Roland-Garros 2025 : Lois Boisson, l'éclosion pas si inattendue d'une spécialiste de la terre battue

La jeune Française est devenue la deuxième joueuse titulaire d'une wild-card à se qualifier pour les quarts de finale porte d'Auteuil.
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Un coin de ciel bleu pour le tennis féminin tricolore, et un éclair sur la terre battue parisienne. Révélation de Roland-Garros, la Française Lois Boisson dispute, mercredi 4 juin, le premier quart de finale de sa carrière en Grand Chelem, pour sa première participation à un tableau principal, deux jours après avoir écarté de sa route la numéro 3 mondiale. Une éclosion qu'attendaient ceux qui la connaissent, elle qui semble programmée pour performer sur terre battue.
Car la Dijonnaise, invitée inattendue à ce stade du tournoi, performe depuis le début de la quinzaine sur sa surface de prédilection. "Quand j'étais jeune, j'ai beaucoup joué sur cette surface. Mon style de jeu va bien avec. C'est là que je me sens le mieux", expliquait-elle ainsi après sa retentissante victoire contre Jessica Pegula, lundi. "Elle a un jeu typique terre battue [...] Quand elle a la balle pour attaquer, elle y va, quand elle doit être patiente, elle l'est. On voit qu'elle a vraiment grandi sur cette surface", salue Arnaud Clément, ancien top 10 mondial et consultant franceinfo: sport.
Pour Laurent Rochette, ancien top 200 mondial et proche de Florian Reynet, l'entraîneur de Lois Boisson, sa jeunesse sur la surface et l'inspiration de Rafael Nadal ont participé à développer son jeu, parfaitement adapté à l'ocre. "De ce que j’ai compris, c’est un mix d’avoir grandi sur terre battue et d'idolâtrer Nadal, donc je pense qu’elle a commencé à vouloir gratter la balle très fort comme lui. Pour le faire, il faut du physique et des intentions de jeu spécifiques, et elle les a développées depuis qu’elle est petite", décrypte-t-il. Son développement a notamment concerné ses qualités physiques, nécessaires pour bien figurer sur terre battue.
"Elle a cette envie de gratter la balle depuis toujours, et pour gratter la balle, il faut que ça tienne physiquement. Sur terre battue, c’est impossible de gratter fort la balle sans avoir de caisse physique."
Laurent Rochette, ancien top 200 mondial et entraîneurà franceinfo: sport
"Elle est très athlétique et elle bouge extrêmement bien, ça reste une surface sur laquelle appréhender les glissades, elle le fait très bien, ça aide beaucoup", abonde Justine Hénin, sept fois vainqueure en Grand Chelem et consultante France Télévisions, pour qui la dimension athlétique est ce qui rend Lois Boisson particulièrement performante sur la surface.
Face à Jessica Pegula, la joueuse de 22 ans a impressionné par la puissance de son coup droit, puissant et lifté, qui lance une rotation de balle à plus de 3 000 tours par minute, et dans lequel on perçoit l'influence du Majorquain, victorieux à 14 reprises à Paris. "Elle a un vrai coup droit de terre battue, un peu comme certains joueurs espagnols, avec une balle qui gicle", assurait Guy Forget à l’AFP, comparant également son jeu à celui de Lorenzo Musetti. Un secteur de jeu également mis en valeur par Justine Hénin : "Elle a un coup droit plutôt atypique dans le tennis féminin et sur terre battue, où elle a un peu plus de temps pour s’ancrer dans le sol et pouvoir déployer sa puissance, utiliser ses trajectoires, là ça gicle et ça fait mal côté coup droit." Mais la championne belge mentionne aussi "son slice" qui "rend son jeu assez complet".
Car en plus de sa puissance athlétique et de son coup droit, Lois Boisson a aussi montré de la variété dans son jeu, qui a posé de nombreux problèmes à ses adversaires depuis son entrée en lice. "Quand on change le rythme, c’est ça qu’il faut imaginer, la balle ne va plus arriver dans le même timing, votre placement ne va plus être le même, la hauteur de la balle va être différente aussi, et ça, pour des joueuses qui aiment jouer en cadence, le type de jeu de Boisson pose beaucoup de problèmes", décode Justine Hénin. Une impression confirmée par Arnaud Clément : "Son jeu est terriblement embêtant pour ses adversaires, on le voit, ses balles bombées, ses trajectoires beaucoup plus arrondies."
Sous le feu des projecteurs avec son parcours remarquable, Lois Boisson connaît enfin son heure de gloire auprès du grand public, après avoir été retardée par plusieurs blessures ces dernières années. De quoi confirmer un potentiel déjà décelé par ceux qui l'ont côtoyée. "Quand je l’ai vue jouer, j’ai trouvé que sur terre, elle jouait déjà top 50 quasiment à ce moment-là", affirme Laurent Rochette, qui l'a rencontrée pour la première fois début 2024, pendant sa série de 23 victoires en 24 matchs disputés sur terre battue avant sa grave blessure au Trophée Clarins. "Ça fait deux ans que je parle d’elle, et je le dis depuis un an, c’est l’avenir du tennis mondial féminin. Pas Lois en soi, mais ce qu’elle représente : c’est-à-dire un gros physique, un tennis où on évolue. C’est la version 2.0 des femmes, dans le sens où ça y est, on a une femme qui met de l’effet en coup droit comme les mecs, qui sert comme les mecs, qui fait des slices comme les mecs, qui a un vrai sens du jeu."
"Ça ne veut pas dire qu’elle va toutes les embêter, parce qu’il y a des joueuses qui ont une telle puissance que ça lui fera mal aussi, elle ne va pas jouer de cette manière là dans tous les Grands Chelems et sur toutes les surfaces. Mais sur ce Roland-Garros, c’est ce qui fait mal."
Justine Hénin, consultante France Télévisionsà franceinfo: sport
Ce Majeur sur la terre parisienne déjà réussi sera-t-il le premier d'une série, ou un exploit sans lendemain ? "Pour moi, ce n'est pas qu'un feu de paille [...] Si la santé suit, il n’y a aucun problème qu’elle fasse régulièrement des secondes semaines à Roland-Garros", assène Laurent Rochette. "Je ne vois pas comment ça peut être un 'one-shot', à part s’il y a un gros problème psychologique ou physique."
"Elle va être amenée à jouer Roland-Garros, idéalement si tout se passe bien, sans blessure, pendant les dix ou quinze prochaines années. Elle aura une dizaine d'opportunités. Lois étant une spécialiste de terre battue, elle a encore plein de choses à améliorer dans son jeu, elle veut vraiment aller chercher" une victoire à Paris, assurait son agent Jonathan Dasnières de Veigy sur les ondes de franceinfo mardi. Le prochain rendez-vous est fixé mercredi, pour son quart de finale face à Mirra Andreeva. Avant peut-être de nombreux autres dans le futur ?
Francetvinfo