Effondrement du taux du livret A au 1er août : quelles causes et quels impacts ?
%3Aquality(70)%3Afocal(3100x2423%3A3110x2433)%2Fcloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com%2Fliberation%2FLJ4JAOUJDJCPLOJZR7LWPICTCE.jpg&w=1920&q=100)
Le «placement préféré des Français» devrait une nouvelle fois connaître un fort coup de rabot. Après être passé de 3 % à 2,4 % le 1er février, le livret A devrait s’établir à 1,7 % au 1er août si, comme à son habitude, la Banque de France ne déroge pas à ses règles de calcul. Soit une rémunération presque divisée par deux en l’espace des deux révisions annuelles. La décision définitive devrait arriver aux alentours du 15 juillet, lorsque le gouverneur de la banque centrale française, François Villeroy de Galhau, transmettra ses recommandations au ministre de l’Economie, Eric Lombard.
Cette baisse du taux du livret A est d’abord le résultat de la baisse de l’inflation. Le calcul pour déterminer l’indice de ce placement se base en effet sur la hausse des prix de produits de consommation les douze derniers mois, hors tabac, ainsi que la moyenne du taux de rémunération des dépôts interbancaires – le taux auxquels les banques s’échangent de l’argent entre elles. La moyenne des deux taux sert alors à définir l’indice.
L’inflation a légèrement accéléré en juin, passant à 0,9 % selon des estimations provisoires de l’Insee, mais restant une nouvelle fois sous la barre des 1 % en 2025 depuis février. La Banque de France envisage une inflation à 1 % pour 2025 après une moyenne annuelle de 2,3 % en 2024. C’est bien loin des 5,2 % de 2022 et des 4,9 % de 2023. Les taux interbancaires ont également chuté d’environ un tiers depuis le début de l’année.
Cette nouvelle baisse devrait conduire les épargnants à se détourner encore un peu plus de ce placement. Selon les données publiées le 22 mai par la Caisse des dépôts, le livret A avait déjà signé son pire mois d’avril depuis celui de 2009, à cause de la réduction du taux.
Paradoxalement, «c’est une bonne nouvelle pour les Français», estime Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au cabinet d’audit BDO France et professeure à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. «Si le taux baisse, cela veut dire que l’inflation ralentit. Et en parallèle, on constate que les salaires augmentent plus vite que l’inflation, à hauteur de 2 % en moyenne. C’est une très bonne nouvelle car nous gagnons du pouvoir d’achat cette année», renchérit-elle.
La Banque de France pourrait aussi préconiser de garder le livret A à un certain taux, comme cela avait été le cas en février 2023 lors de la crise inflationniste. Suivant la recommandation du gouverneur François Villeroy de Galhau, Bruno Le Maire, alors ministre de l’Economie, avait fixé temporairement le livret A à 3 %. Ce qui, dans ce cas, avait été défavorable pour les épargnants car le taux aurait dû mécaniquement être de 3,3 %.
Mais une telle intervention pour maintenir un taux plus élevé semble aujourd’hui peu probable. La baisse du livret A pourrait représenter une bonne occasion pour les pouvoirs publics d’inciter les Français à investir davantage leur matelas financier : «On a un taux d’épargne qui est historiquement haut, à presque 19 %», rappelle Anne-Sophie Alsif. Les incertitudes nationales – comme la dissolution de l’Assemblée nationale en juillet – ainsi que géopolitiques ont «créé un manque de confiance et encouragé l’épargne de précaution», analyse l’économiste.
En 2024, la France comptabilisait 955 milliards d’euros dormant sur des comptes épargnes réglementés et 6 185 milliards sur l’ensemble des placements financiers, selon la Banque de France. Une somme extrêmement importante comparée à la dette publique chiffrée à 3 345 milliards. «On a des personnes qui laissent 40 % de leur épargne sur des comptes qui ne financent rien. Il y a aussi 800 millions d’euros sur des comptes courants qui ne sont investis dans rien», souligne l’experte.
Ce pactole pourrait notamment représenter un levier pour relancer la croissance atone de l’Hexagone, attendue à 0,5 % cette année, avec des placements vers des assurances vie à fonds euros ou des plans d’épargne en actions (PEA). Des outils plus risqués mais potentiellement plus rentables, qui permettent aussi d’investir en Bourse.
A moins que les Français, traditionnellement plutôt récalcitrants à prendre des risques avec leur épargne, préfèrent garder leur bas de laine dans des livrets garantis par l’Etat et mobilisables instantanément malgré des taux moins avantageux. Aujourd’hui, 57 millions de Français détiennent un livret A alors qu’il existe seulement 6,5 millions de PEA.
Libération