Mails consultés en dehors des heures de travail, sursollicitation sur Teams… Comment l’hyperconnexion mine le quotidien des salariés

Le droit à la déconnexion est loin d’être respecté dans le monde. C’est en tout cas le constat que l’on peut tirer d’un récent rapport mondial de Microsoft, publié le 17 juin 2025, dans lequel l’utilisation des outils numériques de 31 000 « travailleurs du savoir » dans 31 pays, dont la France, a été étudiée. Selon les données dévoilées, les journées de travail sont rudement allongées à cause de l’utilisation de ces technologies. La multinationale – par ailleurs accusée de complicité de génocide pour avoir fourni des services avancés utilisés par les militaires israéliens – révèle que 40 % des employés consultent leurs e-mails « avant 6 heures du matin ».
Outre les pics d’activité habituels le matin et en début d’après-midi, un troisième pic apparaît désormais en soirée : 29 % des salariés consultent leurs mails vers 22 heures, d’après cette étude réalisée sur la base de « signaux de productivité Microsoft 365 agrégés et anonymisés » par le géant du logiciel.
Mais l’hyperconnexion se manifeste aussi durant la journée de travail. En moyenne, un salarié reçoit 117 e-mails et 153 messages via Teams par jour, selon les données de Microsoft. Les interruptions de son travail sont donc constantes : toutes les deux minutes en moyenne, soit « 275 fois par jour par des réunions, des e-mails ou des notifications de chat », poursuit l’étude.
La France n’échappe pas à cette dynamique. D’après une étude réalisée par ViaVoice pour le cabinet de conseil en prévention santé Verbateam, dont l’Agence France-Presse se fait l’écho ce vendredi 27 juin, 65 % des salariés se déclarent dépendants à leurs écrans et leur entreprise n’agit pour limiter leur connexion que pour 16 % d’entre eux.
Les effets de cette hyperconnexion sont concrets : les trois-quarts des 1 000 personnes interrogées pour cette étude déclarent avoir « déjà ressenti des effets négatifs liés à leur usage numérique », avec notamment des troubles du sommeil (pour 76 %), des difficultés de concentration (77 %), un sentiment de pression constante (78 %) ou de « stress et anxiété face aux sollicitations numériques ».
« On voit ce phénomène non seulement s’aggraver, mais il y a aussi une tendance assez étonnante à la banalisation, voire la valorisation de cette hyperconnexion en entreprise », alerte la directrice générale de Verbateam Flore Serré. « Il y a vraiment une pratique qui devient addictogène », selon elle, l’addiction étant définie comme « un besoin compulsif, un usage chronique et surtout, une perte de contrôle ».
Mais les syndicalistes n’ont pas attendu les alertes des géants du numérique ou des cabinets pour réagir. La CGT dénonçait déjà l’intrusion des technologies du travail dans la vie privée en 2020. Selon son baromètre publié à l’époque, l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour raisons professionnelles sur son temps privé est généralisé et concerne aussi bien les hommes cadres (77 %) que les femmes cadres (73 %), la fonction publique (80 %) tout comme le secteur privé (73 %).
Quatre ans plus tard, le problème est loin d’être réglé. Selon le dernier sondage, publié lundi 23 juin, par l’Union des cadres et techniciens de la CGT (Ugict), 67 % des cadres souhaitent un droit à la déconnexion effectif. Une proportion en hausse de 11 points par rapport à 2016.
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