Pauline Ferrand-Prévot bien partie pour remporter le Tour de France femmes 2025 après avoir croqué la Madeleine

Le col de la Madeleine. 18,6 kilomètres d’une montée raide, irrégulière, en bord de falaise, pour un dénivelé total de 1 500 mètres et une arrivée au sommet. Voilà le terrain de jeu qu’offrait ce samedi 2 août le Tour de France 2025 pour qu’enfin, après sept jours à se regarder du coin de l’œil et à jouer des coudes pour quelques secondes de bonifications, les meilleures coureuses du monde montrent ce qu’elles avaient vraiment sous le capot. Et sur les routes alpines, l’une en avait beaucoup plus que les autres : Pauline Ferrand-Prévot.
La Française de 33 ans n’a pas seulement remporté la première étape de sa carrière sur la Grande Boucle. Elle a tout simplement écrasé la course, repoussant ses rivales, Demi Vollering et Katarzyna Niewiadoma, les deux dernières vainqueures du Tour, à plus de trois minutes. Un gouffre que les deux coureuses devraient avoir le plus grand mal à combler ce dimanche 3 août lors de la dernière étape. A moins d’un énorme coup de mou, Pauline Ferrand-Prévot devrait remporter dimanche son premier Tour de France.
Son succès, la Française l’a construit patiemment. Toute la première semaine de course, on l’a senti en forme, avec des jambes qui parfois la démangeait. Dès la première étape, elle s’est retrouvée seule, à 500 mètres de la ligne. La championne olympique de VTT devait jouer les poissons pilotes pour sa coéquipière de luxe, la légende néerlandaise Marianne Vos. Mais à trop appuyer sur les pédales, elle avait lâché tout le monde, même celle qu’elle devait emmener au succès. Tout était rentré dans l’ordre et Vos avait fini par la croquer sur la ligne. Mais tout le peloton y avait vu un sacré avertissement.
Les jours d’après, Pauline Ferrand-Prévot s’était contentée de suivre, d’éviter les chutes et de gratter des bonifications quand elle en avait l’occasion. Jeudi, elle disait même s’être «cachée» toute la journée pour se préserver pour les Alpes. Vendredi, alors que le maillot jaune lui tendait les bras, elle avait laissé la Mauricienne Kim Le Court lui revenir dessus dans la descente finale, façon disait-elle d’éviter les lourdeurs de la tunique dorée et du protocole qu’elle impose (passage sur le podium puis devant les caméras). On ne savait pas s’il fallait y voir du bluff sur son état de forme ou une réelle façon de vouloir tout calculer et optimiser, à commencer par là récupération.
Ce samedi, dès que la route s’est raidie, on a vite compris qu’il fallait pencher pour la deuxième option. Alors que le peloton n’était plus composé que d’une quinzaine de coureuses à 10 bornes de l’arrivée, Pauline Ferrand-Prévot s’est accrochée à la première attaquante, la grimpeuse australienne Sarah Gigante. Voyant que les autres favorites ne suivaient pas, la Française en a remis une couche, puis plusieurs, avalant Gigante, les quelques échappées du matin qui étaient encore devant, pour ouvrir la route seule sur les sept derniers kilomètres. L’écart n’a cessé de grimper jusqu’à l’arrivée. Pauline Ferrand-Prévot a franchi la ligne avec 1 minute 45 d’avance sur l’Australienne et plus de trois minutes sur les autres favorites du Tour. Après coup, elle expliquera avoir pris la montée comme une course de VTT, en faisant tout pour s’approcher de sa «zone rouge» sans «jamais la dépasser». Facile quand la sienne est particulièrement élevée.
Il y a un an, au lendemain d’un titre olympique sur la colline d’Elancourt, le seul qui lui avait encore échappé dans sa carrière de VTTiste, Pauline Ferrand-Prévot avait expliqué vouloir faire son retour sur la route. La championne du monde 2014 ne le faisait que dans un seul et unique objectif : celui de remporter le Tour de France, cette course qui la faisait rêver petite et qui n’existait pas quand elle était encore dans le peloton (la Grande Boucle féminine a fait son retour en 2022).
Ce samedi soir, la Rémoise touche son rêve du doigt. Dimanche après-midi, elle portera pour la première fois le maillot jaune en course. Et si elle ne craque pas dans une étape encore sacrément vallonnée (1) dans les Alpes, elle sera la première française à inscrire son nom au palmarès du Tour de France depuis Jeannie Longo, en 1989 chez les femmes, et Bernard Hinault, en 1985 chez les hommes. En août dernier, Pauline Ferrand-Prévot s’était donné trois ans pour accomplir une telle prouesse. Il ne lui en aura peut-être fallu qu’un.
(1) 124 kilomètres entre Praz-sur-Arly et Châtel-les Portes du Soleil avec deux cols de 1ère catégorie et un hors-catégorie (Joux-Plane)
Libération