On a assisté à la vente aux enchères publique visant deux bars bien positionnés dans le centre-ville de Draguignan
Ce n’est pas tous les jours qu’un commissaire-priseur judiciaire hausse le ton lors d’une vente aux enchères… Celle qui s’est déroulée dans la matinée de ce mercredi 23 juillet 2025, sur la place Cassin à Draguignan, a été agitée.
Alors que Jean-Dominique Grossetti démarre l’adjudication publique des actifs mobiliers du Bistrot et de Pura Vida, il s’interrompt dans un sermon: "Des manœuvres auraient été faites visant à empêcher la vente de ce jour. (...) Je rappelle que si quelqu’un, ici, veut acheter le droit au bail, la licence IV ou le matériel, il peut le faire. Nous sommes là pour faire respecter cette liberté!"
Quelques minutes avant, le commerce voisin (Le P’tit Bistrot) augmentait soudainement le volume sonore de sa sono en terrasse, perturbant ainsi la lecture des clauses et conditions.
Déjà la veille, nous faisions état dans nos colonnes d’actes de malveillance. L’affiche annonçant la vente aux enchères a été arrachée sur la devanture de Pura Vida. Et celle du Bistrot a été dissimulée derrière trente et une chaises empilées, une déserte de plus d’un mètre et deux tables posées par-dessus.
La vente aura duré… une minute chronoLes remontrances du commissaire-priseur judiciaire ont eu l’effet escompté. La vente s’est finalement déroulée dans le calme, sur le parvis de l’établissement.
Parmi la cinquantaine de personnes présentes, quelques curieux et 14 véritables intéressés. D’autres acheteurs potentiels suivent par téléphone ou en direct via Internet. À 10h30, Jean-Dominique Grossetti annonce les premières enchères ouvertes pour le Bistrot: "On commence par une mise à prix du bail commercial à 15.000 euros. Et j’ai déjà preneur au téléphone!"
Les prix s’envolent instantanément. Les mains se lèvent les unes après les autres. Le nombre augmente de mille euros par seconde. Puis de 5.000.
Trois personnes se disputent le lot. À l’autre bout du fil, on lâche rapidement le morceau. Deux Varois (un restaurateur et un aménageur d’intérieur) se disputent le butin jusqu’à n’en plus pouvoir. À 90.000 euros, le restaurateur aux lunettes noires hésite. Et abandonne.
Le commissaire-priseur judiciaire sort alors le marteau. "J’adjuge à 90.000 euros à la personne détenant le numéro 32!" La vente aura duré… une minute chrono. L’aménageur d’intérieur, désormais propriétaire du bail – qui comprend le bâtiment complet sur 4 niveaux –, fuit les regards braqués sur lui.
Un enchérisseur placé sur le banc de touche
Il poursuit ses achats en s’emparant de la licence IV pour 24.000 euros (mise à prix à 12.000 euros). Mais perd de justesse la totalité du matériel et mobilier. Un gaillard au t-shirt rouge s’en saisit pour 14.500 euros (mise à prix à 5.950 euros).
Mais une fois la vente terminée, coup de théâtre. L’homme fait marche arrière et demande l’annulation de son acquisition.
Jean-Dominique Grossetti n’a pas le choix: il doit réorganiser une vente, spécialement pour le matériel et le mobilier du local du Bistrot.
Las, l’adjudicateur poursuit. Place, cette fois, à la cession du droit au bail, de la licence IV et du matériel de Pura Vida. Et peu après midi, nouveau rebondissement.
Le même gaillard au t-shirt rouge enchérit pour l’obtention du bail. Il lève sa pancarte portant le numéro 33 et fait monter les enchères. Jusqu’à 107.000 euros. Le commissaire-priseur judiciaire le met en garde, lui rappelant la volte-face précédente. L’homme assure finalement vouloir aller au bout de son achat précédent et continue d’enchérir.
Doutant de sa bonne volonté et de sa capacité à payer, Jean-Dominique Grossetti refuse de prendre en compte ses enchères.
Une interrogation demeure autour de la municipalité de Draguignan
La bataille se joue désormais entre une commerçante détenant le numéro 34 et deux personnes par téléphone. Là encore, les prix s’envolent à vitesse grand V. La Dracénoise finit par rafler le droit au bail (pour 112.000 euros), la licence IV (pour 25.000 euros) et la totalité du matériel (pour 4.000 euros). Elle ne pourra pas y installer d’autre activité que celles de petite restauration, débit de boissons, vente et fabrication sur place de pâtisseries.
Reste plus qu’à savoir si la mairie de Draguignan coupera la chique aux heureux acheteurs, en faisant valoir son droit de préemption. Réponse d’ici un mois.
Nota bene: Les commerces Le Bistrot et Pura Vida ont été placés en liquidation judiciaire le 12 février 2025 mais le gérant a interjeté appel. Le 30 avril, la cour d’appel d’Aix-en-Provence le déboutait de sa requête, à savoir l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu au printemps. Le jugement de la cour d’appel précise: "Il est par ailleurs démontré que la gestion de fait, exercée par M. Sofiane Seter, a été consécutive à une interdiction de gérer ayant résulté d’un jugement rendu par le tribunal de commerce de Fréjus le 11 janvier 2016, ayant prononcé la faillite personnelle de l’intéressé pour une durée de huit ans. Et il est constaté qu’à l’expiration de ce délai, celui-ci ne s’est pas empressé de régulariser la situation de gouvernance" des deux établissements.
Var-Matin