Euro féminin : Amel Majri, la maman qui prolonge le plaisir chez les Bleues

PORTRAIT - Figure incontournable du football féminin français avec son «pied gauche magique», Amel Majri demeure un précieux élément des Bleues, trois ans après être devenue maman.
Comme un clin d’œil du destin, alors que l’équipe de France lançait son Euro 2025 contre l’Angleterre, Maryam soufflait trois bougies sur un gâteau, le visage peinturé de bleu, blanc et rouge. Le 5 juillet marquait l’anniversaire de la fille d’Amel Majri, qui s’est vu offrir un joli cadeau de la part des Bleues : une victoire (2-1) pour faire un premier pas vers les quarts de finale.
«C’est la première fois que je ne l’ai pas aussi longtemps avec moi. Elle me manque, j’ai hâte de rentrer», nous confiait, à deux semaines du début de l’Euro, l’une des deux mamans (avec Constance Picaud) parmi les vingt-trois joueuses du groupe tricolore. Après une préparation qui les a emmenées à Valenciennes et Grenoble, les Bleues se sont installés à Heiden, à l’extrême nord-est de la Suisse, pour le championnat d’Europe. Et Majri a pu retrouver sa fille.
Passer la publicitéDepuis 2023, un protocole est inscrit dans la convention entre les joueuses et la Fédération française de football (FFF). La FFF s’engage à prendre en charge déplacement, hébergement et restauration de l’enfant jusqu’à ses 3 ans, et d’un accompagnant, généralement l’autre parent ou la nounou. Majri était devenue, il y a deux ans, la première footballeuse à venir à Clairefontaine avec son bébé, alors véritable mascotte du groupe, génératrice de sourires et de légèreté entre deux entraînements.
Depuis la maternité, des choses ont changé dans la vie de la polyvalente gauchère. «Ma fatigue déjà», désigne-t-elle dans un rire. «Je dors moins. Mais en fait, je me sens mieux.» Retrouver sa fille à la maison le soir «permet de couper, de moins se prendre la tête.» Surtout après une défaite ou une situation sportive délicate. «Avant, je prenais beaucoup de temps à passer à autre chose. Ça m’a permis de me changer les idées plus rapidement.» Une régénération mentale, bien utile pour retrouver le chemin des Bleues.
Si on est dans un match fermé à 0-0 et qu’on bute sur une défense qui joue bas, elle peut faire la différence.
Laurent Bonadei, sélectionneur de l’équipe de France, à propos d’Amel Majri
La Lyonnaise de toujours (elle a rejoint l’OL à 14 ans) n’avait pas été conviée par Hervé Renard aux JO de Paris 2024. Le crépuscule de sa carrière internationale à 31 ans (32 aujourd’hui) ? «Je me disais de retourner au travail. Si je devais être rappelée, ça allait payer. Ça a été le cas», se satisfait la milieu offensive de formation, maillot floqué du N.10.
«C’est une joueuse atypique, décrit le sélectionneur Laurent Bonadei. Une joueuse avec un talent incroyable, un pied gauche magique. J’aime beaucoup son intelligence de jeu, sa vision de jeu. Si on est dans un match fermé à 0-0 et qu’on bute sur une défense qui joue bas, elle peut faire la différence.» Notamment sur situations arrêtées, en témoigne son sublime coup franc contre le Paris FC en avril dernier (2-2).
Majri, c’est aussi une expérience et un palmarès qu’aucune autre Française n’approche, en l’absence de Wendie Renard et Eugénie Le Sommer à l’Euro. La Franco-tunisienne (elle est née à Monastir et a joué pour la sélection tunisienne des moins de 20 ans) compte 11 titres de championne de France, 8 Coupes de France et 8 Ligues des champions, en plus de 80 sélections chez les Bleues.
Passer la publicitéElle n’est pas pour autant la maman du groupe France, elle qui se fait surnommer «Dory» en référence au personnage d’animation de Disney à la mémoire défaillante. «À la base, on s’était donné des surnoms avec Kenza (Dali) et Sakina (Karchaoui). Et Selma (Bacha) en a parlé. C’était censé rester secret...», sourit celle qui pourrait «oublier sa fille à Carrefour» selon Bacha.
Tête en l’air dans la vie ? Peut-être. Plutôt discrète, pas volubile, elle ne fait pas partie des trois vice-capitaines derrière Griedge Mbock. Logique. Elle n’en demeure pas moins une professionnelle exemplaire, d’où sa longévité. «Le secret ? C’est d’être passionnée, toujours vouloir venir à l’entraînement pour se surpasser, apprendre à nouveau et gagner», résume la fan N.1 de la légende brésilienne Marta, dont elle regardait en boucle des vidéos sur Internet lorsqu’elle était collégienne : «J’allais à la médiathèque, on payait 50 centimes pour avoir 30 minutes d’ordinateur.»
Majri a depuis muté dans le rôle du modèle. Remplaçante contre l’Angleterre, elle devrait être titulaire face au pays de Galles mercredi (21h) pour apporter sa touche technique dans le cœur du jeu. Et prolonger le plaisir, la «fierté de représenter mon pays».
lefigaro