Non, les Français ne travaillent pas moins que les Allemands

Des Français « désenchantés » face au travail, coupables du déficit de la France qui s’aggrave. C’est presque en ces termes que le Premier ministre, François Bayrou a évoqué les raisons du creusement de la dette, mardi 15 juillet, lors de la présentation du budget.
« Nous travaillons, en France, 100 heures de moins par habitant qu’en Allemagne », a déclaré dans la foulée la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, pour justifier l’effort supplémentaire demandé aux travailleurs tricolores. La rengaine, utilisée à outrance pour justifier la destruction des droits des Français, n’est pas nouvelle. Mais est-elle exacte ?
La donnée citée par la ministre est issue d’une étude de l’OCDE et calcule le nombre d’heures travaillées par habitant en 2024, personnes inactives comprises. Ainsi, enfants, privés d’emploi et retraités intègrent le calcul. Les données se trouvent ainsi plus façonnées par la structure démographique des pays (natalité, espérance de vie) et les règles de départ à la retraite (les Allemands ne peuvent toucher leur pension qu’à partir de 67 ans) que par la productivité des travailleurs.
En restreignant l’analyse aux personnes actives, la comparaison sert bien moins le discours du gouvernement. En 2023, selon un autre indicateur de l’OCDE, les travailleurs allemands avaient en moyenne bûché 1 335 heures, soit 154 heures de moins que les travailleurs français (1 489 heures).
Il est toutefois vrai que le taux d’emploi est plus important en Allemagne qu’en France. Selon les données publiées par l’Insee, la part des personnes âgées de 15 à 74 ans occupant un emploi était de 68,4 % en 2023 en France, contre 77,4 % outre-Rhin. Cette différence pourrait s’apparenter à un souci de répartition du travail. « Il faut travailler tous, il faut travailler mieux », mais pas travailler plus, assurait ainsi Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, au micro de France Inter, jeudi.
Les jeunes Français se trouvent en moyenne en effet largement plus exclus du travail que leurs collègues allemands : le taux de chômage des 15-24 ans est de 17,2 % en France, contre seulement 5,8 % en Allemagne. Une note du Conseil d’analyse économique de mars 2025 précise d’ailleurs que « deux ans après leur fin d’études, les jeunes sortis d’études à 18 ans ont un taux d’emploi plus faible en France de 15 points par rapport à l’Allemagne ».
La situation n’est pas plus reluisante du côté des seniors. Selon l’Insee, en 2023, 21 % des personnes âgées de 55 à 61 ans n’étaient, en France, ni en emploi, ni à la retraite.
« Le problème français c’est le taux d’emploi, pas les heures travaillées en emploi », conclut la note du Conseil d’analyse économique. Ainsi, rien ne sert de raboter les congés ou de sucrer les jours fériés pour renflouer les caisses. À en croire les experts, il suffirait plutôt d’encourager l’emploi des jeunes, des seniors mais aussi des travailleurs les moins qualifiés. Difficile toutefois de penser qu’une nouvelle réforme des règles de l’assurance-chômage souhaitée par François Bayrou, qui viendra à n’en point douter raboter les droits des privés d’emploi, servira cet objectif.
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