Témoignages. « Tu es forte pour une fille » : la salle de sport, un lieu encore hostile pour les femmes

Elles ont poussé un peu partout en France : les salles de sport, ouvertes très tôt le matin et jusqu’à très tard le soir, proposant des équipements de fitness, de musculation et des cours collectifs, ont intégré le quotidien de nombreux Français. Sept millions sont adhérents à l’une d’elles, selon une étude Xerfi de 2024. Mais ce qui devrait être un espace de bien-être, de dépassement de soi et de confiance est aussi un lieu d’appréhension, notamment pour les femmes. Selon un sondage réalisé par Flashs pour L’Orange bleue, 30 % d’entre elles trouvent cet endroit intimidant et hostile, un ressenti qui grimpe à 37 % chez les plus jeunes (*).
« Je ne vais à la salle de sport que depuis peu. L’inscription a été fluide mais si nous ne sommes pas issues du milieu, cela n’est pas inné de savoir utiliser des machines », reconnaît Juliette, 27 ans, de Langres (Haute-Marne). Elle n’est pas la seule à faire ce constat. Jugement, remarques déplacées : l’expérience sportive peut rapidement virer à l’inconfort. Six femmes sur 10 reconnaissent que le regard des autres a déjà été un problème dans leur pratique en salle de sport. Pour 27 %, elle est principalement liée au regard masculin. Pour éviter ce genre de situation, 48 % expliquent éviter les heures d’affluence et 33 % reconnaissent porter des vêtements amples. « Je suis inscrite depuis un mois et j’ai déjà été inscrite il y a quelques années mais j’ai toujours cette même appréhension quand je rentre dans la salle, celle d’être jugée par les regards masculins », témoigne Camille, 28 ans, de Baulay (Haute-Saône).
L’espace musculation, source de stressBeaucoup rapportent cette sensation d’être observées, scrutées, voire évaluées. Un sentiment décuplé dans les espaces historiquement masculins : 45 % des femmes citent la musculation comme la zone la plus inconfortable. Adeline, 34 ans, de Lyon, s’est lancée dans la musculation il y a cinq ans. « Au début, j’avais des regards des hommes, intrigués que j’utilise les mêmes machines qu’eux. Certains viennent encore parfois me donner des conseils, pensant que je ne sais pas m’en servir et c’est un peu rabaissant, car ils ne font pas ça avec les autres hommes. Avec le temps, j’ai appris à ne plus y faire attention, je mets ma musique et je me concentre sur ma séance », raconte-t-elle.
Comme Adeline, 58 % des femmes ont déjà vécu au moins une situation de comportement inapproprié. Dans ces mauvaises expériences, 40 % des femmes rapportent des attitudes infantilisantes : des remarques du type « Tu es forte pour une fille » (12 %), des surnoms condescendants comme « princesse » ou « ma belle » (9 %), ou encore de corrections non sollicitées (19 %).
Près de deux femmes sur trois rapportent avoir subi des comportements intrusifs, avec en premier lieu des regards insistants (33 %), mais aussi les approches déguisées en conseils sportifs (12 %), la drague insistante (9 %) ou le fait d’être ou se sentir suivie (10 %). Une situation dont a déjà été victime Nadia, 46 ans, de Villeurbanne (Rhône), lors d’un cours de CrossFit dans sa salle de sport. « À la fin de la séance, il est venu me voir en me donnant des conseils bienveillants, mais par la suite, il a été trop insistant et a commencé à me draguer. J’ai glissé dans la conversation que j’étais mariée et que je n’étais pas là pour chercher quelqu’un. Le côté insistant est très désagréable », rapporte-t-elle.
Plus grave encore, dans cette enquête, 16 % des répondantes déclarent avoir été confrontées à des atteintes à l’intégrité physique ou à leur vie privée : des photos ou vidéos prises sans consentement (5 %), des contacts physiques non sollicités (5 %) ou un sentiment d’insécurité dans les vestiaires et douches (6 %).
Cet été, le hashtag #MeTooBasicFit (du nom de la chaîne de salle de sport) a même émergé sur les réseaux sociaux après le témoignage de la militante féministe Marguerite Stern (ancienne du groupe Femen, aujourd’hui critiquée pour ses actions jugées transphobes), qui déclarait avoir été victimes de plusieurs agressions sexistes et dénonçait un climat d’insécurité auquel la chaîne ne prêtait pas attention. D’autres femmes ont alors raconté leurs expériences négatives avec les salles de sport.
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Heureusement, les choses évoluent petit à petit. Certaines salles mettent en place des chartes de respect et des zones réservées aux femmes. Salomé, 28 ans, de Strasbourg, fréquente les salles de sport depuis une dizaine d’années et raconte « ne jamais subir de remarques ou regards déplacés. À la salle, tout le monde est concentré sur son entraînement. Tout le monde a en tête son objectif. En tant que femme, il ne faut pas s’autocensurer ou se limiter. Toutes les machines sont abordables. La salle est un espace partagé et chacun y a sa place », souligne-t-elle.
Pour celles qui n’osent pas pousser les portes d’une salle de sport en présence d’hommes, certaines ont décidé d’ouvrir en espace non-mixte, dans les salles entièrement réservées aux femmes. Il en existe dans de nombreuses grandes villes : Lyon, Strasbourg, Paris…
(*) Sondage réalisé par Flashs pour L’Orange Bleue, enquête exclusive auprès de 2 000 femmes françaises, dont 1 262 femmes pratiquant ou ayant pratiqué une activité en salle de sport, pour éclairer les coulisses d’un espace où la recherche de bien-être se heurte parfois à un sentiment de vulnérabilité.
Le Progres