Interview. L'accord commercial UE-États-Unis « révèle la faiblesse de l’Europe », juge le président de France Industrie

Après l'accord sur les droits de douane trouvé dimanche entre l'Union européenne et les États-Unis, l'Europe apparaît plus faible dans un monde plus conflictuel, analyse Alexandre Saubot, président de France Industrie.

Pour l’industrie française et européenne, l'accord sur les droits de douane trouvé dimanche entre l'Union européenne et les États-Unis est-il bon ou mauvais ?
« Il y a du bon et du mauvais, selon les secteurs. Un grand secteur comme l’aéronautique apparaît largement exonéré, tandis que l’acier et la mécanique devraient souffrir. Cet accord a pour principal mérite de fixer un cadre. Mais c’est un accord déséquilibré qui révèle la très grande faiblesse de l’Europe. Il reste des choses à préciser et nous espérons que l’Europe saura se battre pour son industrie.
C’est donc un accord largement dicté par Donald Trump…
« Je n’étais pas dans la négociation, mais quand je vois le résultat, le fait est que Donald Trump a su faire avancer sa cause. »
« L’Europe doit être capable de faire valoir ses intérêts »Ce déséquilibre peut-il amener des industriels français, européens, à investir davantage aux États-Unis, et moins en Europe ?
« C’est tout le problème de ce déséquilibre. Quand vous mettez des droits de douane des deux côtés, vous êtes censés récupérer chez vous ce que vous perdez chez l’autre. Mais là, en l’absence de droits de douane réciproques, le marché européen n’obtient aucune protection contre les produits américains en échange de ce que l’Europe risque de perdre sur le marché américain. Car un marché américain rendu moins accessible risque d’amener certains industriels à produire davantage aux États-Unis, pour mieux vendre sur place, sans garantie que le marché européen puisse absorber ce qu’ils produisaient en Europe à destination des États-Unis. Avec le risque, donc, d’une baisse de la production en Europe… Après, tout dépend aussi de l’agenda de simplification et de compétitivité dont l’Europe saura ou non se doter dans les prochaines semaines. C’est d’autant plus urgent que la baisse de la valeur du dollar pénalise les produits européens. »
Diriez-vous avec certains analystes que le principal danger commercial pour l’Europe est la Chine, avant les États-Unis ?
« Le vrai sujet est de savoir si l’Europe se veut industrielle et souveraine, et si c’est le cas, elle doit être capable de se protéger contre toutes les actions commercialement agressives. Avec les États-Unis, nous avons ce problème d’accord déséquilibré. Avec la Chine, c’est un problème d’agressivité commerciale dans certains secteurs, qui appelle des mesures de sauvegarde, des droits de douane ciblés, que l’Europe devrait davantage utiliser. »
Mais le sommet UE-Chine de la semaine dernière n’a pas vraiment été un succès…
« C’est une nouvelle illustration de la transformation rapide qui s’impose à l’Europe dans le monde tel qu’il se dessine : un monde beaucoup plus conflictuel dans lequel l’Europe doit être capable de faire valoir ses intérêts, industriels en particulier. »
L'Est Républicain