La technopole Sophia Antipolis joue-t-elle un rôle dans la médecine de demain, grâce à la technologie?

"Nous sommes 60 dans cette salle, et je peux vous dire que deux d’entre nous sont porteurs d’un anévrisme." Le professeur Élie Hachem, enseignant-chercheur et directeur du centre CEMEF(1) au sein de l’Ecole des Mines à Sophia Antipolis, a rendu cette conférence très concrète. Pour ce deuxième rendez-vous de l’année du Club Eco du Groupe Nice-Matin, les partenaires ont pu assister à une table ronde sur le positionnement de Sophia Antipolis dans le secteur de la santé.
60 des entreprises maralpines de la santé sont installées à Sophia AntipolisSpoiler alert! La première technopole d’Europe qui compte plus de 2.500 entreprises pour quelque 40.000 salariés, est une plaque tournante de la medtech, soit de la technologie appliquée à la médecine. Alexandre Follot, directeur général adjoint de la Communauté d’agglomération de Sophia Antipolis (CASA), le confirme: "84 entreprises du domaine de la santé sont installées ici, sur les 153 recensées dans tout le département. C’est donc 60% de structures liées à la santé qui sont sophipolitaines. Sans compter les laboratoires. Cela représente 3.500 emplois." Sophia Antipolis est ainsi identifiée comme un cluster santé. Et tech. Car la question est bien là, est-ce que la technopole participe à la médecine de demain, plus préventive, plus prédictive, plus personnalisée? La réponse est un grand oui et tient en deux mots: fertilisation croisée. Autrement dit, le fameux mariage des startups, grands groupes, recherche publique et privée et autres pôles de compétitivité, voulu par le sénateur Lafitte qui a créé la technopole en 1969. Le professeur Élie Hachem, lui aussi, milite pour cette fertilisation croisée.
Outils très précisIl mène plusieurs projets de front, dont un outil numérique qui permet de prédire le risque de rupture d’anévrisme chez un patient: "Grâce à la mécanique des fluides et aux données recueillies chez les patients, on parvient à montrer au médecin une image en 3D dynamique du flux sanguin. C’est un outil de diagnostic très précis." Le CEMEF travaille avec le corps médical des Hôpitaux de Nice sur une future techno relative à l’insuffisance cardiaque, mais aussi à la personnalisation des stents (dispositifs aussi fins qu’un cheveu posé dans l’artère pour réguler le flux sanguin). Il ne reste plus qu’à trouver un fabricant – français de préférence – pour ce stent optimal. "Si on y parvient, ce sera un tsunami mondial", assure-t-il. Autre exemple de cette union réussie entre tech et santé, les travaux de la startup AMK Biotech, emmenés par Aïda Meghraoui. Elle a créé son propre laboratoire qui allie biologie et analyse de données. "Nous avons décloisonné ces deux mondes et développons des tests diagnostics. Comme une photo d’identité d’une tumeur qui analyse une quarantaine de paramètres et 200 types de cellules sur un seul échantillon. Notre premier test, lauréat de France 2030, permet de prédire la récidive du cancer du foie." Également présente lors de ce rendez-vous, Sandrine Antoniotti, vice-présidente exécutive du groupe allemand Nuvisan, créé après la fermeture de Galderma en 2017 à Sophia Antipolis. Depuis la technopole, le groupe qui emploie une centaine de salariés est un sous-traitant de l’industrie pharmaceutique. On y développe, produit et teste des médicaments innovants contre tout type de maladies (Alzheimer, cancer, etc). "Nous nous assurons que le médicament ne va pas se transformer, se dégrader, ensuite les médicaments sont transmis pour études cliniques sur les patients." Un travail de longue haleine quand on sait qu’il faut dix ans, voire vingt, avant qu’un médicament puisse être mis sur le marché.
Deux nouveaux projets arriventÇa phosphore à Sophia Antipolis et "Nous allons continuer à investir", a annoncé la CASA. Deux gros projets sont actés: la construction d’un Medtech Center sur le campus de l’Ecole des Mines (en même temps que son extension). Un projet à 40 millions d’euros – dont 7 millions apportés par la CASA – qui enchante le professeur Élie Hachem. "Nous allons pouvoir proposer aux médecins de travailler dans un espace dédié, au lieu d’occuper des salles dans des hôpitaux surchargés. L’idée étant de s’entraîner à utiliser les nouveaux outils numériques." Premier coup de pioche attendu en 2026. Autre projet à suivre, le Bio-incubateur (2.800m2) qui devrait être installé dans les locaux de l’Institut de physique. C’est Laurence Lacroix, directrice du Pôle Croissance des entreprises du Genopole basé à Paris, qui en parle (en visio).
Le Genopole, c’est un peu le berceau du Téléthon, le lieu où se font les recherches sur les maladies rares. Et le biocluster a choisi Sophia Antipolis pour ouvrir une antenne, dédiée aux biotechnologies avec des startups du vieillissement, de la nutrition… qui y seront accompagnées avec un coworking et des laboratoires. Pourquoi Sophia Antipolis? "Parce qu’on trouve ici une recherche de très haut niveau, un écosystème très riche, des infrastructures, un vivier de talents et que la technopole jouit d’une bonne image à l’international", énumère-t-elle. Pas de date pour le top départ de ce Bio-incubateur qui mêle, entre autres, Université Côte d’Azur, Genopole et CASA, des études sont en cours pour chiffrer la réhabilitation des locaux. Tous ces témoignages ont permis de voir Sophia Antipolis sous un autre angle que celui de la microélectronique et de l’informatique, vieux réflexe quand on parle de tech. Laurence Lacroix ne s’y trompe pas en voulant poser quelques valises du Genopole en terres sophipolitaines. Les grands noms internationaux de la santé sont de plus en plus nombreux à s’y installer, à l’instar d’ElaiaPharma, Coclear ou General Electric Health Care. Encore un signe d’excellente santé de la technopole azuréenne.
(1) Centre de Mise en Forme des Matériaux.
Nice Matin