La lame de fond du courage a déferlé sur les Entreprenariales

K.Wenger Publié le 27/06/2025 à 18:16, mis à jour le 27/06/2025 à 18:50
Énorme succès pour cette 24e édition – mais première en été – des Entreprenariales jeudi à l’Allianz Riviera de Nice. On se pressait dans les allées et sur le parvis du stade pour découvrir les sept villages thématiques et les stands des 165 exposants. La réussite du salon des dirigeants d’entreprise porté par l’Union pour l’Entreprise des Alpes-Maritimes (UPE06) devait aussi beaucoup à la thématique choisie: le courage. Trois intervenants de haut vol – le général de Villiers, l’escrimeuse Laura Flessel et Arnaud Montebourg – ont donné sur la scène centrale leur version de cette valeur devenue trop rare au fil des années.
Exemplarié et authenticitéPremier à ouvrir le feu: le général Pierre de Villiers, ancien chef d’état-major des armées qui, en 2017, a justement eu le courage de démissionner de ses fonctions à la suite d’un désaccord sur le budget des armées françaises.
Comment la Grande Muette qui appelle parfois au sacrifice ultime parvient-elle à recruter et garder cette génération Z réputée comme désinvestie? "On embauche 25.000 jeunes par an " souligne le militaire. Pour cet homme d’action – "et non pas de paroles" –, "dans une société où la défiance est partout et où l’autorité est en crise, il faut leur donner confiance. Et elle se manifeste par un management qui a du – bon – sens. L’autorité, à ne pas confondre avec l’autoritarisme, c’est un équilibre subtil entre bienveillance et exigence."
À cela s’ajoute une troisième notion: la stratégie. "Pour que les jeunes viennent et restent à l’armée, il faut leur donner une vision qui deviendra réalité, leur parler d’audace et non pas d’assistance ni d’assurance." A-t-on suffisamment de courage en France? La réponse est sans appel. "Non! Parce qu’on ne l’enseigne pas. Avec l’explosion des familles, la démission d’une partie de l’Éducation nationale et la crise de l’autorité, une majorité de jeunes n’a plus les fondamentaux." Pour le général de Villiers, il y a deux niveaux de courage. Le premier étant le petit courage qui peut s’assimiler à l’inverse de la paresse. Le grand courage, c’est savoir trancher, prendre des décisions difficiles, dire la vérité. Pour éviter qu’il ne s’étiole, il doit être nourri d’exemplarité, d’authenticité et de passion.
La quatrième valeur nourricière du courage est l’humilité. "De nombreux dirigeants croient qu’il faut être supercompétents: on ne leur demande pas d’avoir réponse à tout comme dans Questions pour un Champion mais de savoir où se trouve la compétence et d’aimer les subordonnés qui vont vous la donner."
Dernier conseil: "Gardez l’équilibre entre vie pro et vie privée. On ne peut pas être un bon chef dans la vie professionnelle si on a une base arrière déséquilibrée." A vos ordres, mon général!
Regarder ses faiblesses et rêver grandL’humilité est aussi très prégnante chez Laura Flessel. "Il en faut pour regarder ses faiblesses en face et savoir continuer quand tout le monde s’arrête", insiste-t-elle. Et elle a persévéré, jusqu’à devenir quintuple championne olympique à l’épée puis ministre des Sports en 2017 et entrepreneure. "A 5 ans et demi, j’ai osé défier ma mère qui me voyait bien en tutu et pointes. Je lui ai fait une contre-proposition avec l’escrime. Ce n’était pourtant pas gagné car la réalité est que je suis noire, femme dans un sport de compétition et élitiste mais je me suis toujours rêvée numéro 1 mondiale."
Animée par le challenge et à force de travail acharné, elle y est parvenue. "J’ai osé aller chercher les solutions et être endurante. Les athlètes de haut niveau ne sont pas plus courageux que les autres mais comme ils ne veulent pas attendre, ils sont dans l’anticipation et l’action." Si elle n’aime pas perdre, elle a appris à cohabiter avec l’échec pour continuer à faire.
