Le réseau social X soupçonné d’avoir biaisé son algorithme à des fins d’ingérence étrangère en France

Par Le Nouvel Obs avec AFP
Le réseau social, propriété d’Elon Musk, est visé par une enquête après des accusations d’ingérence étrangère. SOPA IMAGES/SIPA
La plateforme X (ex-Twitter) a-t-elle volontairement biaisé son algorithme, au point d’altérer le débat démocratique en France ? La section cybercriminalité du parquet de Paris a ouvert une enquête pénale, visant le réseau social, propriété d’Elon Musk, après des accusations d’ingérence étrangère.
Une enquête a été confiée mercredi à la gendarmerie concernant le réseau X, en tant que personne morale, et contre les « personnes physiques » qui le dirigent, a indiqué ce vendredi 11 juillet la procureure de Paris Laure Beccuau dans un communiqué, sans citer le nom de son propriétaire multimilliardaire, également patron de Tesla.
Cela intervient après deux signalements reçus le 12 janvier, qui « faisaient état de l’utilisation supposée de l’algorithme de X (ex-Twitter) à des fins d’ingérence étrangère », détaille le ministère public.
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Le premier provenait du député macroniste des Côtes-d’Armor spécialiste de ces questions, Eric Bothorel. Il alertait le parquet sur « les récents changements d’algorithme de X, ainsi que les ingérences apparentes dans sa gestion depuis son acquisition par Elon Musk » en 2022.
Des contenus qui visent à « biaiser le débat démocratique »Il soulignait une « réduction de la diversité des voix et des options », une plateforme qui s’éloigne d’un objectif de « garantir un environnement sûr et respectueux à tous », un « manque de clarté quant aux critères qui ont conduit aux changements d’algorithmes et aux décisions de modération », ainsi que des « interventions personnelles d’Elon Musk ».
Dans un communiqué ce vendredi, Eric Bothorel s’est dit « très heureux que la justice française se donne les moyens de lutter contre ces ingérences étrangères. » Et d’ajouter : « La démocratie est un bien trop fragile pour laisser des apprentis sorciers, propriétaires de plateformes numériques, nous dire quoi penser, pour qui voter voire qui haïr. »
Selon les informations du « Canard enchaîné » en février, le second signalement provenait d’un directeur de cybersécurité dans la fonction publique, qui s’inquiétait d’« une modification majeure dans l’algorithme utilisé par la plateforme X qui propose aujourd’hui énormément de contenus politique haineux, racistes, anti-LGBT +, homophobes et qui visent donc à biaiser le débat démocratique en France ».
Pas (encore) de circonstance aggravante d’ingérence étrangèreLe parquet, qui avait confirmé début février étudier ces signalements, a indiqué ce vendredi dans son communiqué avoir ouvert cette procédure « sur le fondement de vérifications, de contributions de chercheurs français et d’éléments apportés par différentes institutions publiques ».
L’enquête a été confiée à la Direction générale de la gendarmerie nationale, et porte « notamment » sur les infractions suivantes : altération du fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données en bande organisée, ainsi qu’extraction frauduleuse de données d’un système de traitement automatisé de données en bande organisée.
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A ce stade, la qualification pénale évoquée dans le communiqué ne comporte pas la circonstance aggravante d’ingérence étrangère, prévue par une loi promulguée en juillet 2024, mais cela peut évoluer en cours d’enquête.
Le patron de X France, Laurent Buanec, avait assuré le 22 janvier sur son réseau social que « X a des règles strictes, claires et publiques visant à protéger la plateforme des discours de haine », « lutte contre la désinformation » et que son algorithme « est construit de manière à éviter de vous proposer des contenus de type haineux. »
X dans le viseur de l’UEElon Musk s’exprime très régulièrement sur l’actualité domestique et internationale sur X, et a été ces derniers mois accusé de vouloir influencer le débat démocratique en Grande-Bretagne ou en Allemagne, où se sont tenues des élections législatives en février.
Fin décembre, Elon Musk avait ainsi estimé dans un message sur X que « seule l’AfD », formation d’extrême droite allemande, « peut sauver l’Allemagne ». Le commentaire avait suscité un vif émoi en Europe. L’ex-commissaire européen au Numérique Thierry Breton avait alors qualifié la remarque « d’ingérence étrangère ».
Le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot avait exhorté Bruxelles début janvier à protéger les Etats membres de l’UE contre les ingérences dans le débat public européen. Au niveau européen, la Commission européenne a ouvert en décembre 2023 une « enquête formelle » visant X.
Le réseau a été mis en cause formellement en juillet 2024 pour plusieurs infractions présumées. Pour chacune d’elles, et faute de mise en conformité, la Commission pourrait infliger à Elon Musk une amende allant jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial annuel de l’ensemble des entreprises qu’il contrôle, soit plusieurs milliards d’euros.
Par Le Nouvel Obs avec AFP
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