Qu’est-ce que la dermatose nodulaire, maladie détectée en Savoie ayant entraîné l’euthanasie de cheptels entiers de vaches ?

Par Le Nouvel Obs avec AFP
Une vache laitière dans une ferme dans le département de la Loire. Photo d’illustration. ROMAIN DOUCELIN / HANS LUCAS VIA AFP
« C’est sûr qu’on va y passer » : ses vaches sont vaccinées ce samedi 19 juillet contre la dermatose nodulaire qui prospère dans les deux Savoie, mais Benoît Mugnier, éleveur, redoute l’euthanasie de son cheptel si un cas est détecté, une épreuve déjà subie par d’autres éleveurs. Où a été découvert le premier cas ? Que sait-on de la maladie ? « Le Nouvel Obs » récapitule la situation.
Où a été découvert le premier cas ?Après l’apparition d’un premier cas en Italie, le 20 juin en Sardaigne, c’est la commune de l’éleveur, à Entrelacs, que le premier cas de cette maladie contagieuse touchant les bovins et non transmissible à l’homme a été détecté le 29 juin, avant que celle-ci ne se propage rapidement.
Au 17 juillet, 27 foyers ont été répertoriés en Savoie (17 pour la seule commune d’Entrelacs) et Haute-Savoie (10 sur 4 communes différentes).
Que sait-on de la maladie ?Maladie virale, la dermatose nodulaire (DNC), n’affecte que les bovins, buffles et zébus et se transmets par les insectes piquants (mouches piqueuses ou taons qui se nourrissent du sang des bovins). « Les insectes piqueurs peuvent se déplacer sur plusieurs kilomètres et disséminer le virus en piquant des bovins », indique le ministère de l’Agriculture.
Elle conduit à « des pertes de production importantes » qui peuvent aller « jusqu’à la mort d’une partie du cheptel infecté » (environ 10%), explique le ministère de l’Agriculture. La maladie provoque notamment fièvre, chute de lactation, hypertrophie des ganglions lymphatiques et nodules sur la peau et les muqueuses. Elle « peut entraîner une réduction temporaire de la production laitière, une stérilité temporaire ou permanente chez les taureaux, des dommages aux peaux et, parfois, la mort », ajoute l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA).
« La DNC est terriblement douloureuse. Les animaux sont en grande souffrance. Ils ne peuvent plus manger ni boire », décrit la vétérinaire Stéphanie Philizot auprès du site Reporterre.net.
Elle n’est, heureusement, pas transmissible à l’homme, « ni par contact avec des bovins infectés, ni par la consommation de produits issus de bovins contaminés, ni par piqûres d’insectes vecteurs », assure le ministère de l’Agriculture.
Normalement, la dermatose nodulaire contagieuse bovine n’est présente qu’en Afrique subsaharienne et en Asie. Mais elle a été détectée depuis 2023 en Afrique du Nord, ainsi qu’observée dans les Balkans, ainsi qu’en Grèce et en Bulgarie à la fin des années 2010, détaille encore le site du ministère. « Elle avait pu être éradiquée de cette zone grâce à une campagne de vaccination. »
Quelles actions de l’Etat ?Pour limiter la propagation, l’Etat a décrété l’euthanasie systématique de tout troupeau comptant une vache malade, suscitant colère et protestation chez des éleveurs concernés et une partie du monde agricole. A Entralacs, sur des hauteurs verdoyantes donnant vue sur les Alpes, Pierre-Jean Duchêne, dont l’exploitation a été touchée par deux cas, refuse l’euthanasie de 70 de ses vaches, une mesure qu’il juge « drastique ».
Des tracteurs et des véhicules décorés de banderoles « Stop aux massacres », « Vaches gardées, paysans sauvés » bloquent tous les accès à sa ferme, où éleveurs, voisins et amis se relaient en nombre pour le soutenir depuis une semaine. « On n’est pas là pour se battre contre l’État, on est là pour essayer de défendre nos troupeaux », insiste l’éleveur de 28 ans, repreneur de l’exploitation familiale, pour qui la « lutte » doit rester « calme ».
Mercredi, la préfète de la Savoie Vanina Nicoli a condamné des « actes d’intimidation » à l’encontre des services vétérinaires sur deux exploitations et dénoncé des blocages « irresponsables » qui « participent à la propagation de la maladie ». Mais il n’y a pas eu de « développement sur d’autres animaux à ce jour », argue Pierre-Jean Duchêne, qui attend inquiet les résultats des tests sur deux vaches pour, il l’espère, prouver la bonne santé du troupeau. En attendant, toutes sont « confinées » depuis trois semaines dans une grande étable équipée de ventilateurs. L’agriculteur reproche aux services de l’Etat de ne pas avoir anticipé la maladie, déjà apparue ailleurs en Europe.
En parallèle, les autorités vont désormais vacciner quelque 285 000 bovins dans le sud-est de la France. « Le maximum de doses disponibles » a été commandé auprès de la banque de vaccins de l’Union européenne afin de faire face à l’épizootie et ils sont « en cours de distribution », a indiqué le ministère dans un communiqué. Ces doses de vaccins, prises en charge par l’Etat, permettront de vacciner des bovins dans des rayons de 50 kilomètres autour des foyers déclarés, dans quatre départements : la Savoie, la Haute-Savoie, l’Ain et l’Isère.
L’Etat doit indemniser les propriétaires d’animaux euthanasiés et prendra en charge l’élimination des carcasses en cas d’abattage de bovins, selon un arrêté publié au Journal officiel vendredi.
Les vaches devront toutefois atteindre 21 jours avant que la protection fasse totalement effet. Ce qui laisse peut d’espoir à Benoît Mugnier... Avec des mouches et des taons nombreux dans son étable, et sans possibilité d’installer un système de ventilation, il l’assure : « C’est sûr qu’on va y passer, on est cuits ».
Si un cas est détecté entre-temps et le met « au pied du mur », « je ne sais pas comment je vais réagir, je n’en sais rien », admet l’éleveur de 36 ans, qui vit de son atelier de transformation de lait.
Quelle est la position des syndicats ?« C’est évidemment extrêmement douloureux » car « c’est un travail de plusieurs générations qui s’en va », a réagi sur place Stéphane Gallel, porte-parole de la Confédération paysanne, 3e syndicat de la profession, qui dénonce les abattages systématiques. Plusieurs de ses membres se relaient dans deux fermes pour faire barrage aux abattages.
La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), qui fait partie du réseau de la FNSEA, a salué de son côté une décision « responsable », l’euthanasie totale restant la stratégie la plus « efficace » pour enrayer l’épizootie selon le syndicat.
Par Le Nouvel Obs avec AFP
Le Nouvel Observateur