Droits de douane chinois : la filière cognac échappe au pire mais reste sous pression

Pékin exempte de taxes douanières les producteurs français qui acceptent d’augmenter les prix de leurs produits.
Un soulagement provisoire. Les principaux producteurs de cognac français (Hennessy, Rémy Martin, Martell), ont évité le pire. Ils ne seront pas touchés par les tarifs douaniers pouvant atteindre 34,9 % imposés par la Chine aux importations de brandys européens, dès le 5 juillet. Le verdict est tombé vendredi matin, plus d’un an après le lancement d’une enquête antidumping par Pékin contre les producteurs européens de ces spiritueux produits à partir du vin, essentiellement des maisons françaises. Elle avait été engagée en représailles à celle menée par l’Union européenne sur les subventions chinoises aux véhicules électriques.
Après des semaines d’âpres négociations entre les autorités chinoises et la filière du cognac, soutenue par le gouvernement français, une issue a été trouvée pour éviter ces tarifs douaniers prohibitifs, infligés de façon provisoire le temps de l’enquête. À la place, les producteurs devront appliquer une hausse des prix des bouteilles expédiées dans l’empire du Milieu. Ce régime des « prix minimum », dont certaines entreprises ne pourront bénéficier, a été défini au cas par cas. Le taux pourrait osciller entre 12 % et 16 % du prix de vente actuel.
Passer la publicitéLes autorités chinoises ont averti : dès samedi, ces nouveaux prix devront être appliqués. Sinon, les taxes douanières prendront le relais. « C’est un moindre mal provisoire », estime Gabriel Picard, le président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). Et d’insister : « Cette solution du régime des prix minimum est intermédiaire et temporaire. Ce n’est en aucun cas une reconnaissance des pratiques d’antidumping. Le cognac n’a jamais été le sujet. On appelle le gouvernement français et la Commission européenne à continuer les négociations avec la Chine. »
Avec cette solution, l’horizon s’éclaircit néanmoins pour la filière après des mois de tempête. L’enjeu est crucial : l’Asie - en particulier la Chine - représente le premier marché à l’export de cognac avec les États-Unis. « Bien que les conditions de cet accord demeurent moins avantageuses que celles en vigueur avant l’ouverture de l’enquête, elles offrent une issue nettement plus favorable ou, à tout le moins, une alternative sensiblement moins pénalisante que l’application des droits antidumping définitifs », estime Rémy Cointreau, propriétaire de Rémy Martin, dans un communiqué. Et d’indiquer qu’en conséquence, le groupe « mettra à jour ses objectifs annuels lors de la publication du premier trimestre, le 25 juillet ». De son côté, Pernod Ricard « salue la clôture de l’enquête chinoise » et « reste déterminé à assurer une croissance durable à long terme en Chine, l’un de nos quatre marchés incontournables ».
Rien n’était gagné d’avance. Alors que le différend qui oppose la Chine à l’Union européenne sur les véhicules électriques est loin d’être réglé, Pékin aurait aussi pu décider de prendre à nouveau la filière du cognac en otage, en lui infligeant le maximum des tarifs douaniers. Lancée en janvier 2024, l’enquête antidumping chinoise a déjà fait beaucoup de mal au secteur des eaux-de-vie. Les exportations vers la Chine ont chuté de 60 % et la filière affirme avoir perdu 50 millions d’euros par mois. Le coup a été fatal à l’automne dernier : les importateurs de brandy ont été contraints de verser une caution en garantie sur toutes les bouteilles expédiées vers l’empire du Milieu, dont le montant s’est élevé à environ 35 % du prix. Caution que les autorités chinoises ont accepté de rétrocéder dans le cadre de l’accord.
La filière marche toutefois sur des œufs. L’affaire est loin d’être terminée. À ce stade, les autorités chinoises restent silencieuses sur la réouverture du marché duty free qui est clé pour le commerce des brandys. « Aucune information n’est donnée sur la réouverture du marché duty free, dont le cognac est exclu depuis décembre 2024 et qui représente traditionnellement près de 20 % de ses ventes en Chine », déplore le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). Reste que personne n’est dupe. Le sujet est avant tout politique et diplomatique. Est-ce que Pékin va continuer de desserrer l’étau ou se servir du dossier duty free comme levier de négociation avec les Européens pour obtenir gain de cause dans l’affaire des véhicules électriques chinois ? Et ce, à quelques semaines du sommet entre l’UE et la Chine programmé les 24 et 25 juillet.
Autre préoccupation : « Parmi les entreprises qui ont coopéré avec les autorités chinoises, certaines n’ont pas été retenues pour bénéficier du régime des prix minimum », insiste Gabriel Picard de la FEVS. Ce qui signifie que ces producteurs de cognac et d’armagnac, qui ont pourtant cherché à coopérer, vont se voir infliger des droits de douane très élevés. Tout comme ceux qui n’ont pas participé aux négociations et classés par les autorités chinoises comme des « entreprises non-coopérantes ». « L’accord concerne 96 % des acteurs du cognac », précise toutefois un observateur averti du secteur.
lefigaro