A Brignoles, le conseil municipal entre dans une nouvelle ère

En quelques semaines, l’ambiance, au conseil municipal de Brignoles, est passée d’un coup de soporifique à délétère. Hier matin, chaque délibération, ou presque, est débattue, de manière virulente parfois, avec une nouvelle dynamique qu’il aurait été difficile d’anticiper. Une nouvelle opposition sortie du bois, une ancienne revenue du diable Vauvert: voilà désormais le duo qu’incarnent Catherine Delzers et Bertrand Kieffer.
La première, ex-troisième adjointe, a quitté la majorité avec pertes et fracas en avril dernier. Le second, élu d’opposition, a brillé par son absence de l’assemblée communale ces quatre dernières années. Et en face, les élus de la majorité, avec évidemment Didier Brémond, le maire, et Chantal Lassoutanie, la première adjointe, en tête. Résultat: de la castagne, où l’on flirte parfois avec les limites de l’acceptable.
Une escarmouche avant la guerreDidier Brémond, on l’a vu hier, n’aime pas beaucoup la contradiction. Les petites escarmouches adressées jusqu’à présent par une opposition timide étaient souvent accueillies comme il faut par le maire. Viril, mais correct. C’était d’ailleurs le cas, au départ, quand Catherine Delzers dénonçait ce qu’elle estimait être de "l’enfumage", des "mensonges" et autres "humiliations" qui ne laisseraient plus, selon elle, les Brignolais indifférents. Le premier magistrat répondait: "Vous m’avez dit tous les jours: “Je suis un soldat." Eh bien Madame, si vous êtes un soldat, je ne partirai pas à la guerre avec vous. »
Ce n’était là que l’amuse-bouche des échanges tendus qui ont marqué la quasi-intégralité du conseil municipal. Car un peu plus tard, sur le projet d’hôtellerie de prestige programmé sur le site de l’ancien Palais de justice, projet qui ne semble pas convaincre l’ex-membre de la majorité, Didier Brémond lâchait les chevaux, se faisant plus menaçant, voire infantilisant: "Vous allez avoir quelques mois difficiles, hein? Oulalala…"
Pas de quoi démonter Catherine Delzers pour autant: l’élue continuera ses remarques parfois acerbes sur les projets municipaux présentés lors du conseil, face aux remarques qui bientôt venaient de toutes parts. Édith Murgioni et Dominique Perez, conseillères municipales, reprochaient par exemple l’absence de dialogue avec celle qui était alors en charge des commerces. "Vous êtes pathétique", lançait la première. "Je reconnais la technique de horde lâchée", répondait Catherine Delzers. Ambiance…
Catherine Delzers "était en charge"Pour autant, dans le flot des critiques adressées à l’ancienne élue de la majorité, celle, récurrente, qui consistait à dire que Catherine Delzers était manifestement d’accord avec la politique menée avec son chef de file d’hier, et adversaire d’aujourd’hui, faisait souvent mouche. L’évolution spectaculaire de la position de l’élue interroge, forcément, et la majorité, Chantal Lassoutanie en tête, sait le mettre en lumière.
Absence de concertation sur l’évolution du marché? "Vous étiez en charge du dossier, c’était à vous de le faire." Inquiétudes sur les finances de la Ville? "Un mandat entier sans que n’ayez manifesté vos compétences en matière de finance, et en fin de mandat, vous nous faites part de ces observations, alors que vous avez voté le budget…" La première adjointe, et Didier Brémond également appuient là où ça fait mal, et on sent que l’argument sera de nouveau employé si d’aventure une candidature Delzers devait se dresser sur la route du maire lors des prochaines échéances municipales.
Bertrand Kieffer "était absent"Quant aux remarques émises par Bertrand Kieffer, là encore, la majorité possède un atout massue: l’absence de l’élu depuis 2021 dans les assemblées communales suffit pour balayer l’essentiel de ses critiques. Une question sur les contrats de prestation? "Ça a été débattu en commission des finances, vous n’étiez pas là." Une interrogation sur les conséquences de la loi Zéro artificialisation nette? "Ça fait un moment qu’on travaille sur cette question, si vous nous aviez fait l’honneur de votre présence, vous le sauriez." En bref, comme le résumait Chantal Lassoutanie: "Il faut mieux travailler vos dossiers à l’avenir…"
La majorité, parfois colérique, reste-t-elle sereine? C’est en tout cas la consigne visiblement donnée aux élus. Et gare à ceux qui dévient de cette route. Zohra Benedetto en a fait les frais, elle qui votait contre la délibération entérinant l’arrivée du Monoprix sur le site du marché couvert (lire ci-contre): "J’ai travaillé en commission avec Madame Delzers", expliquait-elle. De quoi déclencher la colère du maire: "Tu es contre? Va rejoindre le groupe là-bas [désignant la table de Catherine Delzers et Bertrand Kieffer]. Va t’asseoir là-bas maintenant. Fais-moi plaisir, parce que c’est moi qui vais t’y envoyer sinon. La réunion de préconseil, elle t’a servi à toi!"
Ambiance (bis)…
Des échanges virulents, certes. Mais sur des sujets qui valaient parfois que l’on s’y attarde. Tour d’horizon.
La Banque des territoires va financer 50% des études qui devraient permettre d’engager un projet de développement sur les sites des Consacs, du quartier de la gare ou du boulevard Frédéric-Mistral. Le tout grâce au dispositif Action cœur de ville, dont la convention a été renouvelée en janvier 2024. Mais Catherine Delzers y décèle la poursuite d’un projet de quartier résidentiel qui ne la convainc pas, notamment au regard de la situation des commerces d’un centre-ville "qui se meurt". Le maire répondra que la problématique, nationale, ne permet pas de remettre en cause la délibération.
Sur la question des finances, l’ex-adjointe suppose une situation dégradée: "A quand les économies?" Réponse de Chantal Lassoutanie: "Le budget est prudent et raisonnable, le ratio d’équilibre correct, nous n’avons pas de dépenses exorbitantes et nous bénéficions de financements que nous allons chercher." Pas de quoi rassurer Catherine Delzers: "Que les organismes de contrôle me prouvent que j’ai tort."
Var-Matin