Adèle Gay, l'espoir qui a fait tomber Agathe Guillemot sur le 1 500 m des Championnats de France

C'est un dénouement qu'on n'avait pas vu venir. Alors que Gabriel Tual venait déjà de se faire détrôner sur 800 m, une autre taulière du demi-fond national se faisait déposséder de son bien. Mais, alors que Tual devait gérer une préparation un peu perturbée et une densité féroce, Agathe Guillemot semblait avoir toutes les cartes ce samedi à Talence pour enchaîner un troisième titre national sur le 1 500 m en plein air, tant la Bretonne domine l'hexagone depuis trois saisons. Mais c'était sans compter sur la fougue et les rêves d'une jeune athlète de 20 ans.
Pour les férus d'athlétisme et surtout de demi-fond, Adèle Gay n'est pas une totale inconnue. Sélectionnée à plusieurs reprises en équipe de France jeunes, elle venait de glaner la médaille d'argent aux Championnats d'Europe espoirs de Bergen (Norvège) avant d'arriver à Talence dans la peau de celle qui n'avait rien à perdre. Et ça tombait bien car en face, elle avait du lourd en la personne d'Agathe Guillemot qui avait besoin d'un challenge un peu plus costaud que de seulement attendre et gagner. La Bretonne voit loin et grand et voulait se servir de cette course pour prendre des risques en partant fort, sans contrôle et voir jusqu'où ça irait.
Évidemment, vu son record personnel - qui est aussi le record de France (3'56''69) - elle se pensait tout de même à l'abri avec une course suicide, les suiveuses devant bien lâcher à un moment. Mais le record à 4'07''00 de Gay était trompeur. Croisé dans l'après-midi dans les travées d'un stade de Thouars bondé et joyeux, son entraîneur à Amiens Pascal Machat nous avait lâché que sa coureuse valait mieux. Elle l'a démontré quelques minutes plus tard en s'accrochant à la foulée puissante de Guillemot avant de l'attaquer à l'entame de la dernière ligne droite pour décrocher son premier titre national chez les grandes (4'04''12 contre 4'04''49).
Le plus gros progrès de cette année, c'est son approche mentale des compétitions. Ce n'est pas une tueuse née. Aujourd'hui, elle devient tueuse à gage »
Pascal Machat, entraîneur d'Adèle Gay
Un temps canon, synonyme de record de France espoirs (ex-record par Florence Giolitti en 4'05''78 en 1987) et surtout d'un talent qui ne fait que se confirmer. « Elle a été formée à Val-de-Reuil (Eure) par l'entraîneur de Fanta Fofana (ex-internationale jeunes sur 800 m), Jean-Claude Hurel, explique Pascal Machat. Elle est arrivée sur la section sportive (du lycée de la Hotoie à Amiens) il y a quatre ans. C'est un talent. Elle a perdu un peu de temps en cadettes mais c'est une gamine qui avait fait 2'56 en minimes au 1 000 m. C'est une courageuse à l'extrême, une crème à entraîner. »
À Amiens, la Normande a trouvé un groupe où la mayonnaise a pris depuis plusieurs années et où on retrouve également l'international jeune sur 800 m, Yanis Vanlanduyt. « Je fais une licence en sciences sociales à côté du sport, expliquait après sa course la nouvelle championne de France. Je mène un double projet. J'ai un super groupe d'entraînement sur Amiens. Je suis en 3e année que je fais en 2 ans. Ça me libère du temps pour pouvoir doubler et augmenter les entraînements (9 par semaine). »
« Elle a 20 ans, c'est jeune, prolonge Machat qui a déjà connu le haut niveau il y a 20 ans quand il avait fait éclore Antoine Martiak, ex-international sur 800 m. Elle est extrêmement forte dans le domaine foncier. Au seuil, elle est à plus de 18,5 km/h. Elle peut faire 15x400 m en 1'08 en VMA. Elle a de grosses qualités. Il faut qu'elle gagne encore en force. Le plus gros progrès de cette année, c'est son approche mentale des compétitions. Ce n'était pas une tueuse née. Aujourd'hui, elle devient tueuse à gage. Pour gagner des médailles, il faut commencer par y croire soi-même pour augmenter la probabilité de le faire. »
Exactement comme elle fait ce samedi pour éliminer une Guillemot pourtant très costaude dans le corps et la tête. « Je m'entraîne beaucoup sur des bases rapides et je savais que je pouvais faire mieux que 4'07, lâchait Gay. Il me fallait la bonne course. Le faire, ça montre que les entraînements paient. » Et surtout ce titre lui ouvre les portes de tous les rêves. « Avant, les moins de 4'on avait l'impression que c'était impossible mais de voir les autres le faire (Agathe Guillemot, Sarah Madeleine), on se dit qu'on n'est pas si loin. On voit chez les espoirs que les chronos ne font que descendre. Ça pousse tout le monde vers le haut et j'espère que ça va booster aussi Agathe vers les 3'55 ou moins. »
De retour à Font-Romeu dès ce dimanche, Guillemot aura besoin de quelques jours pour digérer comme elle l'a avoué après la course. Mais c'est évident que cet accroc ne restera pas sans lendemain, pour celle qui annonce depuis le début de saison vouloir joueur avec les meilleures du monde. Pour Gay, aussi, il y aura un avant et un après Talence. Et il paraît bien probable que ces deux-là se recroisent régulièrement dans les prochaines saisons.
L'Équipe