Pourquoi Bernard Sainz a été relaxé des accusations d'aide et incitation au dopage

Une semaine après la condamnation en appel du naturopathe Bernard Sainz (82 ans) à deux ans de prison dont un avec sursis (la réquisition était de quatre ans) pour exercice illégal de la médecine, en récidive, et exercice illégal de la pharmacie, mais aussi et surtout sa relaxe en ce qui concerne l'aide et l'incitation des sportifs à l'utilisation de substances ou méthodes interdites, entre 2013 et 2017, L'Équipe a pu consulter les attendus qui éclairent le pourquoi d'un délibéré qui a semblé ravir tous les avocats.
« Les dénégations réitérées ne sauraient réduire à néant les nombreux éléments concordants », énonce le jugement. En revanche, « le faisceau d'indice » n'a pas suffi pour qualifier l'infraction autour du dopage. Les magistrats disposaient de nombreux éléments, à savoir un livre "le cycliste masqué", où son nom n'apparaissait pas clairement, quatre articles du Monde, l'émission de télévision Cash Investigation, et l'enquête de police, avec écoutes, filatures, perquisitions et interrogatoires. Pièce majeure de l'accusation, des échanges, en caméra cachée, entre Bernard Sainz, alias « Docteur Mabuse » nonobstant son absence de diplôme, et trois cyclistes, dont Peter Pouly et Pierre-Henri Lecuisinier.
Avec Pouly, cycliste sur le retour qui prépare un exotique Championnat de VTT, Sainz prononce la phrase « tu vas faire du kénacort » (un corticoïde). Avec Lecuisinier, qui voulait se refaire une santé pour Paris-Camembert, Sainz parle de « seringue » et de « flèches ». Des fiches, avec des lettres codées, sont également échangées. L'avocat du prévenu, Hector Bernardini, avait longuement plaidé « le défaut de caractérisation des substances ou procédés interdits. »
Mais c'est avant tout sur la méthode employée par Cash Investigation, et sa fameuse caméra cachée que s'appuie le jugement : « Outre que ces conseils (ceux de Sainz) sont extrêmement vagues, la cour considère que les témoignages de Messieurs Pouly et Lecuisinier sont sujets à caution », lit-on dans le jugement.
Les magistrats ajoutent : « Ces derniers ont été contactés en février 2016, aux fins de participer à l'émission Cash Investigation par leur entraîneur Mr Vayer, également co-auteur du livre Je suis le cycliste masqué. L'objectif selon Mr Vayer était de "coincer" Sainz sur le dopage. (...) Les journalistes leur avaient conseillé de faire comme s'ils se trouvaient en possession de produits dopants et de faire parler Sainz à ce sujet. Enfin l'expertise de l'enregistrement de l'émission a été refusée par le magistrat, la Cour ne dispose d'aucun élément attestant du caractère complet de l'enregistrement des rencontres. » C'est donc la pièce principale du dossier qui n'a pas été considérée.
Bernard Sainz, très souvent inquiété autour du dopage depuis un demi-siècle, condamné sur ce chef une fois en 2014 pour « aide et usage de produits dopants », continue donc d'évoquer « des rumeurs malfaisantes. » Il a néanmoins été condamné définitivement à l'interdiction d'exercer toute activité sportive ou sociale en lien avec le sport et la santé... Pour une fois, lui qui a l'habitude des interminables combats judiciaires, ne devrait pas faire appel.
L'Équipe