«Je vendais de la drogue pour subvenir à mes besoins» : à Marseille, la surprenante défense d’un membre supposé de la 'Ndrangheta
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Appelé à la barre dans le cadre d’un vaste procès pour trafic de stupéfiants qui s’est ouvert à Marseille, un prévenu soupçonné d’être proche de la mafia calabraise a expliqué vendre de la drogue car il était à l’agonie financièrement.
«J'étais à l'agonie financièrement»: membre d’une famille considérée comme affiliée à la puissante mafia calabraise de la 'Ndrangheta, Domenico M. a tenté de se justifier mardi, à Marseille, où il est jugé dans le cadre d'un vaste trafic international de stupéfiants.
Comme 21 autres prévenus, cet homme de 43 ans, polo marron et pull noir noué sur les épaules, est jugé depuis lundi et jusqu'au 21 mars devant le tribunal correctionnel de Marseille pour son rôle dans un réseau de vente de cocaïne et de résine de cannabis qui se déployait principalement dans le Var et les Alpes-Maritimes mais qui s'approvisionnait également en région parisienne ainsi qu'en Espagne, en Italie, aux Pays Bas et en Belgique.
«Je vendais de la drogue pour subvenir à mes besoins et ceux de mes enfants», a reconnu le prévenu mardi, depuis le box: «Une centaine de grammes par mois, ça devait me rapporter 1500 euros par mois», a ajouté l'homme au crâne rasé et à la barbe bien taillée.
Cette somme, entre 2018 et 2020, venait compléter les quelque 1000 euros de revenus qu'il touchait alors pour son emploi à temps partiel dans un foyer de jeunes travailleurs à Vallauris (Alpes-Maritimes).
Mardi, le tribunal n'abordait pas les faits, mais seulement la personnalité du prévenu. Et celui-ci s'explique donc sur son parcours de vie. Interrogé par la présidente du tribunal sur une précédente condamnation à quatre ans de prison, en 2010, pour un trafic de stupéfiants impliquant également deux de ses oncles, Antonio et Luciano M., il assure ne plus vouloir entendre parler d'eux: «Ils m'ont payé pour faire le sale boulot, transporter de la cocaïne».
«Je sortais de détention, j'étais à l'agonie financièrement, avec un enfant en bas âge et ma femme enceinte», poursuit-il. À nouveau condamné, par la justice italienne cette fois, en décembre 2022, pour importation, détention et transport de substances stupéfiantes, il est réincarcéré en mai 2024, pour une peine de quatre ans de prison qu'il purge en France.
Et il y a donc désormais ce nouveau dossier de trafic de stupéfiants, jugé à Marseille, où Domenico M., est en outre soupçonné d'avoir joué un rôle d'intermédiaire, en sa qualité de membre d’une famille considérée comme affiliée à la 'Ndrangheta.
Il serait notamment intervenu lors du conflit ayant opposé Patrick V., considéré comme la tête de ce réseau, et son associé Rémy E., à des Albanais, auxquels les deux hommes auraient dérobé 11 kg de cocaïne. «Je me retrouve là, tout s'écroule», témoigne-t-il, décrivant une vie avant sa dernière incarcération apparemment bien éloignée de celle d'un puissant chef mafieux, avec un double travail de chauffeur VTC et d'autoentrepreneur dans l'événementiel.
«Pour moi, c'est une catastrophe, j'ai manqué à mes devoirs, l'éducation de mon fils, je suis passé au travers», déplore-t-il en évoquant les démêlés actuels de son fils avec la justice. «Il y a pas mal de choses qui sont cassées, je n'en suis pas fier», mais «j'assume mes conneries, je vais essayer d'être le plus sincère et honnête possible dans cette histoire», promet-il, à la veille du début de l'examen des faits par le tribunal.
Lors d'un interrogatoire, en septembre 2021, il avait déjà reconnu auprès des enquêteurs avoir participé à certains des faits qui lui sont reprochés dans ce dossier, notamment l'achat, la détention et le transport de cocaïne. Mais il contestait en revanche les faits d'importation et d'exportation de stupéfiants, ou encore ceux de blanchiment, pour lesquels il est également renvoyé.
lefigaro