Mort de Thierry Ardisson : ces séquences qui ont forgé sa réputation sulfureuse

Figure de la télévision des années 1980 et 1990, Thierry Ardisson est décédé ce lundi à l’âge de 76 ans, laissant derrière lui bon nombre de clashs, d’humiliations et de séquences pas toujours très agréables à (re) voir.
Par Service Actu
Thierry Ardisson sur le plateau de « Salut les Terriens », sur C8, le 30 novembre 2017. ISOPIX/SIPA
Ces dernières années, Thierry Ardisson disait à qui voulait bien l’entendre qu’il regrettait une télé actuelle devenue trop « pasteurisée », trop niaise, trop fade. Il faut dire que l’animateur, décédé lundi 14 juillet à l’âge de 76 ans, s’était spécialisé dans l’interview provocatrice et transgressive. Et de le revendiquer ! « Le Nouvel Obs » revient sur ces moments de télévision qui ont forgé l’image d’un homme « tellement mégalo qu’il croit avoir inventé la vulgarité à la télévision » selon la formule de Bernard Pivot.
1. « Sucer, c’est tromper ? » avec Michel RocardChez Ardisson, transgression rimait très souvent avec sexualité. Au point de lancer à chaque personne invitée, des dilemmes du type, on n’invente rien, « tu préfères une femme belle qui couche mal ou une femme moche qui couche bien ? » En 2001, alors sur le plateau de « Tout le monde en parle », l’homme en noir lance son « interview alerte rose » en compagnie de l’ancien Premier ministre Michel Rocard.
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Le socialiste hésite, mais se prête au jeu. « Embrasser, c’est tromper ? » lance Ardisson, « non » répond l’intéressé. « Sucer, c’est tromper ? », relance le premier. « Non plus » s’amuse le deuxième, sous les applaudissements du public.
2. Milla Jovovich quitte le plateauMais tous les moments de télévision avec Ardisson ne se finissent pas avec autant de légèreté. En 2002, Ardisson accueille l’actrice Milla Jovovich (« Le Cinquième élément ») sur un plateau exclusivement masculin.
Les questions s’enchaînent sur ses films et son travail puis dérivent sur du personnel lorsque Thierry Ardisson lui rappelle que son père a été arrêté pour fraude à l’assurance. « Oui c’est vrai, mon père a passé huit ans en prison, j’ai perdu mon père pendant huit ans », lance-t-elle avant de taper dans le verre d’eau devant elle et de partir en coulisses, suivie par une caméra.
3. Christine Angot quitte, elle aussi, le plateauCes séquences où une femme se retrouve mal à l’aise sur le plateau de Thierry Ardisson sont légion. En 2000, la romancière Christine Angot est invitée dans « Tout le monde en parle » pour faire la promotion de son ouvrage « Quitter la ville ».
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Pendant l’émission, Ardisson et son acolyte Laurent Baffie soulèvent les critiques négatives du livre, ses mauvaises ventes et ses contradictions dans d’autres interviews. « Stop. Vraiment, stop » s’exclame-t-elle avant de quitter le plateau. Des années plus tard, elle s’indigne contre la Légion d’honneur remise à l’animateur en 2024, soulignant avoir été humiliée à plusieurs reprises par le présentateur.
4. « Une gamine de 12 ans » avec Gabriel MatzneffEn 1995, dans l’émission « Paris Dernière », Thierry Ardisson est en compagnie de Frédéric Beigbeder et… Gabriel Matzneff, l’écrivain accusé de pédocriminalité et dont les écrits narrent ses aventures sexuelles avec des mineures. Dans un extrait déterré sur X, on peut voir les trois hommes échanger des plaisanteries abjectes sur les relations sexuelles de Matzneff : « On va coucher Gabriel avec une gamine de douze ans et nous, et nous, on va aller voir des putes de 62 ans. »
« La pute et l’archevêque », c’est par cette formule que Thierry Ardisson théorisait la recette gagnante de ses émissions : des milieux sociaux différents, et surtout, des personnes susceptibles de se rentrer dedans.
C’est ce qui se passe en 2006, toujours sur le plateau de « Tout le monde en parle », où il reçoit l’écrivaine Muriel Cerf pour un livre sur le chanteur Bertrand Cantat, alors en train de purger sa peine de prison, après avoir tué sa compagne, l’actrice Marie Trintignant. L’autrice défend un homme qui a « fait une erreur, un jour » et décrit un « amour passion », devant la chanteuse Lio, amie de Marie Trintignant.
« On ne lui a pas volé son amour, il l’a tué », lui répond-elle. « 36 coups, le visage décomposé comme pour un accident de moto, avec des brûlures aux jambes et aux cuisses », lui rappelle la chanteuse. « Je n’avais pas la connaissance de 36 coups », répond l’écrivaine Muriel Cerf. Plus tard, lors de la sortie du documentaire Netflix « le cas Cantat », Lio revient sur la séquence et qualifie Ardisson d’un « manipulateur que je ne respecte pas ».
6. Un complotiste du 11 septembreC’est ce goût de l’invité provocateur qui a amené Thierry Ardisson à recevoir en 2002, le complotiste Thierry Meyssan, auteur de l’ouvrage « 11 septembre 2001, l’effroyable imposture », quelques mois après l’attentat terroriste. Une invitation qui a fait exploser les ventes du livre la semaine suivante. Les virilistes Alain Soral et Eric Zemmour ont eu aussi eu droit à leur invitation dans les émissions.
Bonus : Ardisson par les inconnusHumiliation, vulgarité, misogynie et provo… Tous les éléments des émissions d’Ardisson sont résumés dans le sketch « Trouble jeu » des inconnus avec un Didier Bourdon en impeccable homme en noir.
Le Nouvel Observateur