Réforme de l’audiovisuel public : les débats s’enlisent au Sénat avant les vacances parlementaires, Dati dans le viseur

Par Le Nouvel Obs avec AFP
Rachida Dati sur les bancs du Sénat, lors des débats sur la réforme de l’audiovisuel public et la souveraineté audiovisuelle, le 10 juillet 2025. STEPHANE LEMOUTON/SIPA
La réforme de l’audiovisuel public s’enlise au Sénat : la gauche, hostile au projet soutenu par Rachida Dati, a entrepris de ralentir l’examen de ce texte, ciblant le « passage en force » de la ministre alors que les travaux parlementaires doivent être suspendus ce vendredi 11 juillet au soir pour l’été.
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Suspensions de séance à répétition, rappels au règlement, motions de rejet préalable, invectives en pagaille… En plus de huit heures de débats à la chambre haute, où l’ambiance est habituellement bien plus policée, les sénateurs ont à peine démarré l’examen de l’article premier de cette proposition de loi, qui vise à rassembler en une seule holding France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA.
Les trois groupes de gauche ont en effet usé de nombreux points du règlement du Sénat, causant un net ralentissement des débats en seconde lecture. Ils sont outrés que le gouvernement ait inscrit ce texte à l’ordre du jour du Sénat au pas de charge et à la dernière minute, après son rejet à l’Assemblée nationale fin juin. « Ce passage en force ne nous permet pas d’examiner dans de bonnes conditions ce texte », a fulminé la sénatrice socialiste Sylvie Robert. « L’audiovisuel public a un avenir. Il n’a pas à être sacrifié par la mascarade gouvernementale », a repris la cheffe des sénateurs communistes Cécile Cukierman.
Cette accélération du calendrier pouvait permettre à l’exécutif d’envisager sereinement une adoption du texte à la chambre haute, où il est soutenu par la majorité droite/centre, voire une adoption définitive à l’automne, après un nouveau passage devant les députés.
« Obstruction »Mais avec encore 300 amendements à examiner ce vendredi, les heures de débats risquent de manquer pour aller au bout avant le week-end… A moins que le gouvernement ou les soutiens de la réforme n’utilisent certaines armes constitutionnelles ou législatives à leur disposition pour accélérer la discussion, ce que plusieurs sources parlementaires ont évoqué du bout des lèvres.
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Les représentants de la majorité sénatoriale ont fustigé « l’obstruction » de la gauche. « Nous dénonçons ce climat et l’attitude de nos collègues, qui ont décidé de ramener au Sénat les méthodes de l’Assemblée nationale », s’est désolé auprès de l’AFP le patron du groupe centriste Hervé Marseille.
Le sénateur Laurent Lafon (UDI), qui est l’auteur de cette proposition de loi d’origine sénatoriale, s’est dit prêt, de son côté, à siéger si nécessaire jusqu’à « samedi, dimanche et les jours suivants », pour mener les débats à leur terme.
A ce stade néanmoins, il n’est « pas prévu » que la session parlementaire extraordinaire aille au-delà de ce vendredi soir à minuit, la date fixée par le gouvernement, a indiqué à l’AFP une source gouvernementale en fin d’après-midi. Le gouvernement a en effet la main sur le calendrier, qu’il peut en théorie encore prolonger s’il le souhaite.
« Vous vous attaquez à ma personne »Dans le viseur de la gauche : la ministre de la Culture, Rachida Dati, qui a repris à son compte cette réforme conçue par le Sénat et plaide depuis des mois pour que « l’audiovisuel public se batte à armes égales pour répondre aux enjeux qui sont face à lui », selon ses mots devant les sénateurs.
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« Vous vous attaquez à ma personne, souvent de manière très indigne », a martelé jeudi la ministre à l’adresse de la gauche. « C’est une chose, mais l’intérêt général, nous en sommes tous comptables. C’est le seul combat qu’il faut mener pour préserver l’audiovisuel public », a-t-elle ajouté, avant de rester silencieuse pendant l’essentiel des débats, malgré quelques passes d’armes et autres invectives.
Le tout dans un hémicycle quasiment vide, avec des rangs plus souvent garnis à gauche qu’à droite, obligeant les Républicains à demander de chronophages scrutins publics électroniques, qui leur permettent de voter pour les absents pour s’assurer des votes favorables.
Cette désertion a par ailleurs permis à la gauche d’obtenir une heure de suspension de séance, en l’absence du quorum nécessaire au vote. Les oppositions ont aussi promis de saisir le Conseil constitutionnel si le texte venait à aboutir.
Finalement, une seule mesure marquante aura été votée dans la soirée : France Médias Monde, la branche extérieure de l’audiovisuel (France 24, RFI…), a été exclue de la future holding, ce que souhaitait le gouvernement.
Par Le Nouvel Obs avec AFP
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