"Jamais trop tard": après le million de signatures de la pétition anti loi-Duplomb, que va-t-il se passer?

La pétition, à l'initiative d'une jeune étudiante, contre la loi Duplomb a dépassé dimanche le million de signatures. Cette loi visant à lever les contraintes au métier d'agriculteurs mais décriée à cause notamment de la réintroduction de certains pesticides toxiques autorisés partout en Europe. Une pétition lancée le 10 juillet par Eléonore Pattery, 23 ans, étudiante en Master QSE et RSE (Qualité, Sécurité, Environnement / Responsabilité Sociétale des Entreprises).
La jeune femme dénonce une "aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire". Selon elle, comme écrit dans la pétition, la loi Duplomb "représente une attaque frontale contre la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire, et le bon sens".
Adoptée le 8 juillet au Parlement, la loi Duplomb prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France mais autorisé en Europe. Ce produit est réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale.
Eléonore demande l'abrogation immédiate de la loi, la révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée ainsi qu'une consultation citoyenne des acteurs de la santé, de l’agriculture, de l’écologie et du droit.
Si un débat doit avoir lieu sur cette loi à la rentrée, conformément au règlement de l'Assemblée quand une pétition dépasse les 500.000 signatures, les Écologistes et la France insoumise en appellent désormais au président Macron.
Jamais une pétition n'a recueilli autant de soutien, et en réalité, cela change un peu les choses. Les opposants au texte ont donc emporté une première bataille, un débat sur la proposition de loi Duplomb aura lieu à l'Assemblée à la rentrée mais un débat sans vote et donc symbolique.
Insuffisant pour les écologistes et les insoumis qui, forts de plus d'un million de signataires, appellent Emmanuel Macron à ne pas promulguer le texte. Attention, prévient l'ancien ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, "une pétition qui viendrait abroger une loi, signerait la fin de la démocratie représentative".
Ce proche de François Bayrou, pour qui "la colère" doit être entendue, donne rendez-vous début août. Car selon certains spécialistes, il n'est pas impossible que le Conseil Constitutionnel censure certains articles du texte. Et c'est à ce moment-là qu'Emmanuel Macron pourrait intervenir, en toute fin de parcours et pas avant, précisait dimanche l'Elysée à RMC.
Pour François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures, et signataire de la pétition, "ce n'est jamais trop tard".
"La loi Duplomb contient des dispositions très néfastes pour l'environnement, la santé, et il n'y a pas eu de vrai débat à l'Assemblée nationale, pas eu le droit de déposer des amendements", détaille-t-il.
En effet, cette loi a eu un parcours parlementaire atypique, car c'est "très rare" que le promoteur d'une loi "fasse voter une motion de rejet à l'Assemblée Nationale". Une motion de rejet a été adoptée par ceux qui défendent le texte pour lui permettre de passer directement en Commission mixte paritaire et éviter les débats à l'Assemblée et le vote d'amendements qui auraient pu modifier le texte.
Selon lui, le Président de la République peut, en tout cas, refuser de la promulguer et demander un second examen à l'Assemblée Nationale.

La présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet s'est dite, elle, dimanche sur franceinfo "favorable" à l'ouverture d'un nouveau débat. Mais, il "ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée" qui va, selon elle, "sauver un certain nombre de nos agriculteurs". Réponse du militant: "Elle dit ce qu'elle veut, c'est son droit le plus strict mais le Président, une de ses missions, c'est d'assurer une concorde nationale".
Et cela commencerait pas écouter les revendications des détracteurs. En effet, "on voit très bien qu'il y a un rejet d'un certain nombre de dispositions de cette loi", explique François Veillerette. Notamment sur les insecticides néonicotinoïdes dont 22 sociétés savantes, médicales, ont signalé les dangers très récemment.
"Il n'y a pas du tout d'adhésion d'une vaste majorité de la population à cet aspect-là du texte", poursuit-il.
Le porte-parole de l’association Générations futures demande lui aussi un débat populaire, qui "pourrait nous dire le type d'alimentation que veulent les Français, un débat d'orientation".
Il est possible de déposer des pétitions sur le site de l'Assemblée depuis 2019 mais une seule, contre la Brav-M, brigade de policiers motorisés de répression de l'action violente, avait jusqu'ici recueilli 260.000 signatures, très loin de celle-ci.
RMC