l’été. Il est donc possible de connaître la qualité de l’eau ("bonne", "moyenne", ou "mauvaise"), quasiment en temps réel.
Critères plus sévères (ou pas)Il existe un autre classement, élaboré par l’association Eaux et rivières de Bretagne (2), qui est parfois mis en opposition avec celui de l’ARS. À partir des mêmes données officielles, l’association applique une grille d’appréciation plus sévère, au nom de la protection des baigneurs.
L’association estime qu’on ne peut "se baigner en confiance" que si une plage a plus de 85% de prélèvements de "bonne qualité". Sinon, elle n’hésite pas à déconseiller le site.
Sur le littoral varois, de nombreux sites se retrouvent moins bien notés, mais ce n’est pas systématique.
Exemple à Saint-Cyr, où deux plages se trouvent mieux notées dans le classement associatif que dans celui de l’ARS. La plage de Saint-Côme ouest passe de "orange" à "vert"; les Lecques Vieux-Port de "rouge" à "orange".
Sur les plages de Saint-Cyr, les analyses sont majoritairement bonnes depuis le début de l’été, à l’exception d’un prélèvement "mauvais" aux Lecques-Vieux-Port (le 23 juillet). La commune a mené "un gros travail sur ses réseaux", observe l’ARS. Et espère que les travaux vont porter leurs fruits à long terme.
S’informer sur internet… ou sur place"Quand une commune voit que la qualité de la baignade s’est dégradée, après des pluies par exemple, elle prend les mesures d’interdiction, souligne Christelle Bonnans. La plage ne rouvre que lorsque les concentrations en témoin de contamination fécale sont redevenues normales."
Mais comment s’y retrouver avant de partir se baigner? Une possibilité est de consulter sur internet les données disponibles (voir les adresses, ci-dessous). Bien sûr, en arrivant sur une plage, il est conseillé de consulter les données affichées (en général). En cas de pollution, c’est le drapeau violet qui est hissé sur le poste de secours.
Une bonne note pour finir: les communes du golfe de Saint-Tropez se distinguent, en mettant en ligne les résultats de leur auto-contrôle. Assez rare, cet effort d’information en temps réel mérite être salué.
1. L’onglet "Qualité de l’eau" permet d’accéder à une cartographie (France entière). Zoomer sur la plage de votre choix, puis cliquer sur "Détail du site de baignade" pour connaître les analyses sanitaires les plus récentes.
2. C’est le site de l’association Eaux et rivières de Bretagne. Accès direct à la cartographie (France entière) et navigation facile entre les plages. Le classement est annuel et ne donne pas Accès aux analyses les plus récentes.
En été, vous pouvez les apercevoir, de l’eau jusqu’à la taille, à quelques mètres du bord, remplir un flacon avec de l’eau de mer. Puis, ils le referment, le placent dans une petite glacière bleue et repartent aussitôt. "On s’avance jusqu’à un mètre de profondeur, le prélèvement se fait 30cm en dessous de la surface, dans un flacon stérile. Le geste, c’est en une fois, avec un angle à 30°." Christopher Roland est agent préleveur au Laboratoire départemental d’analyses et d’ingénierie du VAR (LDAi83).
Tout l’été, il arpente les plages, descend les chemins qui mènent à la mer. Chaque site de baignade répertorié passe dans ses flacons. Ils sont jusqu’à trois personnes sur une journée, à se déployer sur le littoral varois. "Pour chaque prélèvement, nous nous géolocalisons et notons tous les paramètres visuels extérieurs." Transparence de l’eau, matières en suspension, mousse, odeur… Sachant qu’une "eau peut paraître claire, mais être polluée".
"On peut avoir confiance""La période est très intense, puisque cela représente 5.000 prélèvements et contrôles sur l’été, confirme Thierry Parzys, responsable du Pôle laboratoire et risques sanitaires au LDAi83, qui dépend du Conseil départemental du Var. Cela comprend toutes les plages varoises, mais aussi les piscines collectives." Le laboratoire départemental est l’opérateur choisi dans le cadre d’un marché avec l’Agence régionale de santé.
"Le Var a de bonnes eaux de baignade, on peut avoir confiance, poursuit-il. Les communes sont soucieuses de cette qualité, dont dépend aussi leur pavillon bleu. Elles réagissent même plus vite qu’auparavant, pour le vérifier."
Une fois un échantillon collecté, un compte à rebours est lancé. "À partir du premier prélèvement, nous avons deux heures pour arriver au Lab’truck", reprend Christopher Roland. Le Labtruck est le nom d’un laboratoire mobile, qui se déplace sur le terrain et permet de mettre rapidement les échantillons en analyse. C’est le travail de Mailys Yagoubi, technicienne de laboratoire. "Les échantillons sont répartis dans des tubes de dilution, puis sur des micro-plaques", décrit-elle, en enchaînant les manipulations. Le tout sera placé en étuve à 40°C.
Dans des sortes d’alvéoles, des enzymes "réagissent avec les Ecoli et les Entérocoques intestinaux", les deux bactéries recherchées. C’est par fluorescence que leur présence éventuelle sera identifiée et quantifiée. "La première lecture se fait à 24 heures Si une contamination est observée, on demande un autre prélèvement aussitôt, dans la journée." La confirmation arrive 48 heures après le premier prélèvement.
À Bandol: "Elle est bonne! Je viens de goûter"Gravillons, galets et ambiance familiale. Sur la plage bandolaise Eden-Roc, l’été a enfin démarré. Pierre est confiant quand on lui parle qualité de l’eau. "Elle est bonne, plaisante le vacancier, je viens de goûter." Lui qui arrive de Poitiers est surtout "étonné par les poissons" qu’il a vus, en nageant jusqu’à la crête, signe d’une bonne qualité à ses yeux. Sa femme Rachelle avait eu l’information de "la fermeture de toutes les plages de Bandol et La Ciotat", après les pluies du 20 juillet. Avant de poser la serviette, elle a vérifié l’arrêté municipal affiché en haut de l’escalier qui mène à la crique. Oui la plage est bien ouverte.
Il s’agit même de son premier été depuis deux ans. C’est la période pendant laquelle la plage Eden-Roc et sa voisine Barry sont restées fermées, à cause de "ruissellements directs sur la plage et transfert de pollutions par lessivage des surfaces urbanisées", comme décrit dans un document de synthèse.
"Devant cette constatation et vu le calendrier de travaux, la commune avait pris la décision de fermer la plage, puisqu’elle ne pouvait pas garantir la bonne qualité des eaux baignades", explicite l’ARS. Mesure extrême, prise après deux années de classement "rouge", qualité insuffisante.
"On sait que l’eau, ici, est souvent mauvaise, réagissent Jessica et Claude, vacanciers luxembourgeois, pourtant installés face à la mer. D’ailleurs il y a eu une pollution la semaine passée." Avec leur fille de 14 ans, Lina, le couple profite de cette plage comme site de départ "pour faire du paddle". Et "quand on rentre, on prend la douche!"
À l’arrière-plage, il y a toujours le poste de relevage des eaux usées, longtemps responsable de rejets. Sur le bâtiment sont affichées les analyses sanitaires les plus récentes. La qualité était "moyenne", à cause d’un dépassement sur les bactéries entérocoques (en date du 25 juillet).
La mairie explique faire pratiquer "des prélèvements réguliers, du lundi au vendredi, permettant de suivre la qualité de l’eau en continu". En cas d’événement météo ou d’incident de réseau, les deux plages sont fermées préventivement, "par souci de protection immédiate des usagers".
Var-Matin