« On n’a plus eu une seule décision qui n’acte pas un travail dissimulé » : Deliveroo de nouveau condamnée pour avoir exploité ses livreurs

Au fur et à mesure que la justice s’empare des affaires la concernant, la plateforme de livraison de repas Deliveroo fait face à la réalité : sa prospérité s’est construite sur l’exploitation des travailleurs. Le groupe britannique a de nouveau été condamné, mercredi 2 juillet par la cour d’appel de Paris, pour travail dissimulé. Neuf livreurs sont, cette fois-ci, concernés par la décision de justice, comme le révèlent plusieurs arrêts.
Ces employés ont travaillé pour Deliveroo pendant cinq années, entre 2017 et 2022, avant que la plateforme ne décide de mettre brutalement fin au contrat de prestation qui les liait. Si l’entreprise britannique avait déjà été mise à l’amende en 2022, la cour d’appel de Paris a émis un jugement inédit : elle condamne l’entreprise à réintégrer un livreur licencié en 2020 pour discrimination liée à des raisons de santé. Deliveroo doit aussi lui verser 93 000 euros au titre des salaires impayés. « C’est le premier cas de réintégration » d’un coursier licencié pour un tel motif, a souligné l’avocat, Kevin Mention, qui représente aussi les huit autres livreurs.
Selon la cour, il a aussi été démontré que « Deliveroo leur impose une tenue, une zone géographique, une procédure à respecter et des possibilités de connexion (sur la plateforme) à certaines périodes ». Pour arriver à cette conclusion, la cour d’appel de Paris s’est « attachée aux pièces individuelles de chaque coursier et a montré des preuves de subordination dans chaque dossier », s’est félicité Kevin Mention. Outre la victoire du livreur réintégré à l’entreprise, les huit autres coursiers licenciés vont aussi toucher une compensation financière, dont certains jusqu’à plus de 100 000 euros. « Cela montre à quel point Deliveroo fraudait, pointe l’avocat. Depuis 2020, on n’a plus eu une seule décision qui n’acte pas un travail dissimulé. »
Deliveroo – qui est en passe d’être rachetée par l’États-unien DoorDash – a tenté de défendre son bilan en affirmant que son système a, depuis l’éclatement de nombreuses affaires, évolué. « Le modèle opérationnel de Deliveroo a profondément changé et a été reconnu par les pouvoirs publics comme reposant sur une collaboration avec de véritables prestataires indépendants », a réagi Deliveroo auprès de l’Agence France-Presse (AFP), mercredi 2 juillet.
Un moindre mal alors que la plateforme britannique s’est reposée des années durant sur le flou entretenu par l’ubérisation du marché de la livraison. Pourtant présentés comme des travailleurs indépendants, les coursiers étaient soumis – illégalement, donc – à un régime de subordination. Entre le contrôle de leur temps de trajet ou de leurs pauses, via le GPS intégré à la plateforme, et la privation des protections offertes par le salariat, les livreurs devaient conjuguer avec le contrôle de Deliveroo, dont les membres pouvaient demander des comptes aux coursiers en cas de résultats jugés insuffisants.
Et ce, alors que ces travailleurs précaires pouvaient pédaler jusqu’à 80 heures par semaine pour seulement atteindre le SMIC. En 2022, le tribunal de Paris avait, en réaction à ce système répressif, infligé une amende de 375 000 euros à Deliveroo, le maximum prévu, lors du premier procès pénal en France de l’ubérisation.
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