Un cap clairOn se souvient de lui avec sa marinière mais Arnaud Montebourg se défend d’être "un intégriste ou un ayatollah du made in France, chacun fait selon ses moyens financiers". Pour l’ancien ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique reconverti en entrepreneur avec, notamment, La Compagnie des Amandes, l’enjeu de la souveraineté n’est pas incompatible avec la rentabilité et le succès économique.
Si le patriotisme économique est une évidence en Allemagne, au Japon ou aux États-Unis, "on se demande encore en France s’il faut défendre le made in France. Pourtant, nous sommes aujourd’hui la lanterne rouge de l’Europe avec à peine 10% du PIB industriel contre 23% en Allemagne. Et l’UE qui est devenue par lâcheté une colonie numérique des États-Unis fait notre faiblesse, s’agace-t-il. On est dévorés par la tech à l’ouest et par les biens de consommation à l’est on est à la merci de l’adversaire sans se défendre."
Que faire alors? "Il ne manque qu’un cap clair et une mobilisation générale pour repartir comme on l’a fait dans le passé. Il faut que le gouvernement porte une vision structurante à long terme. La France a tout pour réussir: le génie, la science, les entrepreneurs et le savoir-faire." Ne reste plus qu’à trouver le courage… et vite!
Cette 24e édition des Entreprenariales a également vu la passation de pouvoir entre Pierre Ippolito et Franck Cannata à la tête de l’UPE06. Le président sortant a dressé le bilan de sa seule et unique mandature qu’il a placée, lui aussi, sous le signe du courage et du territoire.
Trois ans d’un mandat "éprouvant" durant lesquels "on a tenu beaucoup de promesses de campagne", estime le président sortant, fier d’avoir assumé ses convictions. À commencer par la modification statutaire du syndicat patronal, "avec l’ouverture de la gouvernance; ce qui a permis d’avoir deux candidats à cette élection", fait-il remarquer. Outre le retour au mandat unique de trois ans, "on a également renouvelé 80% de l’équipe dirigeante et réaffirmé l’apolitisme de notre association". Tout mandat politique dans des communes de plus de 5.000 habitants est interdit au sein du conseil d’administration, du bureau et à la présidence.
Assumer ses convictionsDes satisfactions et le sentiment du devoir accompli pour Pierre Ippolito qui avoue une frustration, celle de ne pas avoir réussi à embarquer autant de personnes qu’espéré dans l’état d’esprit d’intérêt général porté par l’UPE06. "Il faut augmenter l’engagement collectif pour que celui, individuel, nécessite moins de sacrifices, analyse-t-il. On reproche aux politiques de manquer de courage mais le monde économique n’est pas plus courageux. Plus nous avons à perdre et plus le courage devient silencieux." Et de demander solennellement aux entrepreneurs de porter leurs convictions "pour arriver à faire changer notre pays. Sans combat, il n’y a pas de vrai succès, ni bonheur. Nous avons la capacité et le devoir d’agir." Pour Pierre Ippolito, l’ennemi numéro un de l’intérêt général, c’est l’ego.
Ça, c’est faitCôté réalisations, le past président et son équipe peuvent s’enorgueillir d’avoir été à l’initiative ou d’avoir aidé à organiser 6 salons en trois ans, 5 Rencontres économiques territoriales (RET), 200 ateliers - "c’est un tous les trois jours" -, 150 événements de networking, 100 conventions signées et un tout nouveau site Internet. Au rayon des projets bien avancés, l’UPE06 a créé plusieurs clubs dans des domaines très divers: le fonds Boost formant les dirigeants à la croissance externe – salué par Arnaud Montebourg qui appelle à le dupliquer ailleurs –; le Club Défense; le réseau des femmes de l’UPE06 pour fédérer l’entrepreneuriat féminin; le Club ETIncelles qui rassemble une quinzaine d’ETI du territoire.
