La course à l’industrialisation est un mirage

Construire des usines à tout va et se protéger de la concurrence n’apportera pas les emplois ouvriers qu’espèrent les dirigeants politiques, Donald Trump en tête. Cela pourrait même être contre-productif, estime l’hebdomadaire britannique “The Economist”.
“Dans le monde entier, constate The Economist dans son édition datée du 14 juin, les dirigeants politiques font une fixation sur les usines.” C’est évidemment le cas, aujourd’hui, aux États-Unis de Donald Trump, mais aussi au Royaume-Uni, en Inde, en Allemagne ou en Indonésie, égrène l’hebdomadaire britannique.
Selon le magazine, dont la couverture est consacrée à “La grande illusion industrielle”, cette “poussée manufacturière mondiale est vouée à l’échec. En fait, elle risque de faire plus de mal que de bien.” Car elle repose “sur une série d’idées fausses concernant la nature de l’économie moderne”.
La première est que cela créerait de nombreux emplois bien payés pour des travailleurs sans diplôme. Or, dans un long article centré sur les États-Unis, l’hebdomadaire affirme que, même si des usines ouvrent, ce sont essentiellement des automates qui feront le travail réservé naguère aux ouvriers.
En outre, de nos jours, pour ce qui concerne la paie, ce sont, entre autres, “les emplois d’électricien, de mécanicien ou d’agent de police qui offrent des salaires décents à ceux qui n’ont pas de diplôme”.
The Economist réfute aussi l’idée qu’un important secteur industriel est indispensable à la croissance économique.
Et “qu’en est-il de l’argument selon lequel, compte tenu de la guerre en Ukraine et des tensions avec la Chine, le monde riche doit se réindustrialiser dans l’intérêt de la sécurité nationale ?” Là encore, le chantre du libéralisme n’y croit pas.
Dans un monde où les économies nationales sont “ultra-spécialisées”, tenter une réindustrialisation massive, à grands coups de subventions, serait inefficace. Mieux vaudrait donc, poursuit The Economist, que les pays “travaillent ensemble et commercent dans une économie ouverte et peu réglementée” au lieu de “protéger leur industrie nationale et de se disputer des emplois qui n’existent plus”.

Grande institution de la presse britannique, The Economist, fondé en 1843 par un chapelier écossais, est la bible de tous ceux qui s’intéressent à l’actualité internationale. Ouvertement libéral, il défend généralement le libre-échange, la mondialisation, l’immigration et le libéralisme culturel. Il est imprimé dans six pays, et 85 % de ses ventes se font à l’extérieur du Royaume-Uni.
Aucun des articles n’est signé : une tradition de longue date que l’hebdomadaire soutient par l’idée que “la personnalité et la voix collective comptent plus que l’identité individuelle des journalistes”.
Sur le site de The Economist, outre les principaux articles du journal, on trouve d’excellents dossiers thématiques et géographiques faits par The Economist Intelligence Unit, ainsi que des contenus multimédias, des blogs et le calendrier des conférences organisées par le journal à travers le monde. En prime : la mise à jour régulière des principaux cours de la Bourse.
La couverture du magazine peut varier selon les éditions (Royaume-Uni, Europe, Amérique du Nord, Asie), mais le contenu est le même ; au Royaume-Uni, cependant, quelques pages supplémentaires traitent de l’actualité nationale.The Economist appartient pour 43,4 % à la famille italienne Agnelli, le reste du capital étant réparti entre de grandes familles britanniques (Cadbury, Rothschild, Schroders…) et des membres de la rédaction.
Courrier International