Start-up GenF en Gironde : comment Thales pilote le nucléaire de demain

Champion du monde des lasers haute puissance Thalès installe, au Barp (33) la start-up GenF qui a pour mission de mettre au point et industrialiser un réacteur à fusion nucléaire par confinement inertiel. Une technologie qui pourrait tout changer à l’horizon 2050
« C’est plus qu’une start-up, c’est la première étape de la production industrielle d’une énergie sûre et très peu polluante ». Cette phrase n’est pas extraite du « pitch » présentation courte et dynamique d’un jeune entrepreneur de la tech en recherche d’investisseur, mais de l’introduction d’Alexis Morel, vice-président en charge des activités optroniques, électroniques de missile et laser de Thales, au moment d’installer, au Barp en Gironde, une partie de l’équipe de GenF, la start-up qui a, excusez du peu, vocation à révolutionner la production de l’électricité.
Quatre fois plus d’énergieGenF, qui mobilise une dizaine de chercheurs et ingénieurs à ce jour, mais pourrait en compter une trentaine en 2027, a pour mission de passer du projet de recherche Taranis (Dieu Celte de l’orage. NDLR) porté par Thales, par ailleurs acteur majeur de l’autre production nucléaire, celle de la fission, le CNRS, le CEA et l’école Polytechnique de fusion nucléaire par confinement inertiel, à la mise au point et à la production de réacteurs utilisant cette technologie qui permet, grâce à un « bombardement » au laser d’un combustible, le Deutérium, facilement disponible et, parce qu’il sera porté à une température de 100 millions de degrés Celsius, pourra générer quatre fois plus d’énergie, à charge de combustible égale, que la fission nucléaire.

P.R
Une mise au point qui pourrait être considérablement accélérée par la proximité immédiate du laser Mégajoule (LMJ) du CEA, installé au Barp (33) qui est, à l’heure actuelle, le plus puissant laser au monde dédié aux applications militaires.
« La concurrence existe, on parle même d’une « ruée vers la fusion ». Mais si une dizaine d’acteurs planchent sur cette technologie, la proximité d’avec le laser Mégajoule et du LMJ Petal, sa déclinaison civile inaugurée en 2015 et voulue par le Conseil Régional, constituent pour nous un atout concurrentiel et nous donne de l’avance. Nous sommes présents à Palaiseau (91, NDLR) et ici où nous allons contribuer à faire émerger, à l’horizon 2028, un véritable “fusion hub”, un groupement d’entreprises expertes du secteur de la fusion nucléaire. Ici, dans un périmètre réduit, on va concentrer les expertises autour de la technologie laser, l’Intelligence Artificielle, la technologie cryogénique… Tout ce dont le projet à besoin pour passer de l’expérience à l’industrialisation » explique Yann Gérard, Président de GenF.
Une « avance » qui repose sur le fait que les travaux des chercheurs et ingénieurs du GenF pourront être éprouvés par les installations du LMJ. « À partir de 2027, nous devrions avoir mis au point le jumeau numérique du réacteur et lancer la première expérimentation, le développement technologique nous mobilisera jusqu’en 2035. Nous allons pouvoir commencer la commercialisation dès 2040 et les premiers Mégawatts pourraient être produits à partir de 2050 via un réacteur qui nécessitera plusieurs centaines de millions d’euros d’investissement pour sa mise au point » précise Yann Gérard.
Concernant ce projet, la bonne question c’est : A-t-on le choix de faire l’impasse (Alain Rousset)
En attendant, accompagné par Thales, le plan de relance France 2030, la Région Nouvelle-Aquitaine, le projet Taranis de GenF dispose - avant une levée de fonds sans doute équivalente qui devrait se boucler en fin d’année sous la houlette du fonds européen Exergon — d’un budget de 18,5 millions d’euros apportés par Thales et le plan de relance industrielle et technologique France 2030. Taranis met en avant une nouvelle forme de fusion nucléaire qui générera 1 million de fois moins de déchets radioactifs que la fission nucléaire, des déchets qui peuvent être éliminés beaucoup plus vite également. « L’efficacité de la fusion par confinement inertiel permettra, à partir d’une production de 1 000 Mégawatts, de proposer un prix de vente en dessous de 100 dollars le MGW, ce qui est très compétitif » assure Alexis Morel.
« À terme, l’objectif c’est de répondre par une solution souveraine, à des besoins en forte hausse, d’électricité, on parle d’un doublement des besoins à l’horizon 2030, tout en s’émancipant des énergies carbonées » renchérit ce dernier. « Concernant ce projet la seule bonne question à se poser c’est : A-t-on le choix de faire l’impasse ? Les grands acteurs que sont la Chine d’un côté et les États-Unis de l’autre s’autonomisent sur le plan énergétique, nous ne pouvons dépendre d’eux pour notre avenir énergétique » concluait Alain Rousset, Président de la Région Nouvelle-Aquitaine, lors de l’installation officielle de GenF au Barp.
SudOuest