Interview. Activités, concurrence, budget... Comment ont évolué les enterrements de vie de célibataire ?


La sociologue Florence Maillochon. Photo DR
Pourquoi les enterrements de vie de célibataires ont-ils pris une telle proportion ?
« On assiste à leur revitalisation à la fin du XXe pour les hommes et leur apparition pour les femmes. Ces festivités se sont ensuite généralisées au début du XXIe siècle, ce qui est assez surprenant car ces évènements ont perdu leur signification originelle par rapport au mariage. Autrefois, un EVG était le prétexte d’une dernière "grosse cuite" avant de se ranger et d’habiter avec son épouse. Aujourd’hui, les couples sont généralement déjà cohabitants avant de se marier, voire déjà parents. Les EVJF et les EVG sont plutôt des fêtes de préparation du mariage, une occasion supplémentaire de faire la fête. »
Pourquoi les activités pratiquées lors des EVG et des EVJF sont-elles demeurées aussi genrées ?
« La majorité des enterrements de vie de célibataire demeurent non mixtes. Les hommes vont pratiquer des activités sportives, jouer au paintball, faire du karting ou sauter à l’élastique d’une falaise. Les femmes font des activités liées à l’esthétique, à la cuisine, à la décoration. Ce qui est surprenant au XXIe siècle, alors qu’on questionne justement la binarité des genres ! Cela s’explique d’abord par des raisons commerciales : il est plus intéressant pour le marché d’offrir plusieurs types de prestations afin de capter différents publics. Par ailleurs, une partie des personnes qui se marient sont très attachées aux rôles masculins et aux rôles féminins au sein du couple. »
« Il y a un enjeu affectif très important »Ces évènements sont-ils une occasion de marquer son appartenance à une classe sociale ?
« Ce n’est pas toujours conscient, mais il est sûr que les EVJF et les EVG sont une illustration des différences sociales. Parce que les activités pratiquées sont très distinctes en fonction des revenus et du style de vie. Exemple : les activités liées avec la sexualité (comme les soirées dans des boîtes de strip-tease) ne sont pas forcément partagées par tous les milieux. Et un week-end dans un riad à Marrakech restera l’apanage de futurs mariés issus de milieux aisés. »
L’engouement des participants est-il lié à leur envie de prouver leur amitié ?
« Il y a un enjeu affectif très important dans les enterrements de vie de célibataire. Il faut d’abord être sélectionné pour y participer et donc être reconnu comme faisant partie des plus proches. En retour, il faut témoigner de l’intérêt qu’on porte à cet événement, du temps qu’on y accorde, l’argent qu’on y investit. Les organisateurs subissent aussi une pression quant à la pertinence de leurs choix d’activités et leur originalité. Et quand on a déjà participé à plusieurs EVJF ou EVG de qualité, on ne peut pas être moins disant. La concurrence existe ! »
« S’assurer qu’il y aura une bonne ambiance le jour J »Les futurs mariés voient-ils dans un EVG ou un EVJF réussi les prémisses d’un mariage réussi ?
« Oui, ils le considèrent comme un beau présage pour le jour du mariage. Et comme une sorte de répétition pour s’assurer qu’il y aura une bonne ambiance le jour J, puisque c’est l’occasion de mélanger les amis d’enfance avec les plus récents qui ne se connaissent pas forcément. »
Le Bien Public