En coursEn cours également, la responsabilité territoriale des entreprises et l’aménagement du territoire "en étant dans l’accompagnement de l’aéroport et de la défense de l’extension de l’aéroport, poumon économique du département". Le syndicat patronal s’est attaqué avec moins de résultats à plusieurs gros dossiers à l’instar de la mobilité ou du logement des actifs, "priorité majeure sur notre territoire".
Porte-parole et défenseur des entreprises, Pierre Ippolito s’est aussi opposé à toute hausse de la fiscalité ou – en vain – au versement mobilité régional. S’il n’est plus président de l’UPE06, il n’est pas désœuvré pour autant. Il accompagnera si besoin son successeur Franck Cannata et reprendra la présidence du Club ETIncelles Sud. "J’ai aussi une entreprise à gérer", rappelle-t-il.
Pour le reste [il avait mentionné son intérêt de mener une équipe pour les élections à la CCI NCA en 2026], "Si je considère qu’il y a un endroit où je peux être utile pour faire changer les choses, je pèserai le pour et le contre."
À suivre.
Première prise de parole officielle en tant que président de l’UPE06 pour Franck Cannata, le fondateur et dirigeant de l’entreprise de transport et de logistique Transcan à Carros. Ce dernier a rendu hommage à Marielle Walicki sa concurrente malheureuse et à Pierre Ippolito pour le travail qu’il a mené ces trois dernières années, notamment en fédérant tous les syndicats professionnels.
"C’est une fierté de reprendre le témoin." Il s’engage à préserver cet héritage en fédérant tous les syndicats professionnels, à continuer la "féminisation de nos instances et à œuvrer pour la parité tout en développant les partenariats avec les associations des femmes chefs d’entreprise". Autre axe de travail dans la lignée de son prédécesseur, développer l’esprit d’entreprise au sein de la jeunesse. Sa mandature sera également placée sous le signe de la mutation. Celle de l’économie et de la société qui se matérialise par quatre ruptures fondamentales – climat, innovation, progrès technologique et financement. Et de fustiger les "délires normatifs qui complexifient et ralentissent chacune de nos actions". La méthode Cannata? La coconstruction. "Nous sommes aux prémices de la troisième révolution industrielle qui va tout bouleverser sur son passage. Nos entreprises doivent impérativement s’emparer de l’IA et de la cybersécurité, au risque de voir leur existence menacée", assène-t-il.
Trop d’impôt tue l’impôt et trop de charges tuent les entreprises
C’est aussi la fin de la mondialisation heureuse et "les crises successives de ces dernières années vont placer au cœur des débats les questions de souveraineté, de dépendance aux matériaux et produits stratégiques et de relocalisation industrielle sur notre territoire. Un changement de paradigme majeur qu’il nous faut absolument comprendre et intégrer dans nos entreprises également."
Sans oublier de lutter contre la rupture sociétale due au vieillissement de la population et aux grandes inquiétudes que traverse la société qu’elles concernent les institutions politiques nationales ou la conjoncture internationale incertaine.
Autre sujet majeur de la mandature, la transition écologique territoriale. Le nouveau président veillera à préserver la ressource en eau, à la maîtrise du coût de l’énergie et à la gestion des déchets d’activités économiques. Le tout en travaillant à des solutions concrètes pour nos entreprises. Sa feuille de route ne saurait être complète sans revoir la simplification administrative et la fiscalité. "Trop d’impôt tue l’impôt et trop de charges tuent les entreprises et donc l’emploi." Parce que les entreprises ne peuvent plus sans cesse être la variable d’ajustement. Enfin, il travaillera à l’aménagement du territoire. "Le logement et la mobilité sont des éléments centraux pour l’attractivité, l’accès à l’emploi et le développement économique de notre département." Au courage, fil conducteur des Entreprenariales, il tient à ajouter le mot responsabilité, "deux mots qui caractérisent mon état d’esprit et qui disent le sens de mon action, de notre action commune".
Var-Matin