Sélectionner la langue

French

Down Icon

Sélectionnez un pays

France

Down Icon

« Des milliards pour des minutes » : la LGV du Sud-Ouest, une piste d’économie pour le gouvernement ?

« Des milliards pour des minutes » : la LGV du Sud-Ouest, une piste d’économie pour le gouvernement ?

Par Benjamin Moisset

Publié le , mis à jour le

Mobilisation contre le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), incluant les LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, à Cadaujac, en Gironde, le 20 avril 2024.

Mobilisation contre le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), incluant les LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, à Cadaujac, en Gironde, le 20 avril 2024. STEPHANE DUPRAT/SIPA

C’est l’un des plus grands projets ferroviaires d’Europe… avec un budget à la hauteur de son ambition : le coût des deux nouvelles lignes de train à grande vitesse (LGV), devant relier Bordeaux à Toulouse en 2032 et à Dax en 2037, est en effet estimé à 14 milliards d’euros – dont 5,6 milliards à la charge de l’Etat, c’est-à-dire l’équivalent du budget annuel du ministère de la Culture. Alors, au moment où le Premier ministre, François Bayrou, va évaluer « chaque euro dépensé » pour juger de leur nécessité, le coût des LGV pourrait bien être scruté.

A lire aussi

Et le doute a commencé à s’installer dans le Sud-Ouest. Le directeur de l’agence SNCF chargée du projet Christophe Huau a même tenté de rassurer jeudi 26 juin. « On a tout le financement que l’on souhaite pour avancer au rythme prévu » et « on s’adaptera aux décisions des pouvoirs publics », a-t-il affirmé. Ces déclarations interviennent deux semaines après la révélation d’une note interne de Bercy par « l’Humanité » jugeant « envisageable de réexaminer » des projets comme celui-ci pour faire des économies. Auprès de l’AFP, le ministère s’est limité à souligner que « tout document de travail n’a aucune valeur d’arbitrage ».

Le contexte de recherche d’économies est pourtant bien propice à un réexamen. François Bayrou a en effet promis de présenter en juillet un plan de retour à l’équilibre des finances publiques, avec l’objectif d’économiser 40 milliards d’euros pour réduire le déficit. Les 5,6 milliards d’euros de la LGV dans le Sud-Ouest pourraient alors l’intéresser. D’autant plus que cette estimation est a priori sous-évaluée : elle a été faite « à titre indicatif » au cours de l’année 2020, avant les dernières années d’inflation.

« Les coûts des LGV dérivent »

Voilà sûrement pourquoi le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, a été le premier à réexaminer la copie de ces LGV. Il avait convié fin mai à l’hôtel de Roquelaure trois opposants au projet, élus dans la Gironde – la maire de Bernos-Beaulac, Jacqueline Lartigue ; celui de Saint-Médard-d’Eyrans, Christian Tamarelle, et la députée MoDem Sophie Mette. A la suite de cette réunion, cette dernière l’a qualifié sur les réseaux sociaux de « nouveau soutien » dans la demande d’étude complémentaire, notamment budgétaire, qu’elle compte porter devant le Premier ministre.

Il faut « réactualiser les coûts du projet, qui pourraient être revus à la hausse » au vu de l’inflation, avait déjà demandé le Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) de la Nouvelle-Aquitaine en février 2023. Et l’instance consultative de citer également un rapport de la Cour des Comptes, daté du 23 octobre 2014, affirmant que les lignes à grande vitesse étaient « non soutenables » budgétairement : « Les coûts des LGV dérivent fréquemment par rapport aux estimations », écrivait alors l’institution.

A lire aussi

L’estimation budgétaire de la LGV est bien caduque, a alors acté le ministre François Rebsamen lors de la réunion avec les opposants, selon des sources proches du dossier. La raison ? Elle ne prend pas en compte la forte inflation depuis plusieurs années – autour de 5 % en 2022 et 2023, quand l’étude prévoyait 2 % par an. Le ministre a « reconnu la nécessité d’avoir une nouvelle étude, notamment concernant les coûts », selon Sophie Mette.

« Les financements interviendront »

Au point de revoir son engagement financier ? Sollicités, les ministères des Transports et de l’Aménagement durable n’ont pour l’instant pas souhaité répondre à nos questions. « Nous continuerons à [soutenir le projet] à l’avenir : les financements interviendront à chaque étape nécessaire », avait tout de même affirmé le ministre des Transports Philippe Tabarot en janvier dernier dans « la Dépêche du Midi », c’est-à-dire avant que la note de Bercy ne soit dévoilée.

De leur côté, les soutiens du projet avancent les potentiels bénéfices d’un tel projet : un bilan carbone positif à long terme, plusieurs dizaines de milliers d’emplois créés ou encore un désenclavement des territoires. Mais, au cours de la réunion, d’après la députée, le ministre a également « marqué son étonnement concernant l’opportunité du tronçon Bordeaux-Dax », estimé à 4 milliards d’euros – dont 1,5 milliard à la charge de l’Etat – pour gagner vingt minutes entre les deux villes. Selon les élus locaux contactés, le ministre a été convaincu par un argument : la rénovation de la ligne existante, qui est déjà l’une des plus rapides de France, coûterait six fois moins d’argent pour un temps de trajet équivalent.

A lire aussi

« Ils vont dépenser des milliards d’euros pour des minutes de train, c’est une folie », s’insurge auprès du « Nouvel Obs » la maire de Bernos-Beaulac, Jacqueline Lartigue. Opposante à la construction des LGV – censées traverser sa commune –, elle se dit « confiante » à la suite de la réunion, même si le ministre a refusé catégoriquement de suspendre les travaux le temps d’une nouvelle étude, selon elle. Et de conclure : « On nous demande tous les jours de faire des efforts, il serait temps que l’Etat s’y mette aussi. »

Le Nouvel Observateur

Le Nouvel Observateur

Nouvelles similaires

Toutes les actualités
Animated ArrowAnimated ArrowAnimated Arrow