Économie. Neuves ou d’occasion, pourquoi les Français n'achètent plus de voitures ?

L’envolée post-covid des ventes de voitures d’occasion, concomitante à une pénurie de pièces pour les voitures neuves, semble aujourd’hui bien loin. Après les ventes de véhicules neufs, celles de seconde main marquent aussi le pas. Au mois de juillet, le nombre de re-immatriculations est sensiblement inférieur au demi-million d’unités (489 465) et en baisse de 4 % par rapport au même mois de l’année dernière. Le tout après un mois de juin déjà inquiétant avec une baisse de 4,8 %
Sur les sept premiers mois de l’année, le bilan est à peine plus réjouissant avec un décompte tout juste positif (+ 0,1 %). Car, à y regarder de plus près, les ventes des véhicules très jeunes, d’un an ou moins, s’écroulent de 20,2 %, et celles des véhicules de deux à cinq ans de 13,2 %. C’est à la vente de véhicules anciens de 16 ans et plus, en croissance de 10,9 %, que le marché de l’occasion doit son équilibre.
Comment expliquer que tout le secteur automobile soit dans une telle impasse, à tel point que l’on puisse craindre une morosité structurelle ? La première raison étant une inflation, de l’ordre de 25 % ces dix dernières années, que les potentiels acheteurs n’arrivent tout simplement plus à suivre. « Quand vous regardez le prix d’une Clio, il y a dix ans, ça valait 15 000 €. Aujourd’hui, c’est 25 000 €. Les salaires n’ont pas suivi cette hausse. Ça explique pourquoi l’âge moyen du parc automobile français est de onze ou douze ans, alors qu’il était de huit ans, il y a une quinzaine d’années. On a probablement touché une sorte de plancher », argue Gaëtan Toulemonde, analyste du marché de l’automobile.
« On a des prix de vente qui sont élevés et qui sortent du marché nombre d’automobilistes qui n’ont, soit pas les moyens, soit qui ont les moyens mais ne veulent pas mettre autant d’argent dans une voiture », constate également l’économiste Flavien Neuvy. « Des arbitrages sont faits par les consommateurs ». Les prix de vente résultent d’ailleurs, eux aussi, d’arbitrages… des constructeurs. « La pénurie des semi-conducteurs a fait que les constructeurs ont privilégié les modèles qui margeaient le plus au détriment de ceux qui margeaient le moins, donc les véhicules les plus chers », nous explique Gaëtan Toulemonde. « Or, il y a une règle de trois assez simple : à chaque fois que les prix augmentent de 1 %, les volumes baissent de 1 %. »
Une réalité que les constructeurs ont sciemment ignorée quand la conjoncture leur était plus favorable pour dégager un maximum de profits. « On a traversé une période exceptionnelle ces cinq dernières années, avec plus de clients que de voitures à vendre, ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire de l’industrie automobile », relate Flavien Neuvy. « À partir du moment où vous avez plus de clients que de voitures disponibles, ça incite à augmenter les prix puisqu’il y a toujours des clients en face. Les constructeurs ont peut-être eu l’illusion qu’ils pouvaient augmenter les prix sans trop de dégâts. »
L’industrie automobile restant, par nature, une industrie de volume, un manque de volumes crée des usines en sous-charge et une pression sur les prix, insoutenable pour la classe moyenne, habituellement motrice du marché. D’autant que, outre la hausse des prix, d’autres facteurs entrent en compte avant de franchir la porte d’un concessionnaire, les automobilistes déjà motorisés faisant preuve d’un certain attentisme, à l’heure où le choix de l’énergie peut s’avérer complexe.
« Si vous demandez autour de vous, les gens qui réfléchissent à acheter une voiture sont en situation de stand-by parce que rien ne les convainc réellement. Ils conservent leur véhicule plus longtemps, ne sachant pas exactement par quoi ils vont le remplacer ou n’ayant pas les moyens », assure Gaëtan Toulemonde. Flavien Neuvy abonde : « Il y a un flou autour de l’avenir de l’industrie automobile. Pour le dire plus simplement, les gens sont dubitatifs à l’idée de passer à l’électrique. Beaucoup pensent que la réglementation changera, qu’on n’ira pas à l’interdiction des véhicules thermiques en 2035 et qu’il est urgent d’attendre. Ce qui a un impact direct sur les volumes de vente ».
Autant de problèmes se superposant et posant une question qui pourrait s’avérer existentielle pour toute l’industrie automobile : qui peut encore s’acheter une voiture ? « Pour rebondir, il faudra régler certains problèmes », insiste Gaëtan Toulemonde, qu’ils soient conjoncturels, économiques, politiques… C’est essentiel pour se remettre au niveau du portefeuille des consommateurs.
Le Journal de Saône-et-Loire