Tour de France femmes 2025 : Maëva Squiban joue la double fête

Vendredi soir à Chambéry (Savoie) au moment de s’exprimer devant les caméras du Tour de France, Maëva Squiban était à court de mots, dépassée par la performance qu’elle venait d’accomplir. Comment en être autrement ? La veille, la Française de 23 ans sans succès de prestige sur le circuit professionnel s’en était offert un, s’échappant en solitaire dans les montagnes auvergnates pour s’imposer à Ambert pour la première fois de sa carrière sur la Grande Boucle. Parmi les suiveurs, on parlait à juste titre d’exploit. Mais alors, comment qualifier ce que la coureuse de l’équipe émiratie UAE-ADQ a fait ce vendredi 1er août ?
A peine la course était lancée en début d’après-midi, au départ de Bourg-en-Bresse, que Maëva Squiban s’est une nouvelle fois fait la malle. L’idée partait d’une promesse faite sous le ton de la blague à une de ses amies, expliquera-t-elle plus tard, une fois la ligne d’arrivée passée. Un coup de bluff, pour les fans et les caméras, au lendemain d’une journée qui, forcément, avait laissé des traces. Sauf que la plaisanterie est devenue sérieuse. La Brestoise s’est rapidement retrouvée entourée d’une quinzaine d’autres coureuses, parmi lesquelles la récente championne de France Marie Le Net, ou la double championne du monde belge Lotte Kopecky.
Le long d’une étape dessinée en deux temps – le plat d’abord, sur une centaine de kilomètres, puis un enchaînement de montées –, l’échappée a creusé une belle avance sur un peloton qui avançait piano. L’écart dépassait les cinq minutes quand la route a commencé à se cabrer. Et encore une fois, à mesure que les kilomètres défilaient, que les organismes commençaient à fatiguer, la Française est apparue plus percutante, étonnement plus fraîche aussi, bref tout simplement plus forte que ses partenaires de cavale. Comme la veille, Maëva Squiban a passé le dernier sommet, le col du Granier (à 17 kilomètres de l’arrivée), en solitaire, sans personne à moins d’une centaine de mètres de sa roue arrière, bénéficiant de son gros travail en montagne ces dernières années, elle qui a déménagé dans le Var pour travailler ses aptitudes en altitude.
Dans la descente qui l’emmenait sur Chambéry, elle a filé tout droit, dépassant par moments les 80 km/h, pour s’offrir un nouveau moment de gloire. Elle dira après coup qu’elle n’entendait rien. Ni le bruit des très nombreux spectateurs le long de la route. Ni les écarts, donnés dans l’oreillette par sa direction sportive. Les autres étaient pourtant loin : elle franchira la ligne avec près d’une minute d’avance sur sa compatriote Cédrine Kerbaol. Presque un copier-coller de la veille : jeudi, une autre tricolore, Juliette Labous, lui avait succédé sur la ligne d’arrivée. En trois éditions et demie, une seule Française avait réussi à remporter une étape du Tour de France. Maëva Squiban l’a fait deux fois en deux jours.
A chaque fois, l’exploit se mesure à la réaction de ses proches. Jeudi, c’était une de ses coéquipières, non sélectionnée sur le Tour et venue la voir courir qui, en la prenant dans les bras, en pleurs, lui glissait à l’oreille, s’adressant autant à Squiban qu’à elle-même : «Tu te rends compte ? Une étape du Tour de France ?» Vendredi, c’était son père qui l’interrogeait, tout aussi incrédule : «Mais qu’est-ce que tu nous as fait encore ma grande ?»
La performance est d’autant plus belle que la Bretonne aurait pu ne pas participer à la Grande Boucle. En mai, lors d’une sortie d’entraînement, elle s’est retrouvée projetée sur le bitume, percutée par une voiture. Elle s’en sortira avec des douleurs un peu partout et deux mois sans pouvoir courir, ce qui lui coûtera sa participation aux championnats de France. «Mon casque m’a sauvé la vie», écrira-t-elle sur ses réseaux sociaux.
Avec le Tour de France, son histoire n’a pas toujours été facile non plus. Son premier, en 2022, celle qui courait à l’époque sous les couleurs du Stade Rochelais, l’avait fini à l’hôpital, prise dans une chute lors de la deuxième étape qui lui avait causé une fracture du sacrum. En 2024, elle avait terminé l’avant-dernière étape en pleurs, deuxième sur la ligne d’arrivée après avoir longtemps cru accrocher à son palmarès la plus belle victoire de sa carrière. Il lui aura fallu un an pour se l’offrir, et plutôt deux fois qu’une.
Jeudi soir, Maëva Squiban inondait ses réseaux sociaux de photos et vidéos de sa victoire. Sur l’une d’entre elles, on la voyait avec les quelques coéquipières qu’il lui reste (trois des sept coureuses de la UAE-ADQ ont dû abandonner à cause de blessures) en train de déboucher une bouteille de champagne. On espère que son équipe lui en avait gardé une autre au frais.
Mise à jour le 1er août à 20 h avec plus d’éléments
Libération