Pour consommer local, suivez le guide des producteurs installés sur tout le territoire Provence Verdon

Être paysan, c’est quoi? "C’est être implanté sur son territoire, nourrir les gens, tisser des liens avec les autres producteurs, se rendre service, s’aider sur les circuits de distribution. C’est être connecté au vivant. C’est de la solidarité."
La réponse de Pauline Charpentier résume l’état d’esprit de la jeune femme, sa passion. "Ce n’est pas un travail, c’est un mode de vie." Nul doute, elle tient en haute estime la voie qu’elle a choisie d’emprunter, il y a dix ans. Comme elle, ils sont une centaine de producteurs à travailler la terre, s’occuper de leurs animaux, faire des fromages, du miel. Nombreux, ils le sont; discrets, ils le sont aussi, paraît-il. "Sur le terrain, on se rend compte que les gens ne savent pas qu’il existe un maraîcher, un éleveur, un céréalier, une ferme sur la commune qu’ils habitent et encore moins dans les villages voisins. Il y a clairement un manque de visibilité", rapporte Florence Bouville, chargée d’animer le Projet alimentaire territorial sur le vaste territoire de la communauté de communes Provence Verdon (CCPV).
77 producteurs recensésIl n’y aura plus d’excuse valable, maintenant, grâce au premier guide des producteurs édité par la collectivité, avec un petit coup de main sur le terrain de la Chambre d’agriculture. Le petit ouvrage est loin d’être exhaustif – une mise à jour est prévue tous les ans pour intégrer les nouveaux venus et ceux qui seraient passés à travers les mailles du filet. Le guide recense 77 professionnels pour montrer la diversité des produits locaux et promouvoir la vente directe.
Il est né d’une volonté politique de jouer la carte de la ruralité comme un atout, une force attractive. "Nous travaillons dessus depuis longtemps. C’est un outil pour aller à la rencontre de nos agriculteurs. Il est à destination des locaux, bien sûr, et des touristes qui sont très en demande", ajoute Hervé Philibert, président de la CCPV et maire de Ginasservis. C’est surtout un coup de projecteur sur ces femmes et ces hommes engagés qui font le territoire.
Plumes et légumesAu pied d’Esparron-de-Pallières, pas très loin de l’ancienne voie ferrée, se trouve le quartier des Poudadoux. C’est là que Pauline Charpentier plante ses tomates, courgettes, aubergines, melons et autre tagette, une plante sud-américaine qui entre dans la composition du kombucha. "C’est le vigneron d’Esparron, Mirko, qui se lance dans ce nouveau marché", s’enthousiasme Pauline. La collaboration avec les autres acteurs du territoire – elle fait partie de l’association des producteurs des Pallières –, c’est important pour elle. Ses produits, comme ceux des différents producteurs se retrouvent régulièrement dans les assiettes du restaurant Le Bistrot école d’Esparron. "Le chef sublime notre production, c’est une chance." Installée il y a un peu moins d’un an, la paysanne, comme elle aime se définir, a pensé son exploitation comme un cercle vertueux. "J’ai des ruches pour avoir les pollinisateurs sur place, des poules pour les œufs et je récupère le fumier qui apporte tous les nutriments aux plantes et au sol. En plus, les poules me débarrassent des ravageurs sur l’exploitation." Un modèle lourd de sens pour la maraîchère qui milite pour davantage de petites paysanneries. "On est complètement imbriqué dans le vivant. Tout ça, ça s’apprend, ça se respecte." Alors, c’est volontiers, que la jeune femme laisse les visiteurs jeter un coup d’œil à ses terres "pour recréer du lien avec les consommateurs."
Les chèvres de la cigaleCaroline Boudillon, éleveuse caprin à Fox-Amphoux, croit aussi en l’avenir de la vente directe. D’ailleurs, elle a installé une petite boutique sur son exploitation en plus d’être présente sur les marchés du coin. Elle a commencé petit avec dix chèvres. "J’ai repris le troupeau de chèvres de mon père."
À l’époque, Caroline traverse une mauvaise passe. C’était il y a environ cinq ans. "Mon père m’a dit: “Viens m’aider avec les chèvres “". Et là, c’est la révélation. "Je me suis tout de suite sentie bien avec les animaux". C’est décidé, à 52 ans, le pari est osé mais elle a maintenant une quarantaine de bêtes et ne manque pas d’idées pour essayer de nouvelles recettes. "J’ai testé les crèmes au chocolat et le riz au lait et ça cartonne!"
L’Oustaù vacavalMaxime Philibert, c’est l’enfant du pays et un ovni aussi. En choisissant l’élevage bovin il se démarque. "On en voit de plus en plus, rebondit-il. D’abord parce que les bovins sont plus indépendants et on est moins touché par la prédation."
Dans son modèle d’élevage, il n’y a pas de bâtiment. Ses vaches sont en pâturage huit mois par an, avec un complément en fourrage et en céréales les mois d’hiver en fonction du vêlage. Et elles passent quatre mois dans le Queyras. Une petite quarantaine de bêtes dont s’occupe seul Maxime, ce qui est parfois un peu sportif mais il voulait une activité complémentaire: "Je fais des prestations avec mes chevaux. Ça reste assez facile de lier les deux: même camion, même matériel, même clôture."
Maxime vend ses colis en précommande. "J’ai un portefeuille de 200 clients que je veux garder alors je les soigne", sourit-il. Le point noir: l’abattage. Un abattoir itinérant? "Envisageable pour les ovins, pas pour les bovins. On pourrait essayer de gérer un système de collecte mais c’est compliqué de tout mettre en commun.""C’est dur mais, ça vaut le coup"
De la plaine des Pallières à Fox-Amphoux, en passant par Saint-Julien-le-Montagnier, la communauté de communes Provence Verdon soutient ses producteurs dans le cadre du premier volet du Projet alimentaire territorial. Le guide fait partie des actions d’aide à la production locale. "C’est un outil pour le consommateur mais c’est aussi un support de communication pour les producteurs, explique Florence Bouville. La communauté de communes a également la volonté de lutter contre les friches agricoles." Car en reprise comme en création, avoir son lopin de terre c’est le parcours du combattant.
"J’ai eu de la chance, j’étais la seule à postuler pour cette terre proposée par la Safer", relève Pauline Charpentier. Mais même en ayant un terrain ou un bâtiment, comme Maxime Philibert et Caroline Boudillon, les démarches sont complexes et pas toujours bien expliquées. "J’ai été mal orientée, mal conseillée, regrette l’éleveuse. L’administratif, c’est un calvaire."
D’autant que ce n’est pas le seul obstacle à franchir. "Il faut se former, c’est obligatoire, mais il faut faire ses preuves, montrer qu’on est motivés, sérieux. Faire connaître son projet, c’est la clé. Mais il faut gagner sa légitimité, poursuit Pauline. Je ne suis pas de la région ni du monde agricole et je suis une femme. Mine de rien, ce sont des freins à lever."
Une fois l’accès à l’eau réglé, les subventions accordées "je ne vais pas dire que c’est facile. C’est difficile mais ça vaut le coup".
Var-Matin