«Mon silence a été acheté» : nouvelles révélations sur le passé lié au dopage de Mauro Gianetti, le manager de Pogacar
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Ploc-ploc. C’est le doigt qui tapote la seringue. Régulièrement, le passé sulfureux de Mauro Gianetti, manager du triple vainqueur du Tour, le Slovène Tadej Pogacar, est ranimé, à l’aune de portraits dans la presse. C’est le cas ce vendredi 27 juin, à une semaine du début du Tour de France, avec une enquête de Radio France. Le peloton, lui, ne moufte jamais devant ce personnage à la tête de la puissante UAE Team Emirates, ce qui fait dire à Gérard Guillaume, ancien médecin de la Française des jeux : «Comment voulez-vous qu’on soit crédible dans la lutte anti-dopage quand on prend comme manager des gens dont toute la carrière a été salie par le dopage ?»
Ce qui n’est pas tout à fait vrai : lors de sa première partie de la carrière, Mauro Gianetti est un coureur du peloton au palmarès modeste, et de ce fait, qu’on ne suspecte pas de prendre des produits. Les succès de prestige s’enchaînent à partir de 1995, au moment de sa signature dans l’équipe italienne Polti, quand il remporte coup sur coup et sans crier gare Liège-Bastogne-Liège et l’Amstel Gold Race. La période est réputée pour la banalisation de l’usage de l’EPO dans le peloton. En 1998, l’histoire est connue, le Suisse prend le départ du Tour de Romandie, et lors de la troisième étape, il tombe raide en grimpant le col des Planches, dans le canton du Valais. Direction l’hôpital. Mauro Gianetti, qui n’a pas encore le crâne archi-lisse, passe à un cheveu de la mort.
L’homme, en apprenti druide, s’est injecté du perfluorocarbone (PFC) directement dans les veines. Cette confession figure dans son dossier médical, comme le rapporte Radio France, qui précise que le PFC n’étant pas soluble dans le sang, l’ancien coureur l’a dilué avec un émulsifiant. Deux médecins du CHU de Lausanne – qui n’ont pas soigné Gianetti – portent plainte contre X et la justice ouvre donc une enquête pour «lésions corporelles graves» et «mise en danger de la vie d’autrui». Dans cette procédure, Gianetti demande le statut de victime pour avoir accès au dossier et aux dépositions des témoins. Ce qui fait dire à une source judiciaire, interrogée par Radio France, qui a notamment rencontré le juge d’instruction chargé de l’enquête : «Il y avait de sa part une volonté de dissimuler les choses. Clairement, il voulait rentrer dans la procédure pour savoir qui avait témoigné contre lui.»
Dans le même temps, Gianetti poursuit les deux médecins du CHU de Lausanne et leur réclame des commandements de payer (3 millions de francs suisses pour l’un, 900 000 pour l’autre), une spécificité du droit suisse, sorte de dommages et intérêts réclamés quand un particulier s’estime lésé. Une épée de Damoclès financière dans la vie des médecins qui finissent par accepter de négocier avec Gianetti. «J’ai dû m’engager en échange à ne plus jamais parler en public de cette personne et je m’y tiens», explique l’un à Radio France, sans citer le nom de Gianetti. «On peut dire que mon silence a été acheté. C’est le privilège de certaines personnes qui ont un certain pouvoir. Ils ont la possibilité de faire taire n’importe qui, n’importe comment.»
La suite de la carrière de Gianetti ? Manager chez Saunier-Duval, entreprise de chaudières, il verra son coureur Riccardo Ricco chassé du Tour de France 2008 après des performances mirifiques (et, il est entendu, un contrôle positif à l’EPO). Rien qu’un nouvel et petit accroc dans la vie sportive du Suisse, qui, dix ans plus tard, rebondira, en atteignant enfin les hauteurs espérées (trois Tours de France avec Pogacar) chez les Emiratis d’UAE.
Libération