Donald Trump vous “remercie de votre attention”, des robots-taxis Tesla à Austin et la reconnaissance faciale contre les immigrés

Les historiens, les exégètes de la pensée politique archivent et surveillent méticuleusement le riche et singulier langage de Donald Trump. Et, ces derniers temps, ils notent un certain relâchement dans son expression orale. Le président des États-Unis a utilisé le mot fuck pour marquer son mécontentement à l’égard des manquements de l’Iran et d’Israël au cessez-le-feu qu’il avait ordonné. Il a aussi assuré que les installations nucléaires iraniennes avaient été “annihilées” (obliterated) par “ses” bombardements, alors que “ses” services de renseignements nuancent l’ampleur des dégâts réels infligés à l’arsenal des mollahs.
En revanche, ses écrits revêtent depuis peu une inédite solennité. Fast Company, journal qui connaît tous les sortilèges du marketing, remarque que Trump, sans renoncer à ses tonitruantes majuscules, achève maintenant ses messages sur son réseau social Truth Social par d’étranges fioritures formelles, signant ses proclamations sur le Moyen-Orient par un impérial “DONALD J TRUMP, PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS”. Et “lorsqu’il veut vraiment marquer les esprits, [il] conclut par ‘Je vous remercie de votre attention à ce sujet !’” en guise de formule de politesse adressée au vaste monde.
L’article propose plusieurs explications à ce style novateur. Pendant ses premiers 132 jours de présidence, Donald Trump a publié un nombre record de plus de 2 200 messages sur Truth Social. Or son réseau ne compte que 5 millions d’abonnés, et seul un nombre infime de ses posts, assez odieux ou diplomatiquement importants pour être repris par X ou Bluesky, sont lus par le grand public. Pour être entendu, le président doit maintenant différencier certains messages des centaines d’autres missives écrites par ses communicants de la Maison-Blanche, ou de ses fréquentes éructations nocturnes contre ses ennemis politiques, les “juges gauchistes”, Joe Biden ou les éoliennes. Bref : trop de com tue la com. Donald Trump, soucieux de sa postérité, espère ainsi ajouter un sceau d’autorité, de gravité présidentielle à sa logorrhée quotidienne sur Internet, surtout quand ses propos ont trait au bombardement d’autres pays. On le remercie vraiment de cette attention…
C’est parti. Elon Musk a lancé, la semaine dernière, ses premiers “robots-taxis” Tesla à Austin (Texas). Selon Bloomberg News, l’événement revêt une importance cruciale, vitale même, pour le pionnier de la voiture électrique américaine. S’il ratait son entrée dans le monde futuriste de la voiture autonome, Elon Musk aurait bien du mal à justifier l’extraordinaire valeur boursière de son entreprise, plus de 850 milliards de dollars, signe d’une confiance fanatique de ses investisseurs en dépit de la dégringolade des ventes de ses modèles classiques dans le monde entier.
Mais voilà… Par son art consommé de l’effet d’annonce et des promesses emphatiques, Musk aura sans doute trop nourri les espérances, au risque de causer des déceptions.
Le lancement en question s’est résumé, selon de nombreux témoins, à un raout sur invitation réservé à une poignée d’aficionados. Les voitures étaient toutes occupées par un agent de sécurité assis dans le siège passager, et suivies à distance par des équipes de techniciens.
Les observateurs présents à Austin cette semaine peuvent aussi témoigner des multiples petits pépins des robots-taxis : manquements aux règles de la circulation, hésitations inquiétantes aux carrefours, panique du véhicule au son d’une sirène de police, déchargement des passagers dans des zones non réglementaires. Les débuts des Tesla autonomes ressemblent donc beaucoup aux balbutiements des concurrents Waymo et Cruise, ce dernier ayant pour sa part a abandonné ses essais à la suite d’un accident grave.
Notons pourtant une différence de taille. Waymo ne propose que quelques milliers de taxis, des engins à plusieurs centaines de milliers de dollars, bardés de capteurs et de lasers de télédétection, qui circulent dans des villes cartographiées à grands frais et au centimètre près. Tesla, lui, entend prouver par ses essais de robots-taxis que son logiciel grand public actuel, informé par les seules caméras embarquées, permettra bientôt à plus de 1 million de voitures de la marque aujourd’hui en circulation aux États-Unis de devenir entièrement autonomes. Et ce n’est pas encore concluant.
Pour preuve, Musk a tenté une diversion, vantant sur Twitter comme un exploit historique la première livraison d’une Tesla de l’usine à un client en mode entièrement autonome sur une distance de 30 kilomètres. Formidable. Mais pour rehausser la marque, il faudrait réussir à le faire tous les jours, et dans l’avenir avec des millions de voitures.
Dans tous les aéroports américains, les passagers sont habitués à poser quelques secondes devant la caméra de l’agent de la police des frontières qui contrôle leur passeport. 404 media nous révèle que ces images sont intégrées dans un logiciel de reconnaissance faciale maintenant utilisé par la police anti-immigration à l’intérieur du pays pour identifier les personnes en situation irrégulière, le plus souvent pour avoir prolongé illégalement leur séjour. Voilà pourquoi les agents masqués de l’ICE (Immigration and Custom Enforcement) braquent si souvent leurs smartphones sur les passants lorsqu’ils opèrent des rafles d’immigrants dans la rue ou à la sortie des supermarchés. L’ACLU, association de défense des droits civils, s’insurge contre ce système bien moins fiable que la comparaison des empreintes digitales, et qui expose, à cause de ses erreurs, des résidents légaux à des séjours traumatisants dans les centres de détention, voire à des expulsions injustifiées.
Courrier International